vendredi 1 novembre 2024
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Ecolos farceurs sur la Canebière

Marseille, la double tromperie de l’écologie politique, par Pierre Dussol, professeur agrégé d’économie

Le « Printemps Marseillais » s’est installé à Marseille et son programme est d’une richesse et d’un détail tout à fait réjouissants : tout est nécessaire et possible dans tous les domaines, sans que les contraintes financières puissent être des obstacles à l’évolution vers « l’incarnation nouvelle » d’un monde municipal idéal.

Pourquoi la supposée « vague écologiste » municipale n’aurait-elle pas atteint Marseille ?

Pour la nouvelle mairesse marseillaise, paraît-il écologiste dissidente,  l’incroyable programme qui lui a valu 13% pour cent des suffrages marseillais – mais cela a suffi –  doit pousser le citoyen à se demander quelle bouillabaisse marseillaise, ou quelle salade russe lui est servie.

Si nous éclairons le chemin, nous voyons une double tromperie .

D’abord  les alliances dites « écologistes » ne sont qu’une manœuvre électorale pour capter des voix de gauche socialistes et France insoumise ; l’écologie n’a pas grand chose à y voir.

Ensuite l’écologie punitive progressiste est elle-même largement une tromperie. Cela commence à se savoir.

Commençons par les alliances électorales opportunistes.

Farfelu, cool et rebelle, au premier abord, le programme du Printemps Marseillais est inspiré par l’extrême gauche totalitaire.

On y trouve il est vrai quelques mesures que l’on peut rattacher à des préoccupations écologiques : nettoiement, propreté en général, agriculture « de ville », quelques projets d’espaces verts, l’opportun rappel que Marseille est au bord de la mer, bref on y enfonce des portes ouvertes.

Tout cela est bien aimable, mais tous les candidats le proposent plus ou moins. La phraséologie est lourde, enflée et solennelle puisque nous sommes sommés d’adhérer à un « projet audacieux » et « d’incarnation nouvelle», mais qui proposerait un  projet routinier et une incarnation régressive ?

Après ces banalités, viennent des bizarreries, du moins dans un programme municipal, qui plus est fort loin de l’écologie. Ainsi est-il question de « l’altérité vécue comme une chance », ce qui veut peut-être dire qu’il faut unir des talents différents et c’est sans doute pour cela que nous sont proposés pèle mêle une mosquée, la défense des lesbiennes et gays,  juste à côté des handicapés (est-ce voulu ?), et enfin la culture hip-hop.

Que cache ce programme ?

La fameuse promotion de la diversité dont on nous rebat les oreilles …s’agit-il de la seule valable, la diversité des talents ? Ainsi à côté des polytechniciens y aurait-il aussi des Centraliens et des HEC, à côté des mécaniciens,  des agriculteurs  ? 

Vient ensuite la lutte contre les discriminations où nous attendrions la lutte contre les brimades bureaucratiques et fiscales qui portent atteinte à la liberté des citoyens.

La délinquance n’est pas oubliée, mais d’ailleurs rien n’est oublié, nous l’avons écrit plus haut, ce sont les méthodes et les moyens qui pèchent.

Derrière ce fatras, gluant d’empathie mal orientée, se trouvent en effet clairement les logiciels habituels de la gauche qui sont répétés inlassablement par le politiquement correct actuel.

Qui oserait se dire raciste, homophobe ou islamophobe dans la France actuelle, mais sont-ce des sujets de politique municipale ? Cela relève de l’Etat et la récupération de ces sujets dans des élections locales ne se comprend qu’à partir des combinaisons électorales destinées à optimiser la « part de marché » de certains démagogues.

On aura compris, l’écologisme confus, et désuet du Printemps Marseillais n’est que tromperie électorale : il ne se comprend qu’avec les ingrédients de la gauche habituelle, partis socialistes ou plus ou moins insoumis.

Les écolos ont besoin du PS, de La France Insoumise et autres mouvements de gauche plus ou moins radicale pour augmenter leur « part de marché politique ». L’inverse est également vrai a-t-on remarqué !

Peut-on alors dire comme l’annonce le programme qu’il s’agit de rompre avec « un système à bout de souffle rongé par le clientélisme » ? (page 3 du programme).

Passons à la seconde tromperie : l’écologie elle-même est-elle une cause aussi pure que l’ont voudrait le croire ?

S’il s’agit d’agir pour la propreté de la ville et d’éviter les gaspillages et que l’on veuille baptiser cela « écologie »,  admettons .

Si l’on veut en faire une doctrine irréfutable dont seront déduites des actions indispensables pour « sauver la planète », il y a doute.

Nos écologues marseillais – et de nombreux autres – ont-ils eu connaissance de la récente publication de Michel Shellenberger « Apocalypse, jamais » ? (« Apocalypse never », dans l’édition originale)

Ce militant bardé de magnifiques références dans le combat écologiste passe aux aveux. Il aurait menti de façon répétée en exagérant le danger du changement climatique et aurait été depuis des années « alarmiste par peur ». Peur de quoi et de qui ? Peur des représailles de la « bien-pensance » et peur de s’écarter du troupeau sans doute. Tout d’un coup, accablé par des doutes qui le rongent depuis  longtemps, il avoue que le vrai moteur de l’action de l’écologie officielle est « l’hostilité envers la civilisation moderne », et peut-être ajouterions-nous, envers la civilisation tout court.

Une longue série de repentirs

Ce repenti récent – mais qui n’est quand même pas le premier – présente ses excuses pour avoir menti, rien de moins. D’autres suivront car c’est nécessaire.

Ce cas est le plus récent d’une longue série de « repentirs » ou de réfutations que l’on commence à mieux entendre.

On se souviendra des travaux de l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie sur l’histoire du climat. Il écrivait bien avant la mode du « réchauffement climatique » et ne peut donc être suspecté d’intentions « réactionnaires ».

Les années chaudes, voire caniculaires, ont été nombreuses dans l’histoire des mille dernières années en Europe. Il n’y a pas de tendance visible. Les scientifiques sont loin d’être tous d’accord sur le réchauffement climatique, contrairement à ce que disent les media. Beaucoup de mantras du discours dominant sont remis en cause par des scientifiques comme Richard Lindzen, du MIT, ou Patrick Moore, fondateur de Greenpeace Canada, qui se livre à un véritable acte de contrition pour ses mensonges alarmistes. (Interview dans le magazine Breitbert News). Les travaux de Milankovitch prouvant qu’il existe des cycles climatiques liés aux mouvements naturels de la terre, connus de la NASA depuis plus de cinquante ans, ressortent…

Il faudra sans doute encore d’autres repentis pour que les manipulations faites au nom de l’écologie soient remises à leur place mais espérons que le mouvement va s’accélérer et ce sera au bénéfice des vrais comportements écologiques qui devraient être ceux de tout le monde dans tous les partis et non un sujet de manœuvres électorales pour gauche en perdition.

Si la doctrine écologique veut que l’on évite les pollutions et les gaspillages pour sauver la planète, conseillons aux doctrinaires du Printemps Marseillais de commencer par remédier aux gaspillages budgétaires de leur municipalité : déficits et dettes sont le boulet que traine la ville de Marseille depuis de nombreuses années. Comme la nouvelle équipe n’en est en gros pas responsable, elle peut s’y attaquer énergiquement sans risquer de critique « en boomerang ». Espérons, sans trop y croire qu’elle le fera.

Sinon, il faudra souhaiter aux Marseillais une courte vie à ce trompeur « Printemps Marseillais ».

Professeur agrégé Pierre DUSSOL

 Université d’Aix-en-Provence

Une découverte historique du Dr. Juan Iovanna Marseille : le cancer du pancréas n’est plus invincible

« Désolé, Monsieur, vous mangez trop, vous buvez trop et vous fumez trop. Vos douleurs lancinantes à l’estomac et votre jaunisse ne sont pas liées à un mauvais fonctionnement de vos intestins. Vous souffrez d’un cancer du pancréas. »

Le diagnostic du médecin est sans appel. L’annonce est rude, le choc est brutal. Le patient est sonné, il ne peut plus articuler un mot. Il sait. Oui, il sait comme tout un chacun, que le cancer du pancréas est un des plus agressifs qui soit et que son taux de survie n’est que de 6 % à cinq ans, ce qui revient à dire que la grande majorité des personnes atteintes de ce type de tumeur maligne décède avant cinq ans…

Donc, dans l’état actuel de la recherche médicale et médicamenteuse, ce malade prévenu sans ambages par son oncologue sait qu’il va probablement mourir avant 2025…comme la plupart des 14000 nouveaux cas recensés chaque année en France au sein de la population âgée. 

Cependant, une petite lueur d’espoir s’est allumée dans la nuit tumorale pancréatique. Grâce à un médecin obstiné, pugnace, qui a livré durant vingt ans un combat sans merci contre les cellules malignes du pancréas. Il s’appelle Juan Iovanna. Il est d’origine italienne et argentine et s’est installé à Marseille en 1983 en s’inspirant des travaux d’un des pionniers de la discipline, le professeur Henri Sarles qui avait fondé à l’hôpital Sainte Marguerite « l’école du pancréas ». Il n’est jamais plus reparti. Avec ses 60 collaborateurs du centre de recherche en cancérologie de Marseille, Juan Iovanna et son équipe ont tellement fait progresser les investigations scientifiques dans ce domaine que la perspective d’un traitement efficace du cancer du pancréas dans moins d’une décennie n’est plus une utopie, mais une réalité.

10 cancers : 10 maladies différentes

« Le problème majeur qui se posait aux chercheurs, explique le Dr.Juan Iovanna, c’est qu’ils pensaient avoir toujours affaire à la même tumeur. On se penche sur dix cas de cancer du pancréas et l’on croit que ce sont dix cas identiques. C’est faux. Nous avons pu déterminer qu’il s’agit dix fois d’une maladie différente. »

En réalité, « le » cancer du pancréas n’existe pas. Il y a autant de cancers du pancréas que de personnes touchées par ces cellules malignes. Le seul traitement curatif de ce cancer, c’est la chirurgie. On opère une résection de la partie du pancréas sur laquelle la tumeur s’est développée. Encore faut-il que le pronostic soit assez précoce pour éviter la propagation de métastases à d’autres organes.

Les autres thérapies expérimentées jusqu’ici sont hélas souvent lourdes et n’ont qu’un effet palliatif. Certes, depuis une vingtaine d’années les perspectives de survie se sont améliorées puisqu’elles sont passées de deux ans à cinq ans, mais force est de reconnaître que sur dix cancers du pancréas, un patient meurt dans les trois mois, quatre décèdent dans les six mois et cinq survivent parfois jusqu’à cinq ans.

Ce qui a intrigué le Dr. Iovanna dès le départ, c’est « l’hétérogénéité tumorale », c’est-à-dire l’impossibilité de réduire ce type de tumeur à l’aide d’un seul médicament. « Nous nous sommes évertués à comprendre pourquoi le même traitement  ne faisait sentir ses effets que dans 10 % des cas alors que 90 % ne répondent pas, souligne le chercheur, si neuf sur dix ne sont pas concernés par le médicament proposé, c’est que toutes leurs tumeurs sont différentes». CQFD.

Il a fallu lutter à la fois contre le fatalisme ambiant et contre l’image mortifère du cancer. Fort heureusement, le Dr Iovanna et son équipe ont été aidés par des partenaires financiers tels que la Ligue contre le cancer, l’Institut Paoli Calmettes (qui abritera bientôt leur laboratoire sur 4500 mètres carrés), le pôle anti-cancer de la région sud, l’institut national du cancer et l’institut national de la santé et de la recherche médicale.

    Démasquer les cellules cachées

L’arsenal médicamenteux mis à la disposition des médecins n’était pas satisfaisant. Dans le meilleur des cas, la combinaison de trois médicaments permettait de stabiliser la tumeur mais pas de l’éradiquer. « La totalité des cellules malignes n’écoutaient pas ce que la drogue leur disait », regrette le Dr. Iovanna. De fait, la difficulté essentielle pour les chercheurs est de parvenir à démasquer les cellules qui jouent à cache-cache avec le système immunitaire pour éviter d’être broyées.

Si l’on est parvenu à guérir de nombreux cancers du poumon ou de la peau grâce à « l’immunothérapie », il n’en est pas de même pour l’instant du cancer du pancréas, un petit organe qui demeure profondément enfoui derrière l’estomac et se blottit contre l’intestin. Tout se passe comme si les cellules infectieuses dissimulaient volontairement leur malignité pour ne pas être mangées par le système immunitaire.

Le traitement consiste alors à augmenter l’immunité de l’organisme et sa résistance naturelle par l’injection d’anticorps ou d’antigènes appropriés. On oblige en quelque sorte la cellule maligne à subir un « stress » et l’on établit un catalogue des diverses réponses à l’agression permettant d’assurer sa survie.

Le laboratoire dirigé par le Dr. Iovanna a traqué sans relâche les cellules cancéreuses pour comprendre leur ressort vital. Les tumeurs de 200 patients atteints d’un cancer du pancréas depuis 2011 ont été récupérées. Les chercheurs ont implanté ces tumeurs sur des souris « immunodéprimées », c’est-à-dire incapables de se défendre contre l’agression que provoque la tumeur implantée. Ils ont analysé l’évolution de chaque tumeur, ils ont enregistré leurs mutations successives, ils ont repéré les modifications des protéines et des gènes, et c’est ainsi qu’ils ont pu établir une cartographie biochimique, génétique et moléculaire des cancers du pancréas en vue d’un traitement « à la carte », susceptible de fournir une médecine personnalisée pour chaque patient.

    Iovanna a trouvé la bonne cible

Un véritable champ d’investigations pancréatiques a été défini avec des groupes de réponses pour chaque médicament ou combinaison de drogues. Le mérite de Juan Iovanna est d’avoir trouvé la bonne cible, celle qui s’adapte à chaque patient. « Vous pouvez avoir une cellule à cheveux longs, une autre à souliers marrons, une troisième barbue, et pour chacune d’elles le traitement sera différent », explique le médecin.

Ce qui est certain, et c’est historique, c’est qu’en 2025 chaque patient pourra être traité à la carte et que son pronostic vital sera significativement amélioré.

Dans tous les cas, c’est l’état de la tumeur primaire qui va permettre de déterminer le temps de développement de la maladie. C’est ce qui s’est passé avec le cancer du sein dont la détection rapide a permis la guérison d’un grand nombre de femmes naguère condamnées. En ce qui concerne le pancréas, le défi a consisté à inactiver le gène meurtrier, le « NUPR1 » présent dans les cellules cancéreuses afin de faire disparaître la tumeur.

« En travaillant main dans la main avec nos collègues Italiens, Espagnols et Chinois, souligne le Dr Juan Iovanna, nous avons découvert une molécule qui neutralise ce gène terrible dans dix cas sur dix. C’est une avancée considérable… »

Les 60 chercheurs du laboratoire sont parvenus en effet à cerner sur des souris les mécanismes de défense déploie par les cellules cancéreuses pour mieux les débusquer et les cibler chimiquement. L’ennui, c’est qu’il a fallu rendre opérationnelle cette technique d’inactivation des cellules malignes sur l’homme. S’ils y ont finalement réussi, c’est parce qu’ils ont tablé sur une stratégie d’attaque multidisciplinaire combinant la biophysique, la biochimie, la bio-informatique, la chimie et la biologie afin de déterminer avec précision le meilleur médicament possible pour tuer dans l’œuf le terrible « NUPR1.

Le « ZZW-115 » : une sacrée trouvaille

Le Dr Iovanna et ses collègues ont d’abord jeté leur dévolu sur un produit utilisé d’ordinaire dans le traitement de la schizophrénie (une maladie mentale) mais les effets secondaires sévères sur le système nerveux central les ont dissuadés de continuer. Ils se sont patiemment mis en quête de dérivés de ce médicament permettant d’augmenter sa vigueur anti-cancéreuse en évitant les effets secondaires nocifs. Et là, miracle, ils ont mis au point le « ZZW-115 », nom d’un agent secret anti-cancer qui dézingue tout ce qu’il touche sans affecter les cellules saines de l’organisme.

Mine de rien, c’est une découverte historique qui fait honneur à Marseille et à son laboratoire de recherches. Elle devrait permettre à l’avenir de s’attaquer plus précisément aux cellules tumorales et de les neutraliser. Mais il ne faut pas se réjouir trop vite car il y a en France 50 millions d’euros de différence entre la découverte de la molécule adéquate et la fabrication en série du médicament.

Trois brevets ont d’ores et déjà été déposés auprès des autorités de santé publique pour protéger cette découverte marseillaise. Les tests cliniques de ce nouveau médicament ne seront achevés que vers 2030 à l’issue d’un long processus incluant la phase 1, la phase 2 et la phase 3.

Pour accélérer ce processus de validation lié aux exigences de l’agence nationale du médicament, une start-up marseillaise a été créée : « PanCa Therapeutics » qui testera ce médicament sur une cohorte de patients locaux volontaires.

Oui, Dr. Iovanna, grâce à votre abnégation et à votre lutte incessante, une petite lueur d’espoir brille au bout du tunnel pancréatique. On croise les doigts : 14 000 vies sont en jeu chaque année en France et…400 000 dans le monde !

José D’Arrigo

Rédacteur en Chef du Méridional.   

Notre Photo : le Dr Juan Iovanna, nouveau pionnier de la lutte anti-cancer. (Photo José D’Arrigo pour Le Méridional)

Alta Rocca : un roman de « Pinzutu » Jean-Paul BRIGHELLI éreinte Philippe PUJOL

Ne lisez pas « Alta Rocca » le roman de Philippe Pujol, allez plutôt en Corse…

Il est rare que je renonce à lire un livre : après tout, je suis un professionnel, et je garde l’espoir de trouver une pépite, aussi petite soit-elle, dans la plus infâme daube.

Pourtant, le premier roman de Philippe Pujol, Alta Rocca, m’est tombé des mains. Plusieurs fois. J’ai dû puiser profond dans ma conscience professionnelle et mon amour de la Corse pour m’obstiner dans ce galimatias prétentieux. Je suis allé au bout, comme le catenacciu va au bout de son calvaire : avec la sensation des chaînes pesant sur mes paupières.

Pourtant, j’aime bien Philippe Pujol, natif de Paris. Il est le représentant le plus pur, en France, de ce que les Américains appellent le « gonzo journalism », dont Bill Cardoso et Hunter S. Thomson furent les pères fondateurs : un journalisme à la première personne (l’égo du rédacteur y occupe souvent plus de place que l’information), une écriture au vitriol, et un engagement politique assez fort pour excuser toutes les déformations possibles de la vérité.

Cette tendance chez Pujol au « Je » ostensible fait sourire les vrais professionnels, qui l’excusent, vu son talent pour débusquer les faits. C’est ainsi qu’il a décroché le très prestigieux Prix Albert Londres en 2014 pour son enquête sur les réseaux de trafic de drogue dans les Quartiers Nord de Marseille, enquête qui nourrit les premiers de ses livres, French deconnection et la Fabrique du monstre, dont j’avais en son temps dit tout le bien que je pensais. J’avais même interviewé l’auteur, qui à l’époque restait joignable, l’hubris ne lui ayant pas encore altéré le jugement.

Deux livres coups de poing — c’est la caractéristique du gonzo. Mais l’ultime resucée de la même source, la Chute du monstre (2019) parut du réchauffé. Qu’il n’ait pas pensé, par exemple, qu’il y avait à Marseille un problème prégnant lié à l’islamisme m’avait paru curieux.

Entre-temps, notre pourfendeur de bien-pensance (laquelle est forcément de droite, dans l’univers manichéen de l’auteur, quand nous savons pourtant que le politiquement correct est de gauche) avait pris à partie son cousin germain, suspect de ne pas être de son bord (Mon cousin le fasciste, 2017 — la maman de Philippe m’avait un jour confié tout le mal qu’elle pensait de cette offense à la solidarité familiale).

On sentait bien la tentation de la fiction dans les histoires de plus en plus fictionnalisées que racontait Pujol. Son livre sur l’avenir du système hospitalier, que je ne saurais trop conseiller (Marseille 2040), allait dans le même sens, bâtissant une dystopie grinçante, c’est-à-dire un monde utopique très sombre, en tenant compte de l’évolution des politiques de Santé.

J’ai donc acheté avec une certaine confiance Alta Rocca, présenté comme le premier vrai roman de Pujol. Je n’aurais pas dû.

On ne voit pas les scènes

En deux mots, des clans de bergers et de criminels variés s’affrontent sur les hauts plateaux du Cuscionu dans les années 1850-1870. Quelques allusions à la guerre de Crimée ou à l’incursion française au Mexique servent de repères historiques à une histoire empreinte de sauvagerie qui aurait aussi bien pu se passer il y a quatre siècles.

Les « pozzines » — ces trous d’eau, traces d’anciens lacs, qui dans quelques millions d’années deviendront de la tourbe — et les blocs de granit n’ont pas changé depuis des millénaires dans ces plateaux balayés de tempêtes. Mais enfin, si vous voulez en savoir davantage, autant vous munir d’un bon guide (celui de Gallimard est certainement le meilleur — d’ailleurs, c’est moi qui l’ai écrit) ou d’un bon bâton en escaladant l’Incudine.

Parce que c’est là que pèche le plus le roman de Pujol. Il a beau accumuler les noms de lieux, vous faire parcourir les ronciers ou allumer un feu dans une grotte, on ne voit pas les scènes.

Connaissez-vous l’hypotypose ? C’est le terme que l’on emploie pour caractériser la capacité d’un texte à vous faire voir un paysage ou une scène. En deux mots, Mérimée (que Pujol cite, et à qui il a emprunté le nom de son héros principal, Orso) donne à voir aux lecteurs de Colomba, en 1840, des paysages dont ils ignoraient tout. Et Pujol peine à faire vivre les lieux à quelqu’un qui a parcouru tous ces sites à maintes reprises.

Des personnages, nous ne connaissons pas grand-chose, sinon leur désir forcené d’en venir aux mains : chez Pujol, chaque balle tue tout de suite, le moindre coup de couteau est mortel, et on casse la tête d’un âne d’un coup de masse, en une fois (pour avoir assisté le boucher de La Porta, sur le site de Campo Morada où il avait installé son abattoir, quand j’étais encore enfant, je sais que pour assommer un bœuf, il faut une bonne dizaine de coups d’une masse de fer — Pujol aurait dû s’y frotter).

Tous des éjaculateurs précoces

Il n’y a pas que les bêtes qui sont maltraitées. « Les viols ne prirent pas longtemps et se conclurent au couteau », écrit-il. On en conclut que les bandits étaient tous des éjaculateurs précoces — une image détestable dans un roman historique corse.

Le récit, malgré les échauffourées sanglantes entre gendarmes et bandits (où Pujol a-t-il trouvé le terme de « bandites » pour désigner les femmes desdits bandits, alors qu’un journaliste qui en 1890 avait visité le célèbre Antoine Bonelli, dit Bellacoscia, dans son « palais vert» du maquis, avait décrit un troupeau de femmes maintenues par le patriarche dans un état de quasi-esclavage…), est trop mince pour nourrir 283 pages — jamais court livre ne m’a paru si long…

Alors Pujol l’agrémente d’un insert sur l’affaire des gardes corses du Vatican en 1662, ou de l’écho laissé par Pascal Paoli en Angleterre et aux Etats-Unis : à ce propos, je signale à notre néo-romancier que Rousseau et son Projet de Constitution pour la Corse furent la source commune de la « république » installée à Corte dans les années 1760 et de la Constitution américaine. Paoli était bien moins « corse » qu’homme des Lumières — et accessoirement franc-maçon, un trait qui sous-tend le texte de Pujol. Les Frères auraient-ils accueilli en leur sein un homme à l’Ego si décomplexé ?

Le pire, c’est le style, terriblement ampoulé. « Nous connaissons tous les deux la vie d’Ors’Antonu, non que nos secrètes mères nous l’aient racontée, ni même notre fantasque père lui-même — dont les secrets se noyaient sous d’épiques récits… » L’antéposition de l’adjectif, en français, marque la charge de subjectivité (par opposition à un adjectif postposé réputé objectif : ainsi comprend-on « un beau ciel bleu »). Pour ce qui est de l’affichage de la subjectivité et des métaphores ronflantes (« l’ornière de son destin » ou « le destin était une balle perdue » !), Alta Rocca y va fort.

Un dernier point. Ils n’ont plus de correcteurs, au Seuil ? « Pallier à » (p.203) n’est pas d’un français exquis. Et la troisième personne du singulier du verbe « s’enfuir » au passé simple est « il s’enfuit » — pas « il s’enfuya » (p.206).

Jean-Paul Brighelli

Philippe Pujol, Alta Rocca, Seuil, 19€.

[Notre série] Marseille et l’expérience du malheur

Le siège de 1524 ou la résistance héroïque des Marseillaises qui sauvent la ville en protégeant la France de l’invasion des troupes impériales de Charles Quint. Notre série d’évocations par Gabriel Chakras. Ep 4.

A cent mètres de la Joliette, au croisement de la rue de la République, le boulevard des Dames porte bien son nom : c’est là, sur l’ancien rempart nord, qu’eut lieu, en août et septembre 1524, un fait d’armes inoubliable : la résistance des femmes de Marseille face aux troupes du connétable Charles de Bourbon, traitre à François 1er, opportunément rallié à l’empereur Charles Quint. D’ailleurs, à l’angle d’un immeuble haussmannien, une plaque apposée au mur rappelle cet acte héroïque. Pour leur rendre hommage, sur délibération du conseil municipal prise le 7 août 1805, l’artère qui de la Porte d’Aix descend vers la mer, porte le nom de ces femmes.

Marseille faisait corps avec le pays. Ancienne « terre adjacente » au royaume, elle avait adhéré (avec toute la Provence) au destin de la France en 1482, quand Louis XI, héritier du bon roi René, le lui demanda. Avec une grande puissance derrière elle, la vieille cité pouvait avantageusement défendre son commerce en Méditerranée où sévissaient pirates et Barbaresques. Mais elle exigeait que les fameux « chapitres de paix », signés entre 1252 et 1257, fussent reconnus par le royaume, ce qui fut entériné sans objection. Ainsi tout roi en visite dans ses murs, devait préalablement renouveler le serment de Charles d’Anjou, comte de Provence, qui avait institué ce rituel respectant « privilèges, franchises et libertés de la ville ». Après quoi, muni des clés de la Cité, le souverain pouvait franchir la porte Réale sous les acclamations du peuple. François 1er le fit à son retour d’Italie, après la victoire de Marignan : Marseille, restée loyale, lui réserva un accueil délirant.

Seul souci pour le roi : le Connétable Charles de Bourbon. Jaloux du roi, cet ambitieux trahit son pays pour se mettre au service de Charles Quint. En 1524, au moment où l’armée française repassait les Alpes, en apprenant la mort de Bayard, Bourbon crut le moment venu d’ajouter à ses possessions le Dauphiné et la Provence. Et ce, malgré les conseils du marquis de Pescaïre, nommé auprès de lui comme lieutenant par Charles Quint.

  • « Méfiez-vous de Marseille ! » lui dit le marquis. César lui-même dut traiter pour y entrer !
  • Ah ! Ah ! répondit Bourbon. Marseille n’est qu’une ville de mercantis et de braillards que trois coups de canon suffiront à épouvanter, et je gage qu’aussitôt les consuls m’ouvriront les portes de la cité ! »

Il se trompait, le traître ! Prévenue deux mois des intentions de Charles Quint, Marseille prit ses précautions. Elle ne fut donc nullement surprise lorsque les troupes du connétable de Bourbon apparurent à la Viste, le 5 août 1524. Le siège commença le 15 août, jour de l’Assomption. Posté sur les hauteurs d’Arenc, Charles de Bourbon vit cette scène qui l’étonna : une immense procession cheminait le long des remparts, des milliers d’hommes et de femmes derrière trente capitaines portant la vierge des Accoules, tandis qu’un chœur de jeunes filles chantait l’Ave maris stella. Image saisissante d’une ville dédiée au culte marial et entièrement fidèle au catholicisme.

                                                                       Une ville cernée

Bof ! il n’y a là que des civils, je ne vois pas de soldats, fit Charles de Bourbon et  c’est de bon augure ! L’armée impériale, elle, s’était disséminée autour de la ville : les troupes du Connétable à la Blancarde, celles du marquis de Pescaïre à Saint-Lazare, des lansquenets à la Joliette, d’autres sur le chemin d’Aubagne, d’autre encore aux abords de Saint-Victor. Bref, une ville cernée, vouée à être

 pillée et ruinée, subissant le même châtiment que lors de l’invasion aragonaise, un siècle plus tôt.

Mais c’était mal connaitre les cinquante mille Marseillais qui, justement, avaient en tête la razzia de 1423, marquée par le vol des reliques de Saint-Louis d’Anjou et de la chaîne du port. Et donc décidés à vaincre ou à mourir, plutôt que de revivre un semblable désastre. Aussi, tout ce que la cité comptait comme hommes valides et vaillants – garde civique, matelots des galères, etc. – jurèrent par Notre-Dame de la Garde que « ni Pescaïre, ni Bourbon ne toucheront au reliquaire de Saint-Victor, ni à la Vierge noire des Catacombes, ni au buste d’or de Saint-Lazare sous la cathédrale de la Major », et que pas un soldat ennemi ne passerait une porte de la ville sans qu’on en ait d’abord tué tous les défenseurs.

Quant aux femmes… Elles s’étaient mobilisées spontanément, y compris celles de la noblesse : Mmes de Monteaux, de Vento, de la Mûre, de Villages, de Canet, de Fortia, de Réauss, et de Roquevaire, bientôt rejointes par des femmes du peuple. Pas de distinction sociale. L’union fait la force !

Charles de Bourbon, sans attendre l’arrivée de douze gros canons dont il avait besoin pour préparer son assaut fit détruire les aqueducs qui alimentaient Marseille. Qu’à cela ne tienne, se dirent les assiégés, nous avons des centaines de puits sous nos pieds ! En fait, la question épineuse était d’empêcher les canons impériaux d’arriver d’Aix. Pour cela, il eût fallu que La Fayette, amiral des mers du Levant – commandant une flotte de trente-trois vaisseaux – l’eût menée à bien si le mistral ne s’était soudain levé, après qu’il eut débarqué quatre cents hommes à Arenc, l’empêchant de les rembarquer, et l’obligeant à fuir vers le large.

                                       Artillerie lourde contre le rempart nord

Décidemment, l’affaire se présentait mal pour les assiégés. Voici ce qu’écrit Gabriel Domenech dans son récit de ce siège publié dans Histoire Magazine (n° 9, septembre-octobre 1980) : « Car à peine était-il en possession de son artillerie lourde que le connétable félon ordonnait le bombardement. Et les boulets commencèrent à s’abattre sur la ville, à la cadence de l’époque, bien sûr, mais assez pour tuer bon nombre de malheureux et détruire quelques maisons, mais surtout, pour ouvrir une brèche dans le rempart nord, puisque c’était le seul côté par lequel l’armée impériale pouvait espérer investir Marseille. »

Cependant les canons marseillais ripostaient efficacement. Et chaque fois qu’un trou était percé dans le mur, le temps que l’ennemi s’y engouffre, il était comblé !  D’autre part les Marseillais, adroits tireurs, occasionnaient tant de pertes dans les rangs ennemis que Bourbon, perplexe, se mit à douter de la victoire. En face, plus que jamais, l’on se serrait les coudes. La foi d’un peuple croyant et qui invoquait chaque jour le Très-Haut, confortait le moral. D’autant que l’évêque Cyprien, depuis l’abbaye de Saint-Victor assiégée, donnait le 26 août la bénédiction du Saint-Sacrement à la population agenouillée sur l’autre rive.

Deux jours plus tard, « alors que l’armée impériale –raconte Gabriel Domenech – avait creusé une longue tranchée couverte pour tenter d’accéder à une porte, celle de la Joliette, celle-ci s’ouvrait brusquement et en surgissait deux mille hommes, hurlant comme dix mille, devant lesquels l’ennemi, surpris, se débandait. Le temps de réagir, tous les travaux étaient détruits, et pas un mort marseillais n’était laissé sur le terrain. La seule menace sérieuse, durant ce mois, était la sécheresse (…). Mais les Marseillais s’enhardissaient ! » 

Le 6 septembre, devant les dégâts que causait une batterie installée au Lazaret, les assiégés refirent le coup de la surprise en hurlant, chassant les occupants, et brisant les canons. A la Belle de Mai, ils laissèrent trois cents morts sur le carreau… Le Connétable ne paradait plus ; il avait perdu prestance et assurance. Mais têtu, il renforça son artillerie de huit doubles canons, de deux grandes couleuvrines, de sept couleuvrines moyennes, toutes ces pièces dirigées contre le secteur nord. Sus au rempart ! Un déluge de boulets ! Pas moins de quatre cent quatorze coups du 23 août au 22 septembre. A ce rythme-là, se dit le Connétable, Marseille capitulera le 28 août.

                                                           « A la brèche ! »

« Il fallait bien admettre, dans les rangs des assiégés, constate Gabriel Domenech, que la situation était dramatique. Sous un tel bombardement, en effet, le rempart nord avait fini par s’écrouler. Sur trente coudées de largeur, il n’était plus qu’un tas de gravats. Et les Impériaux, en face, hurlaient de joie, sentant enfin la proie à leur portée. Mais dans la ville, ces hurlements, loin de semer la terreur, exacerbaient la volonté de se battre. Des crieurs parcouraient les quartiers pour alerter la population, et sur tous les murs l’appel éclatait en caractères rouges : « A la brèche, Marseillais ! » Personne ne voulait manquer  le rendez-vous. Depuis la porte de la Joliette jusqu’à la porte d’Aix, les remparts se hérissèrent de défenseurs, et l’étendard de la croix d’azur au champ d’argent fut planté au milieu même de la poussière de la brèche pour montrer que c’était là, désormais, qu’il fallait vaincre ou mourir. »

Admirable esprit de sacrifice ! Qu’ils viennent donc se heurter à la muraille humaine qui s’était substituée à celle de la pierre ! Toujours est-il qu’après sept heures de combat acharné, et le jour déclinant, le Connétable ordonnait le retrait en pensant à un lendemain triomphant. D’ailleurs, comment les assiégés pourraient-il réparer de nuit et en quelques heures le rempart détruit sur plus de dix mètres ?  Impossible !

« Ce que le Connétable ne pouvait imaginer, poursuit Domenech, c’était le miracle qui se produisit cette nuit-là. Un miracle digne des tragédies grecques… Descendues de la place Saint-Thomé (actuelle place de Lenche), les femmes de la noblesse et de la bourgeoisie marseillaise dont on a cité plus haut les noms, se mirent à parcourir les rues, frappant à toutes les portes, appelant leurs concitoyennes à les suivre plutôt qu’à se lamenter, prêchant la résistance ou la mort, entrainant les épouses, les mères et les sœurs. Et c’était sans nul doute un étonnant spectacle que ces cortèges d’amazones gravissant toutes les calades qui conduisaient au rempart nord, apportant avec elles toutes sortes de matériaux, toutes sortes d’outils et travaillant d’arrache-pied pour combler le gouffre ouvert devant la ville et par lequel, dès le jour levé, des milliers de fauves humains pénétreraient si l’on ne parvenait pas à leur barrer la voie… »

Au petit matin, le Connétable eut beau écarquiller les yeux, chez lui tout était à refaire ! Et soudain, il entendit une clameur : le roi et son armée, depuis Avignon venait au secours de la fidèle Marseille.

            Vivo Marsiho ! Vivo Marsiho !

Femmes et hommes criaient de joie.

Alors le félon connétable, craignant la destruction totale de son armée, décampa sans tarder. « Marseille avait gagné et ses femmes entraient dans l’histoire des grandes héroïnes », conclut Gabriel Domenech de sa si belle plume.

                    Gabriel Chakra

Illustration : « Marseille défendue par ses citoyennes en 1524 » de Debuisne d’après David
(collection Musée du Vieux-Marseille)

MARSEILLE ET L’EXPERIENCE DU MALHEUR Notre série d’évocations par Gabriel CHAKRA 3.- Novembre 1423 : les Aragonais pénètrent dans Marseille, pillent et incendient la ville, puis emportent des reliques et la chaîne du port comme butin de guerre…

Il est des querelles qui durent et perdurent. Celle qui opposait les Marseillais aux Catalans, par exemple. Elle commença à la fin du XIIIe siècle, pendant  les Croisades, quand les Marseillais obtinrent au Levant le privilège de créer des comptoirs, au nez et à la barbe de leurs rivaux. Les Montpelliérains encaissèrent le coup, sans en faire un drame. Pas les sourcilleux Catalans. Le contexte était explosif, le moindre incident pouvait envenimer les relations entre des protagonistes nourrissant des rancoeurs accumulées.  

Déjà en mars 1282, lors d’une bataille navale, Catalans et Aragonais infligèrent de lourdes pertes à la flotte marseillaise. Il faut souligner que des princes, ceux d’Angers en particulier, n’hésitaient pas à solliciter des marins – y compris catalans – pour leurs expéditions, mais sans les rétribuer convenablement. Pour survivre, nombre de ces hommes se livraient à la piraterie, d’autres se complaisaient dans l’oisiveté, échouant dans des villes au gré de leurs humeurs vagabondes ou suivant les circonstances. Aussi voyait-on à Marseille, des forbans ibériques trainant dans les rues, verbe haut et regard menaçant, peu enclins à susciter la sympathie. Leur comportement inspirait aux habitants un net sentiment d’animosité.

                        La couronne de Naples au cœur d’un contentieux

Le Catalan était rejeté, quasi promu au rang d’ennemi héréditaire. D’autant que, au plan diplomatique, les choses ne s’arrangeaient pas. Une rupture entre le pape Martin V et Jeanne II, reine de Naples, fit monter la tension. Furieuse que le pontife l’ait frustrée de son royaume (et de sa couronne) en le donnant en 1419 à Louis III, comte de Provence, Jeanne s’allia à Alphonse V, roi d’Aragon. Lequel revendiquait aussi la couronne de Naples. Mais ne pouvant assurer son pouvoir au sud de l’Italie, le contentieux vira à la guerre.  Rancunier, d’esprit vindicatif, Alphonse V arma sa flotte à Valence et décida non pas d’attaquer Naples mais de s’en prendre à Marseille, lieu stratégique dans le dispositif de Louis III devenu son meilleur ennemi. Cette intervention fut la tragédie la plus grave que la vieille cité ait subie de toute son histoire.

En 1423, Marseille était extrêmement vulnérable. Il y avait certes des remparts mais, de terre comme de mer, l’ennemi pouvait la menacer. A l’entrée du port, la tour du roi René n’existait pas encore, elle ne sera érigée qu’en 1447. A son emplacement, la vieille tour Maubert tombant en ruines faisait office de sentinelle : tous les soirs, entre la Tourette et Saint-Nicolas, un gardien déployait une longue chaîne pour fermer l’entrée de la cité qui, à cette époque-là, se condensait dans un périmètre englobant Saint-Laurent, la Vieille Major, le Jardin des vestiges, et le Quai des Belges. Ni le cours Belsunce, ni la Canebière ne figuraient dans le paysage urbain. La population ?  Environ 10 000 habitants.

                                      Des galères ennemies dans la rade

La surveillance reposait essentiellement sur la vigilance des guetteurs. Dans la matinée du samedi 20 novembre 1423, des hommes signalèrent des navires dans la rade. Ohé, Aragonais en vue ! Pas d’erreur, c’étaient les vaisseaux  d’Alphonse V en guerre contre Louis III.  18 galères cinglant tout droit vers la cité !

Le temps de donner l’alerte en informant les autorités, de prendre les dispositions d’usage, il était déjà trop tard. A l’évidence, l’ennemi avait bien étudié la topographie de la ville. Un plan d’attaque minutieusement élaboré. Pendant que les galères se présentaient devant l’entrée du port, des hommes de type commando prenaient à revers les ouvrages de défense. Ils débarquèrent dans une anse qui depuis porte leur nom (les Catalans), et poussèrent jusqu’à Saint-Victor, avant de rejoindre leurs comparses qui avaient réussi, eux, à sectionner la chaîne du port, livrant le passage aux navires. Au même moment, un autre corps débarquait dans l’anse de l’Ourse (la Joliette) et pénétrait dans la ville par la butte des Carmes. Prise en étau, la cité allait endurer une horrible épreuve.

Pendant quatre jours, rue par rue, Marseille fut systématiquement pillée, puis incendiée, le feu attisé par un vent lui aussi venu de la mer et dont le souffle puissant alluma des brasiers partout. La ville n’était plus qu’un brasier. La vengeance assouvie, les assaillants reprirent la mer en emportant comme butin la chaine du port et les reliques de Saint-Louis d’Anjou volées dans l’église de Saint-Ferréol-les Augustins.

De longues années furent nécessaires pour panser les plaies. Les habitants qui avait fui eurent beaucoup de mal à y revenir, traumatisés par l’événement. Un décret de la reine Yolande, en date du 16 mai 1424, soit six mois après les faits, ordonna aux fugitifs d’y rentrer, sous peine de confiscation de leurs biens. Naturellement, l’ordre fut accompagné de mesures d’aide pour hâter le repeuplement : cens immobilier annulés ou réduits, remboursement de dettes et paiement des intérêts suspendus, exemption de droits pour les transports de bois et matériaux nécessaires aux nouveaux bâtiments, etc.

Les reliques de Saint-Louis d’Anjou furent restituées le 24 juin 1956 mais pas la chaîne, malgré maintes demandes réitérées par la Ville de Marseille. Cette précieuse chaîne est suspendue à un mur de la salle capitulaire de la cathédrale de Valence. Il est à espérer qu’au nom de l’Europe et de l’amitié entre les peuples, le diocèse valencien (la chaine appartient à l’Eglise espagnole et non à l’Etat) nous rende un jour, dans le cadre d’une cérémonie officielle, ce trophée d’un autre temps.

                                                                                                                                                                                                              Gabriel  Chakra

MARSEILLE ET L’EXPERIENCE DU MALHEUR Notre série d’évocations par Gabriel CHAKRA 2. Épidémies et invasions : tous à l’abri !

2.- Épidémies et invasions : tous à l’abri !

La pandémie du Covid-19 en témoigne : face à une épidémie de vaste amplitude, l’homme n’a jamais pu se prémunir par anticipation. Si, de nos jours, les Etats se dotent de planifications pour lutter efficacement contre le virus, en attendant un vaccin, dans les temps anciens ça n’était pas le cas. Il n’y avait ni médicaments, ni tests, ni respirateurs, pas de documents recensant les risques. Les masques ? Au Moyen Age et même plus tard, comme pendant la peste de 1720, on imbibait une éponge de vinaigre, de sauge ou de girofle, considéré comme désinfectant, que l’on plaçait sur le nez… Certains délaissaient la ville pour la campagne où l’air était moins vicié, d’autres ne sortaient point. Les échoppes restaient fermées, les lumières éteintes le soir, comme lors d’un siège.

C’est dire si le confinement a une longue histoire derrière lui. Aussi longue que la liste des épidémies elles-mêmes qui, à Marseille et des siècles durant, s’apparentaient d’abord à la peste. Ce fléau ancestral avait comme élu domicile dans l’espace méditerranéen. Sur une carte, le parcours du virus partait (presque) toujours de Chine, propagé par des rats noirs qui s’introduisaient furtivement dans des navires, puis de la Méditerranée orientale, gagnait Marseille.

Dans l’Antiquité, la Mer intérieure fut longtemps sillonnée par des trières phéniciennes, puis par des pentécontores grecs. Ainsi a-t-elle toujours été une voie de communication favorisant les échanges commerciaux et culturels, ainsi que les migrations des hommes, mais aussi – hélas ! – la diffusion des maladies. S’articulant autour de trois continents – l’Afrique, l’Asie et l’Europe – la Méditerranée était le carrefour de tout ce qui venait de la Chine par route, en passant notamment par Palmyre, la « Reine du désert ».

Là où circule l’homme, circule le virus…. La bactérie Yersinia pestis, du nom d’Alexandre Yersin qui l’identifia à Hongkong en 1894, suivit cette route antique venant de Chine. A partir de là, et après qu’elle eut sévi en Egypte et en Syrie en 541 et 542 de l’ère chrétienne, la Méditerranée l’a propagée sur nos côtes. Franchissant les frontières, elle toucha Rome et bientôt, Marseille fut contaminée. Dans son Histoire des Francs, Grégoire de Tours, évoque cette épidémie qui frappa à plusieurs reprises Marseille, n’épargnant d’ailleurs ni Clermont-Ferrand ni Paris. De nature récurrente, elle revint enProvence en 549, et encore en 599 et 600.

La peste noire de 1348

La fameuse et terrifiante « Peste noire » de 1348 a débuté deux ans auparavant, toujours en Chine, lors du siège par les Mongols d’un comptoir exploité par des Génois qui, pour sauver leur vie, durent enjamber des cadavres jetés à dessein devant leurs portes ; ils embarquèrent dare-dare sur leurs galères, véritable odyssée qui les conduisit miraculeusement à Gênes.

La Ligurie étant toute proche, Marseille n’échappa pas à la contamination par la mer. Du coup, Avignon fut atteinte en janvier 1348 et, par effet de propagation naturelle, la peste infecta toute l’Europe en moins de trois ans. Ce cataclysme sanitaire resta longtemps gravé dans la conscience collective de nombreux hameaux, village et villes.

Comme si elle accordait aux hommes un répit pour rependre leur souffle et trouver un antidote, le virus pestilentiel s’éclipsa avant de réapparaitre à Marseille dans le premier tiers du XVIII siècle.

Le Grand Saint-Antoine et la peste de 1720

Le lien entre Marseille et la mer est connu. C’est d’elle que la ville tire ses richesses, surtout au XVIIIe siècle quand son port est devenu mondial, mais cette mer est parfois porteuse de la mort. Surtout quand on néglige, dès le début, de prendre les mesures sanitaires et parce que l’intérêt commercial prévaut sur la protection de la population. Telle est, schématiquement, la funeste histoire de la peste de 1720, qui ravagea Marseille et l’arrière-pays.

On notera d’entrée que ce n’est pas tant l’homme qui fait pénétrer la maladie dans un lieu mais bien ce que transporte l’homme. Et cet homme est souvent un marchand de tissus, comme on va le voir.

A l’origine, un trois-mâts : le Grand Saint-Antoine. Parti de Marseille en juillet 1719 vers Saïda en Syrie. Le Levant était dans l’aire traditionnelle des échanges avec Marseille, et le Grand Saint-Antoine devait charger une précieuse cargaison : des étoffes de qualité et des ballots de tissus destinés à la foire de Beaucaire qui allait bientôt s’ouvrir. La marchandise appartenait pour une large part à Jean-Baptiste Estelle, le premier échevin de la ville, autrement dit le maire, et le reste à Jean-Baptiste Chataud, le commandant du navire.

La marchandise chargée, le Grand Saint-Antoine partit de Saïda le 31 janvier 1720, mais la peste ne se manifesta pas encore. Période d’incubation ? Toujours est-il que le navire accosta à Tripoli en Syrie, et embarqua avec lui quelques Turcs en route pour Chypre. Les patentes de ces deux ports (Saïda et Tripoli) sont formelles : le bateau était sain.

C’est sur le chemin du retour, après l’escale chypriote que se noua le drame. Un passager turc et sept matelots moururent ainsi que le chirurgien de bord. Prudent, le capitaine Chataud, fit demi-tour et rallia Chypre pour y prendre une « patente de santé », document obligatoire pour tout navire provenant d’un pays suspect d’une maladie pestilentielle. Puis il mit le cap sur Livourne en Italie. Cependant un huitième matelot tomba malade et succomba au virus. En Italie, le contrôle fut rapide, les autorités laissant le Grand Saint-Antoine partir pour Marseille.

Arrivé au Brusc, près de la Ciotat, le capitaine Chataud s’arrêta, et envoya un messager prévenir Estelle de la réalité à bord. A Marseille, l’on s’étonna. La peste, disait-on, appartient au passé ! Néanmoins Chataud retourna à Livourne où, à sa demande (et sans doute pour se couvrir) on lui remit une « patente-nette », certificat indiquant que tout va bien à bord. Manifestement, les Italiens ne voulaient pas d’ennuis et laissèrent le Grand Saint-Antoine retourner à Marseille où il entra le 25 mai. Mais, au lieu de s’arrêter à l’île Jarre, près de Riou, à l’entrée Est de la rade où l’on désinfectait les navires infestés, il alla mouiller au Frioul, plus exactement à l’île de Pomègues le 4 juin.

Quelques jours plus tard, ayant obtenu un passe-droit, l’autorisation lui fut donnée de débarquer passagers et marchandises au Canet, près de l’Estaque. L’erreur qu’il ne fallait pas commettre… Ainsi la peste entra dans la ville. Les premières victimes furent le garde mis à bord pour effectuer des vérifications ainsi que des portefaix.

En se répandant très vite, l’épidémie décima le tiers de la population, soit 39 107 personnes au total, 30 137 intra-muros, 8 970 dans le terroir, sur un total de 120 000 habitants, tout en semant la mort dans l’arrière-pays. En Provence, sur une population de 394.369 personnes, la peste occasionna le décès de 119. 811 hommes, femmes et enfants.

La postérité a retenu les noms de deux hommes qui se sont particulièrement distingués à Marseille pour sauver des vies. Mgr de Belsunce, 49 ans, évêque de Marseille, qui se dépensa matin et soir, bravant la mort, portant secours sans se soucier de sa personne. Il visitait les malades, les plus abandonnés, les plus misérables, il les approchait, les confessait, les exhortait à la patience ou à bien mourir. Pour accroître les aumônes, il se contentait, pour toute nourriture, comme le peuple, de poisson et de pain bis.

L’autre héros de cette tragédie est Nicolas Roze, dit le chevalier Roze, intendant de Santé, admirable de courage et d’abnégation. Ce personnage taillé pour l’action, assainit l’atmosphère par un coup d’éclat : à la tête d’une centaine de forçats et d’une quinzaine de « corbeaux », il fit dégager l’esplanade de la Tourette, au-dessus du Vieux-Port, où plus d’un millier de cadavres jonchaient le sol. Pendant ce temps, 178 chirurgiens aidés par des maîtres-infirmiers et quelques apothicaires, secouraient les contaminés. On notera que Marseille avait institué la fonction de « chirurgien de peste » en 1650, de même qu’Aix et Montpellier.

Aujourd’hui, une statue de Mgr de Belsunce se dresse devant la cathédrale de la Major et le chevalier Roze est honoré d’un buste en bronze, près du lieu de ses actes héroïques. Les deux survécurent à cette épidémie qui est l’une des pires épreuves que Marseille ait subie.

Quant au Grand Saint-Antoine, sur ordre du Régent, il fut brûlé à l’ile de la Jarre, près de Riou, le 26 septembre 1720.

Jean-Baptiste Estelle fut anobli par Louis XV trois ans avant sa mort en 1723.

Le capitaine Chataud fut condamné à trois ans de prison et enfermé au château d’If.

Les Barbares à nos portes : Wisigoths, Vandales, Ostrogoths…

Entre le Ve et le VIe siècle, comme pris de bougeotte, des peuples germaniques déboulaient en Europe. Sans que l’on sache trop pourquoi, les Alains, Suèves et Vandales franchissaient le Rhin et déferlaient en entrainant d’autres peuples dans leur sillage : Francs, Burgondes et Alamans implantés sur l’autre rive du Rhin, tandis que les Wisigoths venant d’Italie, fuyaient les Huns d’Attila dans une sarabande infernale.

Les terrifiantes hordes d’Attila, originaires de Hongrie, s’étaient d’abord cassé les dents en voulant, dans un premier temps, envahir la Perse en razziant au préalable Constantinople, histoire de se remplir les poches…. Aussi changèrent-elles de direction : cap sur l’ouest en visant la Gaule romaine supposée moins revêche ou plus facile à soumettre. Sur la route d’Orléans, les hordes pillèrent Metz et Reims mais furent stoppées net près de Châlons-en-Champagne, à dix lieues de Colombey-les-deux-Eglises, lors de la bataille des Champs catalauniques. Un paysage vallonné que le général de Gaulle, de son bureau d’angle à la Boisserie, voyait en méditant sur le destin de son cher et vieux pays… Attila se replia alors vers le Sud ; il entra en Italie sans coup férir, dévastant la plaine du Pô mais dut s’arrêter faute de combattants : une épidémie de peste éclaircit les rangs de ses troupes affaiblies…

Il faut dire que tous ces troubles, toutes ces migrations avaient pour origine l’affaissement de Rome. L’empire qui avait dominé le monde touchait à sa fin. Pour cause d’indiscipline, de mélanges ethniques, d’insalubrité (les bains publics pullulaient de microbes), d’un réseau d’égouts insane et malodorant, mais aussi d’une succession d’épidémies de peste, sans oublier la corruption et le favoritisme, la ville périclita : d’un million d’habitants, elle n’en comptait plus que 20 000 !

Le sac d’Alaric 1er en 410 précipita la chute de Rome qui fut pillée de fond en comble sous la conduite de ce chef wisigoth qui, enhardi par son audace et sa réussite, envahit le sud de la France, chassant les Vandales et les Suèves. Il tenta même un assaut contre Marseille en 414 mais ne parvint pas à pénétrer dans la cité. La Rome wisigothique les installa en tant que fédérés dans la Septimanie – entendez le Languedoc et le Roussillon – et en Espagne.

Comme l’explique fort bien Jean Guyon, historien et archéologue, membre de l’Académie de Marseille, les Burgondes dont le roi était Gondebaud dominaient la région lyonnaise, le Dauphiné et la Savoie. Ils traitèrent en 472 avec Alaric II pour la possession de Marseille et de la Basse-Provence, où ils entrèrent en 474. Puis les Ostrogoths pénétrèrent à leur tour en Provence : leur roi, Théodoric le Grand négocia avec les Burgondes et acquit la possession de toute cette région, y compris Marseille en 512. Théodoric nomma Marobodus gouverneur de Marseille et établit dans cette ville de vastes entrepôts de grains et de munitions.

Les événements s’enchainaient rapidement. Les Francs de Clovis qui avaient battu les Wisigoths en 507, s’avancèrent à leur tour vers la Basse-Provence. Dans ce contexte instable, soumis aux forces centrifuges, Vitigès, chef des Ostrogoths, réserva toutes ses forces contre le général byzantin Bélissaire qui occupait Rome pour le compte de l’empereur d’Orient Justinien. Courageux mais pas téméraire, Vitigès traita avec eux et leur céda toute la Provence avec Marseille en 536. « Pendant toute cette période, dit Jean Guyon, Marseille avait maintenu sa prospérité commerciale, et relativement son indépendance culturelle. Au milieu du VIe siècle, Marseille intégra le monde Franc et l’emprise de la chrétienté s’affermit. »

Effectivement, la Provence fut cédée en 536 aux Francs de Thibert 1er. Marseille déclassa Arles, jadis favorisée par Jules César. « Elle tenait la porte de la mer :

par elle et par le commerce, elle maintenait la liaison entre les royaumes barbares et ce qui subsistait au monde de civilisation », écrit l’historien Raoul Busquet.

… et Sarrasins !

On nous a appris à l’école que Charles Martel arrêta les Arabes à Poitiers en 732. Mais ce fait d’armes, fût-il mémorable, ne mit pas fin aux velléités de ceux qui, en Andalousie, eurent un jour l’idée saugrenue de prendre pied dans le sud de la France.

Quand on évoque les Sarrasins, c’est toujours la date de l’an 889 qui est mentionnée. Venant d’Espagne, une vingtaine de pirates sarrasins débarquèrent cette année-là dans le golfe de Grimaud, en catimini. Ni vus ni connus, vivant par la rapine et le meurtre, ils s’infiltrèrent subrepticement dans la forêt et, débouchant dans un village, ils massacrèrent ses habitants. Prospectant le pays en toute quiétude, Ils choisirent de s’établir au Fraxinet que certains désignent sous le nom de la Garde-Freinet.

Cet avant-poste fut rejoint par d’autres pirates qui écumaient la mer au large de Saint-Tropez. Et d’autres encore, alertés par les leurs, s’y ajoutèrent en faisant nombre… Jouissant d’une impunité totale, les Sarrasins érigèrent des châteaux et se déclarèrent bientôt maîtres du pays. Mieux : ils poussèrent leur audace jusque dans les Alpes, sans rencontrer le moindre obstacle, mais semant partout la terreur, pillant le Dauphiné, le Piémont, la Suisse, etc. « Le nombre de chrétiens qu’ils tuèrent fut si grand, dit Lieutgrand, que celui-là seul peut s’en faire une idée, qui a inscrit leurs noms dans le livre de vie. »

En écho, l’historien aixois Honoré Bouché écrit ceci en 1664 : « Les Sarrasins exerçaient partout des actes d’une inhumanité extrême, et c’est à ce temps, par tradition de père en fils, que l’on repère la démolition de tant de villes et de villages, dont on voit encore les masures en divers endroits de Provence. » Avignon, Aix, Sisteron, Fréjus, Toulon, liste non exhaustive.

Il fallut des années pour les arrêter. Trois dates à retenir : chassés du Grand-Saint-Bernard en 960, de Grenoble en 965, et définitivement de Provence, à Tourtour dans le Var, en 973.

Telle est la version la plus communément admise. En fait, les Sarrasins avaient sévi bien avant leur débarquement secret à Grimaud. Solidement implantés dans le Languedoc, c’est en 759 qu’ils décrochèrent de cette terre d’où ils menaient des raids fréquents. Des archives, il ressort que Marseille fut une des villes les plus convoitées par cette bande de pillards. Pas moins de six incursions : en 736, 739, 838, 848, 884 et 973. Dès l’alerte donnée, les Marseillais terrorisés se refugiaient dans le château Babon, sur le promontoire de Saint-Laurent, le nom Babon étant celui de l’évêque qui le construisit. La dernière attaque eut lieu en 973 : l’abbaye de Saint-Victor fut dévastée, mais le château Babon ne put être enlevé. Le réduit-forteresse reste pour la postérité le symbole de la résistance marseillaise.

Gabriel Chakra

MARSEILLE ET L’EXPERIENCE DU MALHEUR Notre série d’évocations par Gabriel CHAKRA 1. Pourquoi Jules César assiégea Marseille

Aussi loin que plonge notre regard dans le passé, et sur la très longue distance, l’élément majeur qui apparait réside dans l’étonnante capacité de Marseille à affronter les épreuves, à les endurer, puis à les surmonter. C’est un invariant historique. Toujours elle a survécu quand on la croyait définitivement déchue ou perdue, parfois même rayée de la carte. Cramponnée à la vie comme à son rivage, l’aptitude au rebond est dans son ADN. Voici des événements qui jalonnent son histoire mouvementée et qui marquent encore sa conscience collective. Ils sont développés en de larges traits, en allant à l’essentiel, ce qui est aussi une manière de raviver la mémoire.

1.- Je te fais la guerre si tu n’es pas mon ami…

Pourquoi Jules César assiégea Marseille

Dès sa fondation, Marseille tira sa richesse de la mer. La navigation lui permit de développer ses activités commerciales, de fonder des colonies – Le Brusc, Hyères, Antibes, Nice. Entre 218 et 203 avant l’ère chrétienne, le déclin de Carthage affaiblie par la Deuxième Guerre punique menée par Rome contre sa grande rivale du Sud, lui assura la primauté. Aussi rayonna-t-elle sans concurrence de Gênes aux Pyrénées et dans le golfe du Lion.

Entre Marseille et Rome, la bonne entente prévalait. Les Romains avaient besoin de la marine de commerce marseillaise et, en contrepartie, Marseille bénéficiait de la puissante protection de Rome. Et pour cause : dès leur implantation au bord du Lacydon, l’actuel Vieux-Port, les Grecs originaires de Phocée suscitèrent l’hostilité de la tribu ligure des Ségobriges, bien décidés à bouter hors de leur terre ces gens venus d’Ionie, en Asie Mineure, sur les côtes égéennes de l’actuelle Turquie.

Car cette tribu ligure, contrairement à ce qu’on croit, était rétive à une greffe étrangère sur son sol. Aussi prit-elle les armes après la mort de leur chef Nann. Un conflit échelonné sur plusieurs siècles. Régulièrement assaillis, souvent en difficulté, les Grecs de l’antique Massalia ne durent leur salut qu’à l’intervention des légions romaines en 122 avant notre ère. Les soldats de Gaius Sextius Calvinus, en garnison sur le site de la future ville d’Aix, vinrent au secours de leurs alliés, détruisant l’oppidum d’Entremont, forteresse ligure, au nom de l’amitié séculaire qui régissait les deux villes. En effet, pendant la Seconde Guerre punique opposant Rome à Carthage, les Marseillais avaient apporté aux Romains une aide décisive. Compensant les faiblesses romaines en mer, ils mirent chaque fois leurs vaisseaux au service des Romains, notamment lors de la destruction de Carthage en 146 avant Jésus-Christ.

En ce temps-là, Rome, à l’apogée de sa puissance, possédait en Espagne des richesses minières. Un trésor à protéger. Stratégiquement, l’arrière-pays marseillais – le sud de la Gaule – devint le passage obligé entre l’Italie et l’Ibérie. Et sur cet axe routier les Romains, toujours enclins à administrer et à équiper les terres conquises, créèrent la province de la Narbonnaise avec, sur la via Domitius – la toute première grande voie du pays – la ville-capitale de Narbo Martius (Narbonne) en 118 av. J.-C.

Mais dans cet empire qui visait à dominer tout l’Occident, deux hommes briguaient le pouvoir : le noble sénateur Pompée et l’ambitieux Jules César. Figure respectée par les notables, Pompée jouissait d’un grand prestige. En Espagne, il venait de mater Sertorius qui voulait y créer un Etat indépendant. Pompée y cantonna ses troupes mais, pour consolider ses positions, il partit en Orient qui était, pour reprendre la formule usitée, la « pompe à finance » de Rome. L’Anatolie, la Syrie et l’Egypte recelaient de grandes richesses, et c’est en les accaparant que Pompée, comme le fit avant lui Alexandre le Grand, pouvait subvenir aux besoins de ses soldats en Espagne d’une part, et à entretenir d’autre part son armée et sa cagnotte personnelle. Le commerce en Méditerranée servait aussi à ce type de nécessité.

A son retour, Pompée constitua avec César et Crassus le premier triumvir détenant tout pouvoir à Rome. A la mort de Crassus, Pompée fut nommé par le Sénat consul unique de Rome. Cependant il eut du mal rétablir l’ordre dans une ville énorme, la plus importante de l’univers, secouée par des troubles permanents. Et il y avait un autre motif d’inquiétude : Jules César. Se tenant en retrait, mais guettant le moment propice pour agir, César qui avait le savoir-faire expéditif et qui rêvait d’un pouvoir personnel, franchit le Rubicon – un fleuve d’Emilie-Romagne – avec ses troupes, le 17 décembre 50. Aléa jacta est – les dés en étaient jetés ! La guerre fut déclarée avec Pompée, lequel alla se réfugier en Grèce. Prompt à tirer les marrons du feu, César s’empara sans coup férir de l’Italie et fonça droit sur l’Espagne, pour rallier à sa cause les soldats de Pompée.

Cruel dilemme : Pompée ou César ?

Sur la route de l’Espagne, en 49 avant J.-C., il y avait Marseille, l’amie reconnue de Rome. La ville était dirigée par un conseil de six cents représentants des corps de métiers, les timouques, sorte d’aristocratie sensible aux formes et aux convenances. La gestion des affaires courantes incombait à quinze magistrats issus de ces corps. Les circonstances obligeaient la ville à choisir entre César et Pompée. Cruel dilemme ! En fait, ces quinze magistrats, plutôt conservateurs, eussent aimé rester fidèles à Pompée, d’autant que celui-ci, pour garder Marseille dans son giron, y envoya Domitius à la tête de plusieurs vaisseaux de guerre, preuve de son soutien aux sages notables marseillais. Mais César postulait un principe simple : où tu es mon ami et tu me suis, ou tu es mon ennemi, et je te combats… Pour lui, les Marseillais devaient suivre l’exemple des Italiens plutôt que d’obéir à Pompée.

Après des tergiversations et hésitations, Domitius, fin manœuvrier, parvient à gagner l’édilité marseillaise à la cause de Pompée. Outré, Jules César mobilisa trois légions et déclara la guerre à la Cité. Les dix mille Marseillais, ayant fait provision de vivres et de matériel, se calfeutrèrent dans leurs remparts qui couraient sur deux kilomètres, englobant le Centre Bourse, la porte d’Aix et la butte des Carmes, tandis que leur flotte mouillait au large du Frioul en prévision d’une bataille navale. La place était commandée par Apollonidès et les quinze magistrats assuraient l’ambassade auprès du QG romain.

En face, Jules César alignait vingt-cinq mille hommes supérieurement armés et d’une expérience sans commune mesure avec une population aspirant à la paix… Il confia l’armée à Trébonius et la marine à Brutus. Un moment, il eut l’idée de prendre la ville par surprise mais celle-ci, bien défendue, l’en dissuada. Depuis son poste de commandement établi sur le plateau de Saint-Charles, le « Grand Jules » fit édifier (avec le bois de centaines d’arbres abattus dans le massif de la Sainte-Baume) une tour de 10 mètres de haut pour deux raisons : résister aux brandons lancés depuis les remparts contre ses soldats, et ouvrir une brèche dans ces remparts à l’aide d’une « tortue » fonçant droit comme un lourd et puissant bélier glissant sur une rampe. Le Génie militaire romain fit des prouesses techniques, mais la cité assiégée et défendue par Apollonidès résistait vaillamment. D’autant que César, parti en Espagne, laissait la conduite des opérations à ses deux lieutenants.

Guerre d’usure

Sept mois plus tard, avec le retour du conquérant, le sort des assiégés fut scellé. Malgré leur courage à mener vaillamment assauts et contre-attaques, sur terre et sur mer, ils ne pouvaient l’emporter. La guerre d’usure leur fut fatale. Face à un tel adversaire, aux moyens largement supérieurs en logistique, en armement et en expérience, la résistance s’avéra vaine. Seize vaisseaux marseillais furent détruits au Frioul. La population, accablée par le confinement, mais aussi par la chaleur et la maladie, manquant de blé et d’eau potable, se rendit à l’évidence.

Au final, les Romains réussirent à entamer les remparts d’une large brèche, et leur flotte déclarée victorieuse au Frioul. Bien que triomphant, César la joua modeste. Il rançonna la cité, il lui enleva des colonies sauf Nice et les îles d’Hyères, mais lui laissa les prérogatives d’une ville libre. A vrai dire, il punit Marseille d’une façon détournée, en favorisant l’émergence d’Arles, la Rome des Gaules, grand emporium voué à doter Rome de blés et de… fauves dont ses gladiateurs et un public conquis raffolaient. Panem et circenses !

Gabriel Chakra

L’héritage (vraiment) surréaliste dans la mode s’expose au Château Borély

L’HÉRITAGE (vraiment) SURRÉALISTE DANS LA MODE par Béatrice CHAKRA

Je vous recommande particulièrement cette nouvelle exposition Mode au Château Borély car elle permet de donner libre cours à votre imagination.

L’héritage du surréalisme dans la mode est proposé au travers de 30 modèles des collections du Château Borély. Au programme, des créateurs tels qu’ Issey Miyake, Chanel, Gaultier, ou Jean-Rémy Daumas . Une signification qui n’est pas anodine puisque la mode est l’art (visuel) du prêt-à-porter.

La critique de Béatrice Chakra :moi, j’ai bien aimé”

J’ai bien aimé cette expo présentant des robes, des tenues aux « beautés convulsives », sujet d’inspiration des années 30 et revendiqué dans les années 60/70 dans un contexte de libération sexuelle. Un clin d’œil envers la mode dure d’André Breton, je trouve.

Le motif des lèvres ainsi que d’autres parties du corps, comme l’œil ou la main dessinés sur des pièces précises reviennent de manière récurrente depuis les années 60 dans l’univers de la mode. Mais la plus belle, selon moi, est celle aux effets « trompe-l’œil » de Mary Katrantzou s’appliquant sur les textiles notamment en 3D. Une merveille !

Cependant, l’exposition est trop courte. Basculée sur deux pièces du premier étage, elle se visite en moins de quinze minutes. C’est mon seul bémol !

Béatrice CHAKRA

Musée Borély – Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode
Château Borély
134 avenue Clot-Bey
13008 Marseille

Entrée gratuite – 18 juin au 27 septembre, du mardi au dimanche de 9h à 18h.

Kiosquier, un métier en péril Par Jean-Paul BRIGHELLI

Où achetez-vous vos magazines en ce moment ?
À Marseille et Lyon, plus aucun titre national n’est disponible depuis plus d’un mois. Depuis la mise en redressement judiciaire à la mi-mai de Presstalis, principal diffuseur de la presse nationale, les antennes (SAD) des deux plus grandes villes de France après Paris ont déclaré forfait, occupées qu’elles sont par la CGT, qui sous prétexte de défendre l’outil de travail, est en train de le détruire.
Et de détruire du même coup les distributeurs de journaux, d’hebdomadaires et de mensuels, tout ce qui tisse le réseau d’information essentiel à la vie démocratique. Inutile de se plaindre de la désaffection des urnes : ce second tour des élections municipales s’est déroulé dans un trou noir de la presse papier.

Les incidences d’une telle politique jusqu’au-boutiste sont nombreuses.
D’un côté, la presse, sans débouchés commerciaux, meurt par étouffement. De plus en plus de magazines ne comptent plus que sur la diffusion en ligne pour survivre — et il y a des gens qui tenaient à lire leur journal en le tenant à la main, pas devant un écran. À le lire durant leurs trajets, en métro ou en train. À le lire le soir, tranquilles, allongés dans leur lit.
Par ailleurs, une désaffection se crée nécessairement vis-à-vis des kiosquiers, qui n’ont plus que des étalages vides à proposer à leur clientèle. En 2004, il y avait 55 kiosques à Marseille. Il en reste 20. Demain, ils seront bien moins nombreux, faute de rentrées financières. Pour le moment la Provence à Marseille ou le Progrès à Lyon ne réclament pas leur dû — mais jusqu’à quand ? Au sortir de la crise sanitaire, pendant laquelle les kiosquiers n’ont en général ouvert que le matin, ils se retrouvent obligés de pérenniser une option qui nécessairement réduit leur capacité de vente — et réduit d’autant le réflexe des clients, dépités de s’entendre répondre que non, Marianne, le Point, l’Express, Paris-Match, Valeurs Actuelles, et l’ensemble des hebdos de télé ne sont pas là. Ni aucun des quotidiens nationaux.
Enfin, cela supprime l’accès à une presse libre et diversifiée. Demain ne subsisteront que les fake news d’Internet.

Curieuse attitude que celle de la CGT, qui reste arcboutée sur des pratiques héritées du mythe ouvrier du XIXe siècle. La centrale de Philippe Martinez vit encore à l’époque de Germinal. Front contre front, sus aux patrons, faisons-leur rendre gorge.
Mais ça ne marche pas — on l’a bien vu à la SNCF. Le risque évident est l’ubérisation de tous ces services pris en otages par des syndicats irresponsables. Défendre son travail, certes — mais pas en menaçant le travail des autres.

Kiosque marseillais – photo Le Méridional

Vincent* est kiosquier près du port — et son métier, il le fait bien, un mot aimable à chacun, une science sans faille de son stock. Septuagénaire, il n’a que son kiosque pour vivre (et ce qu’il touche pour chaque exemplaire vendu est vraiment dérisoire). Depuis quatre mois, son métier est au point mort, d’abord par la faute d’un confinement radical car pensé dans l’urgence, faute d’une réflexion en amont, puis à cause du blocage de la SAD marseillaise. On hésite à lui demander avec quoi il mange. Son kiosque, c’est sa vie. Ce que le coronavirus, auquel il a échappé, n’a pas fait, la CGT s’en charge. À petit feu.

L’information est un rouage essentiel de la démocratie. Quotidiens et hebdomadaires offrent un autre son de cloche que des chaînes d’info qui imposent plus de chaînes que de vraies infos, on l’a assez vu depuis quatre mois. La CGT devrait comprendre que c’est dans une presse pluraliste qu’elle trouvera les relais médiatiques dont elle a besoin, pas dans une information monocolore, centralisée et contrôlée par de grands groupes qui font silence sur les revendications d’employés mécontents. Bloquer la distribution est le plus sûr moyen de mettre en faillite une entreprise déjà défaillante, qui sera remplacée demain par des systèmes indépendants, avec des livreurs payés au lance-pierre, juchés sur leurs vélos. Et non-syndiqués.

Jean-Paul Brighelli

(*) J’ai changé son nom, à sa demande. Il préfère ne pas s’exposer, me dit-il, aux représailles syndicales. Et il parle en connaissance de cause.

Elle a été réélue à la majorité absolue Martine Vassal : le plébiscite

C’est la politique des montagnes russes : battue à la régulière samedi aux municipales de Marseille par Michèle Rubirola, (celle qui se pose un peu là), Martine Vassal (LR) a pris sa revanche cinq jours plus tard en étant réélue présidente de la métropole Marseille-Provence avec une majorité beaucoup plus large que celle espérée par sa famille politique.

Détestée hier, adulée aujourd’hui : Martine Vassal est passée en cinq jours de l’abattement à la résurrection. Déjà majoritaire avec 109 voix dans l’hémicycle du Pharo, Mme Vassal a largement étoffé son capital naturel de suffrages puisqu’elle a été élue dès le premier tour de scrutin avec 145 voix sur 239 suffrages exprimés, soit 25 voix de plus dans son escarcelle puisqu’il suffisait de 120 voix pour obtenir la majorité absolue.

Il s’agit donc d’un véritable plébiscite puisque 25 voix de gauche se sont spontanément portées sur son nom.  Lesquelles ? Inutile de fureter et de lancer Eliott Ness ou le commissaire Maigret dans des recherches d’isoloir, elles demeureraient vaines car le vote a eu lieu à bulletins secrets. N’empêche, la claque essuyée par le communiste Gaby Charroux est éclatante : il ne réunit que 61 suffrages sur les 95 espérés et il va sans doute se demander longtemps quels sont ses amis aux humeurs printanières mais parfois versatiles qui l’ont abandonné en chemin…

Le fait est là. Charroux s’est fait empapahouté dans les grandes largeurs. On ne saurait en dire autant de Jean-Pierre Serrus, candidat de La République en Marche, ex-LR, qui a obtenu 22 voix au total, au lieu des 13 sur lesquelles il pouvait compter. Soit 9 de plus que son assiette normale. Des suffrages surnuméraires qui ne peuvent, là aussi, que venir des rangs de la Gauche, décidément très éclatée, puisque Mme Vassal et Stéphane Ravier ont chacun fait le plein de leurs voix.

Si vous ajoutez les 25 voix d’élus de Gauche qui ont choisi Vassal et les 9 voix de Gauche qui ont opté pour Serrus, vous obtenez un total faramineux de 34 élus de Gauche qui ont boycotté d’emblée leur camp. Voilà qui promet bien des tracas à Mme Rubirola, la nouvelle mairesse de Marseille, qui va devoir évoluer avec cette épée de Damoclès permanente au-dessus de la tête et cette interrogation lancinante : quels sont les 34 renégats qui nous ont fait défaut ?

La fin du « monstropole »

La métropole étant bipolaire, avec une tête à Marseille, et une tête à Aix-en-Provence, l’élection de l’excellent financier et économiste aixois Gérard Bramoullé en qualité de premier vice-président est un gage d’équilibre et de répartition équitable des ressources. Lui aussi, notez-le, a rassemblé 145 suffrages sur son nom, contre 80 votes blancs et 15 abstentions. C’est bien la première fois de sa vie que M. Bramoullé pourra s’enorgueillir d’avoir été élu par une partie de la Gauche…En tout cas, Maryse Joissains, mairesse inamovible d’Aix, sera bien présente à ses côtés pour « épauler » Martine Vassal et l’empêcher de sombrer dans les délires du « monstropole » qu’elle éreintait sous la présidence de Gaudin.

Très applaudie par sa large majorité, Mme Vassal a reconnu qu’elle ne s’attendait pas à un tel plébiscite : « mon score prouve que j’arrive à rassembler bien au-delà de ma famille politique », a-t-elle constaté sobrement. C’est le moins qu’on puisse dire. Ceux qui avaient préparé en douce un coup de Jarnac ou une nouvelle « enfillonade » en seront pour leurs frais. C’est raté.

Martine Vassal va pouvoir en toute légitimité amorcer une réforme profonde de cette institution assez lourde dont le fonctionnement a été jusqu’ici un échec. Elle va lancer sa « métropole de projets » en s’appuyant davantage sur les maires : à eux les compétences de proximité, à la métropole les compétences stratégiques relatives à l’aménagement du territoire et à la mobilité.

Martine Vassal sera la présidente de la république Marseille-Provence et les 92 maires seront ses premiers ministres qui pourront, enfin, s’occuper de ce qui les regarde. Souvent entravée par les difficultés administratives et l’inertie du « millefeuille », la métropole vient de renaître de ses cendres. Exactement comme une certaine…Martine Vassal.

José D’Arrigo

Rédacteur en chef du Méridional

Photo : extraite de la page Facebook de Martine Vassal