Onoda (1944-1975) : pour lui la guerre n’était pas finie

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle est sorti en salles le 21 juillet. Présenté en ouverture d’Un certain regard au 74ème Festival de Cannes, il est le fruit du talentueux regard du réalisateur français Arthur Harari (« Diamant noir », 2016). Il retrace l’incroyable épopée d’un officier japonais de l’armée impériale, qui vécut pendant 30 ans sur une île des Philippines, persuadé que la Seconde Guerre mondiale n’était pas terminée.

C’est à partir d’une histoire vraie bien connue au Japon – et au-delà – qu’a été tourné le film. En 1944, alors que les Alliés progressent et que les puissances de l’Axe commencent à perdre pied, le Japon entre dans une résistance désespérée. La guerre du Pacifique devient le terrain des « kamikazes », ces avions-suicide japonais qui viennent s’écraser volontairement sur les navires ennemis. Mais en parallèle de cette foi du dernier recours, une autre notion est développée chez les « commandos spéciaux », adeptes de la « guerre secrète » : survivre envers et contre tout ; tout est permis, fors la mort.

Hiro Onoda est un jeune homme qui a été élevé dans des principes d’honneur et d’amour inconditionnel de la patrie (« Ton corps, c’est la Patrie, ne le laisse pas à l’ennemi », lui rappelle son père.) Il ne peut devenir pilote, officiellement pour raison de vertige, mais tout simplement parce qu’il ne se résout pas à sacrifier son corps. Qu’à cela ne tienne : recruté dans l’un des bataillons spéciaux et propulsé au rang d’officier du rang, il devient un sujet brillant et engagé.

Hiro Onoda, jeune officier © WK

Le dernier soldat de la guerre

Il est envoyé à Lubang, l’une des petites îles des Philippines, qui font alors partie de l’échiquier de conquête américaine. Il ne verra des ennemis que le bateau qui s’éloigne à l’horizon. Mais pour lui et les trois hommes qui l’accompagnent, la guerre ne peut être terminée : commence alors une longue période de vie dans la jungle, aux aguets. Du groupe, Onoda sera le seul à passer 30 ans enfermé dans une guerre et une civilisation qui toutes les deux ont disparu. Mais les ordres sont les ordres : « Survivez coûte que coûte », « Nous reviendrons vous chercher ». Alors il ne reste qu’à défendre l’honneur de la Patrie en entonnant ses chants : « Quand les fleurs d’acacia tomberont… »

Un sujet délicat au Japon

Si Hiro Onoda (décédé en 2014) est resté une légende au pays du Soleil Levant, son histoire n’avait encore jamais été reprise par les réalisateurs  de son pays. La raison en était sans doute que l’officier est resté, après son retour au Japon, un militariste nostalgique, et également, qu’il avait tué un certain nombre de personnes sur Lubang.

La durée un peu impressionnante du film n’est absolument pas rebutante. Le réalisateur Arthur Harari livre une œuvre excellente, qui puise sa justesse dans le dépouillement approprié à un tel sujet. On apprécie particulièrement le cadeau des images finales, qui préfèrent le regard du soldat plutôt que le retour au Japon au milieu de la foule.

Jeanne RIVIERE

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, Arthur Harari, 2h45.