La visite de Benoît Payan à l’Elysée ce mercredi 10 Mars pour quémander de l’argent au président de la République est un tragique aveu d’impuissance. Le nouveau maire de Marseille s’est soudain rendu compte que l’état de la ville est « catastrophique » et qu’il n’a pas le moindre euro devant lui pour réaliser l’ambitieux programme de rénovation du « Printemps marseillais ».
Alors, le maire socialiste de Marseille va puiser sans vergogne dans les caisses de l’Etat en adoptant le langage du plus populaire de nos fabulistes : « la cigale ayant chanté tout l’été se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine chez la fourmi sa voisine, la priant de lui prêter quelque grain pour subsister jusqu’à la saison nouvelle ».
Hélas, la fourmi, en l’occurrence l’Etat, n’est pas prêteuse. M. Macron a certes un point commun avec M. Payan : il est socialiste et jette donc l’argent par les fenêtres à pleines pelletées. Mais que pèse, électoralement, la République en marche à Marseille ? Or, si M. Macron s’engage à offrir un milliard d’euros à la ville, ainsi que le souhaite son interlocuteur, c’est aussi pour bénéficier en retour de la manne électorale représentée par le conglomérat hétéroclite du « Printemps marseillais » qui a conquis la ville sur la foi d’un mensonge éhonté.
Le président sera-t-il payé de retour ? Rien n’est moins sûr. Dès lors, la démarche de M. Payan s’assimile à celle d’un galopin qui fait son caprice et exige de sa mère une sucette au caramel. « Je veux mon milliard, na ! »
Tout se passe comme si cette demande d’argent était une prière masquée en vue de la mise en tutelle de la ville face aux défis gigantesques qui l’attendent. Ce qui revient à dire, après le pitoyable retrait de Mme Rubirola, que son allié socialiste est, à son tour, saisi du vertige du gousset vide. Et qu’il vient piteusement solliciter le président pour lui faire les poches.
Comme d’habitude, en fin habilleur lexical, M. Payan réfute l’image du solliciteur importun. Il évoque le glorieux passé de Marseille, sa place singulière de seconde ville de France, son rôle culturel éminent, et surtout, il s’en prend vertement à ses prédécesseurs « qui ont fait tout le contraire de ce qu’ils auraient dû faire ».
Ben voyons. M. Payan souhaite-t-il qu’on lui fasse l’affront de ressortir des placards le nombre de délibérations qu’il a votées durant vingt-cinq ans avec la majorité de Gaudin ? Délibérations qu’il semble vouer aux gémonies aujourd’hui ?
Une « situation inextricable »
M. Payan a benoitement confié au président qu’il souhaitait dare-dare rénover plusieurs centaines d’écoles publiques où « les rats s’invitent dans les infirmeries » et restaurer l’habitat indigne qui concerne un Marseillais sur dix. Il a peut-être conclu son propos misérabiliste par sa tautologie rituelle : « la situation est tellement inextricable qu’elle laisse présager des années difficiles ».
Là, M. Payan dit vrai. Les 13 000 fonctionnaires ou collaborateurs de la mairie qu’il compte mettre au travail sauront lui rappeler, via le syndicat FO ou la CGT, qui règnent sans partage sur la ville, qu’ils ne se laisseront pas marcher sur les pieds. Non, M. Payan, ils n’accompliront pas leurs 1607 heures annuelles de travail réglementaire et vous le savez bien. Mais vous préférez bercer vos électeurs dans l’ouate démagogique des lendemains qui chantent.
« Manu, je veux mon milliard, na ! » On entend d’ici le caprice puéril d’un socialiste qui commence à mesurer l’ampleur des responsabilités qui pèsent sur le dos d’un premier magistrat municipal. Il nous abreuve au passage de quelques litotes incongrues du style : « je ne suis pas venu faire l’aumône ». Ah bon ? Et pourquoi est-il monté à Paris alors ? « Les Marseillais doivent être aidés davantage parce qu’ils ne sont pas moins Français que les autres ». Mais qui, diable, en a jamais douté ?
Moins d’un an après l’élection de sa « marraine », voilà le petit marquis socialiste contraint de jouer les marchands de chapeau, les VRP du pauvre, les saltimbanques de la jérémiade. Et l’opération Euroméditerranée, ce n’est pas l’Etat peut-être ? Et la L2, certes très attendue, ce n’est pas l’Etat ? lui rétorque la journaliste de RTL estomaquée.
Voilà M. Payan dans la nasse que Mme Rubirola a adroitement évitée. Il a promis la lune à ses électeurs et se retrouve à faire la manche au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré avec les geignements dramatiques du démarcheur de quartier. Bref, M. Payan devrait être nommé ministre de la parole. Et de la galéjade. Il y serait très à l’aise. Mais il serait douteux qu’il s’y maintienne six ans en poste et subsiste ainsi jusqu’à la saison nouvelle.
José D’Arrigo
Rédacteur en Chef du Méridional