En débaptisant l’avenue des Aygalades sans la moindre concertation avec les Marseillais et en la rebaptisant « Ibrahim Ali », Benoît Payan, maire socialiste de Marseille, a mis le doigt dans un engrenage indigne de son écharpe tricolore : celui des postures morales et de l’enfumage morbide.
Digne émule de François Mitterrand, un maître en la matière, Benoît Payan excelle, faute de pouvoirs et de moyens, dans l’art de la communication. Comme s’il avait besoin pour exister de créer des opprimants et des opprimés, des bons et des méchants, des innocents et des fautifs. Cette dialectique du camp du bien (la Gauche) contre le camp du mal (la Droite) relève du politiquement correct : si vous n’êtes pas d’accord avec les ukases de l’inquisition socialiste, c’est que vous êtes au mieux méprisable, au pire un délinquant dont la normalité psychique est douteuse.
L’ennui, c’est que ce besoin permanent « d’ennemis palliatifs » dissimule l’incurie des élus socialistes pour éviter la partition de Marseille entre le nord et le sud. On privilégie la parole à l’action. On blablate. L’incantation est élevée au rang de stratégie. On insulte le passé en croyant se préserver de l’avenir. On ravive les plaies anciennes sans craindre les éclaboussures de l’infamie.
Mieux : on participe à l’élaboration d’accès de fièvre pour s’en indigner aux premières loges. On se garde bien de guérir Marseille des problèmes endémiques qui l’accablent : immigration invasive, trafic de drogue omniprésent, insécurité, précarité, embouteillages, pollution, logements défectueux, etc. On vient à la télévision ou à la radio pour en dénoncer les effets scandaleux sur la vie quotidienne, avec la bouche en cul de poule.
Cette récupération politique, assez vile au fond, Benoît Payan la déguise en hommage solennel en choisissant des mots qui tuent. Lui qui se dit « déterminé à recoudre la ville » passe le plus clair de son temps à la découdre. La danse macabre du maire socialiste de Marseille aux Aygalades est une turpitude honteuse. Marcher sur le souvenir des morts, pour se hausser du col et se servir de leur gloire comme piédestal, c’est une forme de démagogie qui revient à tirer une nouvelle balle dans le dos de Marseille.
On désigne des ennemis palliatifs
Les charognards qui dansent autour de la dépouille d’une victime n’ont aucune idée du mal qu’ils peuvent faire à Marseille. Ils se nourrissent avec délectation des divisions qu’ils mettent eux-mêmes en scène, convaincus qu’il vaut mieux désigner des ennemis palliatifs à la vindicte populaire que de résoudre des problèmes qui les dépassent.
Cette tactique de la chicaya permanente pour se poser en redresseur de torts et en moraliste offensé me rappelle les campagnes publicitaires imaginées par Oliviero Toscani pour Benetton : « la publicité est une charogne qui nous sourit », disait-il. Le maire de Marseille pourrait s’inscrire dans la lignée de ces publicitaires sans vergogne qui cherchent à ripoliner une enseigne (socialiste) démonétisée, ringarde, honnie, détestée, vomie, par l’opinion publique.
Il n’hésite pas une seconde à instrumentaliser une famille comorienne, en quête légitime de reconnaissance, pour gagner quelques bons points de moraline au tableau d’honneur de la bien-pensance. Avec son sourire d’ange et ses manières cauteleuses de lèche-vitrine, il vient d’orchestrer à la perfection la seconde mort d’Ibrahim Ali.
Le drame du jeune Comorien résulte du geste ignoble d’un colleur d’affiches du Front National qui lui a tiré dans le dos et l’a abattu en 1995. C’est un fait. Un assassinat exceptionnel, le premier et le seul du genre, fort heureusement, depuis vingt-six ans à Marseille.
En revanche, les assassinats perpétrés contre les Français par les fanatiques de l’Islam se sont multipliés au cours des dernières années dans notre pays à tel point qu’on dénombre 439 morts et 1732 blessés depuis 2012. M. Payan et ses amis auront-ils l’obligeance de bien vouloir débaptiser 439 rues de Marseille pour rendre l’hommage qu’elles méritent à toutes ces victimes innocentes du terrorisme islamiste ?
M. Payan et ses amis auront-ils la magnanimité de rebaptiser le parvis de la gare Saint-Charles « Laura et Mauranne », du nom de ces deux étudiantes qui y ont été sauvagement égorgées le 1er octobre 2017 ?
Pour l’édile socialiste, toutes les victimes ne se valent pas. Un tri idéologique s’impose. Sur la plaque inaugurée aux Aygalades figure la mention : « Ibrahim Ali lâchement assassiné au nom d’une idéologie haineuse ». Soit. Mais pourquoi Laura et Mauranne n’auraient-elles pas droit, elles aussi, au même éloge ? Parce qu’il ne faut surtout pas offusquer l’électorat islamique ? Ne pas condamner les terroristes islamistes, c’est condamner l’ensemble des musulmans. Ibrahim Ali est déjà un symbole à Marseille et le lycée de l’Estaque fait résonner son histoire.
Deux poids, deux mesures
Ces deux jeunes filles rejoindront dans l’oubli éternel le héros de Trèbes, Arnaud Beltrame, colonel de gendarmerie égorgé par un fanatique dans un supermarché pour sauver une femme prise en otage. Les élus socialistes et communistes de Marseille ont osé refuser cet hommage en 2018 au prétexte fallacieux qu’il pouvait être vécu « comme une provocation » par la population locale.
Cette « provocation » est une façon implicite d’admettre que la population européenne est désormais très minoritaire dans les quartiers nord de Marseille et qu’il est inutile de risquer des émeutes en jetant de l’huile sur le feu. Voilà comment on en arrive à hurler à l’infamie, d’un côté, et de l’autre à détourner pudiquement la tête…
Ce que cache cette crainte de « provocation » et la récupération politique qui s’ensuit, c’est que Marseille est devenue la capitale emblématique de la négation de l’horreur islamiste. Le vrai racisme se niche dans cette stratégie du « deux poids deux mesures » qui guide les socialistes dans leur choix morbide. Combien pèse électoralement le sacrifice d’Arnaud Beltrame au regard des votes d’une communauté comorienne forte de 90 000 membres à Marseille ?
Laura et Mauranne ont, elles aussi, été « lâchement assassinées au nom d’une idéologie haineuse » mais leur rendre hommage ne remplirait pas vraiment l’escarcelle électorale du PS et du PC dans les quartiers qui leur sont dédiés. Voilà la vérité dans sa cynique nudité.
La lâcheté devant la barbarie ne fait que précipiter le triomphe de la barbarie. Il a fallu attendre deux ans, le 20 février 2020, pour que la ville de Marseille, à la demande insistante de la droite, consente enfin à rendre un hommage discret au colonel Beltrame en lui concédant le nom d’une place…
La majorité socialo-communiste de Marseille ne fait que commencer son travail de sape revanchard contre les années Gaudin. Elle entreprend de défaire l’histoire et de se soumettre aux ukases des fanatiques dont dépend sa destinée politique. Le bilan de l’ancienne majorité n’a donc pas fini d’être sali, piétiné, vilipendé, ostracisé.
Le maire socialiste a déjà fait quelques pas rue d’Aubagne en humant avec gourmandise l’air malsain de la catastrophe pour mieux incriminer la Droite. Demain, il fera pareil dans les écoles, les piscines, les cités pour instruire un procès à charge et se fabriquer à bon compte une tunique immaculée alors que ses amis ont durablement ruiné Marseille entre 1953 et 1986.
Ce faisant, M. Payan tire une balle dans le dos de la fragile unité marseillaise. Il réhabilite les clivages meurtriers : les bons contre les méchants, le nord contre le sud, les Noirs contre les Blancs, la gauche contre la droite, etc. Et gare à ceux qui oseraient se rebeller contre ce manichéisme réducteur : l’empire du politiquement correct et ses relais médiatiques les abattraient, eux aussi, sans coup férir.
José D’Arrigo
Rédacteur en Chef du Méridional