Politique – Macron : le vertige du vide

Lorsqu’un interlocuteur s’adresse à vous et qu’il ne vous regarde pas en face, vous êtes gêné. Emmanuel Macron ne regarde plus les Français dans les yeux. Il fixe son prompteur et semble saisi par le vertige du vide. Il ne parle pas, il soliloque. Il s’abreuve de ses propres incantations. Tel un ventriloque émoustillé par les mots qu’il fait dire à sa marionnette, le président de la République se double en permanence d’un illusionniste ou si vous préférez d’un virtuose de l’enfumage.

Sa physionomie est impassible, mais ses arguments sont impossibles. M. Macron est désormais condamné à se parler à lui-même. Sa principale interlocutrice, une vieille dame qui s’appelle la France, a fini par se lasser de ses provocations, de son « processus démocratique » qui s’assimile en réalité à un passage en force. Elle jette l’éponge. Les astuces du prestidigitateur ne « fonctionnent plus », comme le souligne Marine Le Pen. Le roi est nu.

Si l’on veut bien comprendre pourquoi la France est en crise démocratique et citoyenne, il faut se souvenir du mot couperet de François Fillon : « la France est quasiment en état de faillite » et de l’obligation absolue pour Emmanuel Macron, mais aussi pour tout autre présidente ou président à sa place, de faire voter cette réforme des retraites contre l’avis des syndicats et d’une partie du peuple. Sans cette modification de l’âge de départ à la retraite, la France risquait en effet d’être dégradée par les agences de notation et le coût annuel de la dette de s’aggraver davantage. La charge de cette dette abyssale a augmenté de vingt milliards d’euros entre 2020 et 2022 et elle risque d’atteindre les quatre vingt milliards d’ici 2024.

Dans l’esprit du président, l’urgence n’est pas de satisfaire les vœux majoritaires d’une grande partie du peuple français mais de ne pas heurter ceux qui nous prêtent ces milliards pour nous maintenir à flot et nous tiennent à la gorge. Voilà pourquoi le président est coincé. Il n’a aucune marge de manœuvre. Il pérore et les Français l’abhorrent. Sa maîtrise n’est qu’apparente. Le Verbe ne s’est pas fait chair. Comme Narcisse, il n’a qu’un souci : sa propre image. Son discours ne fait que refléter le talent défunt d’un magicien qui serait à court de prestidigitation.

M. Macron en est réduit à la stratégie de « l’enjambement » : il est contraint par la colère du peuple et la révolte qui se profile à l’horizon à un exercice périlleux. Celui de l’enjambement démocratique. C’est-à-dire la réalisation à marche forcée d’une feuille de route qui ignore à la fois « l’immobilisme et l’extrémisme ». Ni dissolution, ni référendum, ni démission. La seule issue pour lui est une coalition avec une grande partie des Républicains à partir de juillet prochain, à la fin du mandat de cent jours qu’il a assignée à Elisabeth Borne.

Sinon, il sera obligé de zigzaguer avec plus ou moins d’habileté jusqu’à la fin de son quinquennat, bousculé en permanence par les Mélenchonistes, les Marinistes et les Républicains qui, pour la plupart, ont déjà tourné la page du macronisme. Ce serait l’hypothèse, finalement assez probable, d’un président fantôme qui ne préside plus rien et qui réussit tout de même à se gouverner lui-même comme un acteur finissant.

« La foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime à travers ses élus », a affirmé le président le 23 mars. Mais lui,
est-ce qu’il est vraiment légitime ou bien se contente-t-il d’être légal ? Telle est la complainte du pompier pyromane. Il fait penser à ces plongeurs en apnée qui regagnent la surface après quatre minutes sous l’eau et respirent à pleins poumons.

M. Macron, président au rabais, endosse aujourd’hui, conformément à son souhait, une impopularité qu’il a lui- même forgée mois après mois, gaffe après gaffe, mépris après mépris. Il va s’efforcer de « bâtir l’élargissement de sa majorité » avec un gouvernement de coalition. Et pendant ce temps, la désaffection des Français vis à vis de la classe politique va s’accentuer et l’empêchera de respirer à sa guise.

Le pays va se disloquer et le président continuera de soliloquer, faute de mieux. Les Français verront de plus en plus en lui un diviseur sarcastique qui s’enferme dans sa tour d’ivoire et exacerbe les querelles. Il sera perçu comme l’agent de la globalisation brutale, de l’insécurité grandissante et de l’immigration invasion. Décidément, ce début de quinquennat n’a jamais autant ressemblé à une fin de règne.

José D’Arrigo – Rédacteur en Chef du Méridional