C’est un dossier, pourtant crucial, dont on n’entend pas assez parler en Europe. Depuis plusieurs mois, la zone indo-pacifique est le théâtre de tensions croissantes entre l’Australie et la Chine. Cette dernière entend y affirmer son hégémonie navale, tandis que l’Australie redoute une militarisation discrète des pays alentour, tombés sous la coupe de la Chine. Ces tensions ne sont pas les seuls différends existants entre les deux parties.
Le changement de couleur du gouvernement australien depuis mai dernier (les travaillistes remplaçaient les libéraux-nationaux) laissait entrevoir un possible nouveau point de vue sur la situation. La « gauche » aurait des positions moins arrêtées sur la Chine. Mais le laxisme vis-à -vis de la Chine n’est pas de mise non plus pour le nouveau gouvernement. Dès son arrivée, le nouveau Premier ministre Anthony Albanese reprenait à bras le corps cet épineux dossier.
la position du nouveau gouvernement australien est sensiblement la même
Des tensions à plusieurs niveaux
Les tensions entre les deux pays ne datent pas d’hier. Rappelons qu’en 2020, l’Australie demandait une enquête indépendante pour tirer au clair la façon dont la Chine avait géré la crise sanitaire issue de son territoire. Une démarche qui avait provoqué les foudres du gouvernement chinois… De son côté, le gouvernement australien était allé jusqu’à comparer le régime chinois à celui des Nazis.
Des incidents militaires réguliers
Différents incidents militaires ont également eu lieu ces derniers mois : avion de patrouille maritime visé par le faisceau laser d’un sous-marin chinois en février, interception d’un avion australien par un chasseur chinois au-dessus de la mer de Chine méridionale en mai… Plus récemment, il y a quelques semaines, un navire australien aurait eu maille à part avec la marine chinoise, alors qu’il menait une mission de « présence régionale » conjointe avec le Japon et les Etats-Unis. La Chine voit d’un très mauvais œil ce genre de manœuvre, et n’hésite pas à le signifier.
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L’Australie sur la même longueur d’onde que les Etats-Unis
Pour l’Australie, le principal recours sécuritaire demeure le rapprochement avec les Etats-Unis. L’exécutif est conscient qu’il pourrait s’agir d’une menace sérieuse. Pour le nouveau ministre australien de la Défense, il pourrait s’agir du « plus grand renforcement militaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». C’est la raison pour laquelle l’Australie multiplie les partenariats stratégiques avec ses alliés.
La reprise d’un dialogue fragile, mais une méfiance palpable
Les deux territoires, qui se regardent en chiens de faïence depuis au moins trois ans, ont accepté de reprendre un semblant de dialogue : le 8 juillet, la ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong a rencontré à Bali son homologue chinois Wang Yi. Les relations économiques – la Chine impose des sanctions commerciales à l’Australie depuis plusieurs mois, pour le charbon, le vin, l’orge notamment – pourraient reprendre tout doucement. Reste que chacune des parties attend que l’autre montre sa bonne foi…
l’Australie craint que certaines iles tombent sous la coupe chinoise
« J’espère que la partie australienne saisira les opportunités des relations entre les deux pays, prendra des mesures pratiques, réformera sa perception correcte de la Chine, traitera les relations économiques et commerciales sino-australiennes sur la base du principe de respect mutuel et de bénéfice mutuel », a ainsi souligné Wang Wenbin, le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de la république populaire de Chine, au cours d’une conférence de presse du 18 juillet 2022.
Qu’on ne s’y trompe pas : les démonstrations de force de la part de la Chine, officielles ou officieuses, pourraient bien se multiplier ces prochains mois dans la zone indo-pacifique. Le principal souci de l’Australie est d’éviter un rapprochement de certaines îles du Pacifique avec la Chine, qui se fait de plus en plus insistante.
Raphaëlle PAOLI