L’édito de José D’Arrigo – Législatives 2022 : le grand bazar des supercheries

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Le premier parti de France est, de loin, celui des abstentionnistes puisque 55 pour cent des électeurs inscrits ont refusé de voter au second tour des législatives. Donc, il faut relativiser les chiffres obtenus par les députés élus dimanche dernier à l’Assemblée nationale et diviser par deux leurs scores pour obtenir une évaluation réelle de leur audience.

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Tous les commentateurs qui font état d’un « triomphe » pour les uns ou d’une « gifle » pour les autres sont aussitôt disqualifiés. Celle qui trinque la première dans cette affaire, c’est la démocratie française avec des élus qui frisent l’illégitimité en raison de leur audience très relative.

Seconde observation : la France est désormais divisée en trois blocs sensiblement identiques, tout au moins en apparence. Celui des centristes et Macronistes, celui de la gauche et des islamo-gauchistes et celui du camp national.

la france divisée en trois blocs

Le bloc central de Macron ne peut espérer une majorité absolue à l’Assemblée que si les 61 élus Républicains viennent s’adjoindre au vote des 245 députés macronistes d’Ensemble. Même en supposant qu’une partie des Républicains puissent se laisser compromettre par de basses manœuvres diligentées par la majorité relative, la Macronie ne parviendrait pas à atteindre les 288 voix des députés nécessaires. Le compromis oui, la compromission non, tel est le credo de Christian Jacob qui se prononcera « au cas par cas ». Mais dans tous les cas l’addition sera salée…

Les Républicains, dont on avait prédit le décès lors des présidentielles à cause d’une erreur de casting (Pécresse), se sont requinqués et peuvent devenir le parti charnière de l’Assemblée, celui qui fera et défera à sa guise les majorités. On a trop glosé sur « l’exemple » marseillais qui a vu des ténors de la droite et de la gauche faire allégeance à la macronie pour être certains de profiter des subventions de l’Etat. C’était une illusion d’optique, un trompe-l’œil. Les Républicains ne sont ni des supplétifs, ni des tordus qui claudiquent d’un pied sur l’autre au gré de leurs humeurs politiques. Il faudra désormais (re)compter avec eux.

lr peut devenir le parti charnière de l’assemblée

Ces résultats des législatives ne sont qu’une confirmation du premier tour de la présidentielle et le constat d’un président largement minoritaire dans le pays, même s’il a bénéficié des voix issues de la détestation de Marine Le Pen pour être largement élu au second tour.

Le problème de Macron, c’est qu’il a désormais les mains liées. Il est corseté sur sa gauche par le clan électoral des Mélenchonistes qui ne vont pas tarder à se diviser en quatre camps hostiles parce qu’ils n’ont pas les mêmes visions de la société et sur sa droite par le camp national et les Républicains. La vérité, c’est qu’Emmanuel Macron devient un président minoritaire et impuissant. Il paie probablement son arrogance et la surévaluation qu’il a de lui-même.

un président minoritaire et impuissant

Mais si l’on veut bien regarder les chiffres de près, on s’aperçoit que les « coalitions » de gauche et du « centre » masquent un grand nombre de supercheries soigneusement dissimulées au public. En effet, le vrai score « intra-muros » des amis du président est de 170 élus, auquel ont peut ajouter les 48 élus du Modem et les 27 d’Horizons d’Edouard Philippe sur les 55 présentés. Un score effectivement très en dessous de celui espéré par les Macronistes.

Même constat pour les Mélenchonistes : leur pacte électoral ne survivra pas à leurs dissensions idéologiques. Le score réel des Insoumis ou prétendus tels est de 70 députés, les socialistes engrangent 26 députés malgré le naufrage d’Hidalgo, les Verts totalisent 23 élus et le parti communiste 12 élus. Pas de quoi pavoiser pour Mélenchon, le gueulard des Batignolles. Seul le rassemblement de Marine Le Pen a réalisé une percée historique en décuplant ses effectifs à l’Assemblée.

la nomination d’un nouveau gouvernement ?

A présent, si l’on voulait donner une petite leçon de démocratie à Jupiter, le dieu déchu de son Olympe, on pourrait lui suggérer la nomination d’un nouveau gouvernement qui serait le reflet exact de la volonté de 50 pour cent des citoyens qui ont voté : c’est très simple. Il suffit de calculer, sur un gouvernement composé de cinquante ministres, le nombre de ministres correspondant au score de chaque parti.

Pas de surprise, c’est Renaissance ou Ensemble, le parti de Macron, qui obtiendrait 14 ministres, suivi par le Rassemblement National avec 8 ministres, puis par les Républicains avec 7 ministres, la France Insoumise avec 6 ministres, le Modem avec 5 ministres, Horizons avec 3 ministres, le Parti socialiste et les Verts avec 2 ministres chacun et le Parti communiste avec un ministre. Deux ministres divers gauche et divers droite devraient être ajoutés à ce nouveau gouvernement de 50 membres.

Voilà un attelage inédit qui permettrait d’échapper au grand bal des écornifleurs, c’est-à-dire des partis qui par ruse parasitent les denrées nécessaires à leur existence en les dérobant chez leurs voisins. S’il ne se transforme pas dès le premier conseil en un vaste ring de boxe, il devrait toutefois se soumettre à une règle très répandue, celle du « pass audio » créée à destination des malentendants dont le slogan publicitaire est le suivant : « Invitation à bien s’entendre » … Pardon ? Comment ? Qu’est-ce que vous avez dit ?

José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional