Moins connu que Sylvain Tesson mais tout aussi talentueux dans son genre (à savoir, les clichés animaliers), le jeune photographe Jérémie Villet est encore un de ces curieux prêts à s’engager dans une aventure folle aux confins du monde habité. Le documentaire « Yukon – Un rêve blanc » (Arte), nous permet de suivre ses traces… dans le monde blanc.
Dans l’immensité du Grand Nord canadien, tout est blanc, ou presque. La plupart du temps, terre et ciel se confondent. Sauf ! Quand l’œil du photographe, qui attend parfois depuis des heures (au risque d’attraper la mort), capte un œil, des cornes, des sabots, et autour, devinée, une fourrure blanche elle encore.
Jérémie Villet sillonne depuis des années en solitaire les paysages enneigés du globe. Son dernier projet : explorer le Yukon, territoire sauvage du nord-ouest canadien, voisin de l’Alaska, pour immortaliser l’emblématique chèvre des montagnes. Tout droit sortie de la dernière période glaciaire, cette espèce est particulièrement difficile à photographier en hiver en raison des conditions extrêmes dans lesquelles elle évolue. Dans une aventure de trois semaines, le jeune homme, accompagné par le réalisateur Mathieu Le Lay, lui aussi spécialisé dans l’animalier, documente les passionnantes coulisses de l’expédition. Au cours du périple, une foule d’animaux revêtus de leur pelage d’hiver passent devant l’objectif de Jérémie : lièvres, lagopèdes, martres, loup, lynx, mouflons, renards et caribous… avant le clou de l’expédition, les chèvres des montagnes, immortalisées au terme d’une ascension éreintante de plusieurs jours dans la poudreuse et le blizzard.
Narré par la voix de Jérémie Villet lui-même, ce documentaire nous plonge dans l’intimité de ce grand rêveur à la personnalité attachante et affirmée. S’il dévoile les exigences du métier de photographe animalier – des repérages auprès d’autochtones, fins connaisseurs du terrain, aux techniques d’affût, en passant par la lecture experte des traces laissées par les animaux –, il conte aussi l’émerveillement permanent face à la beauté du vivant, antidote au découragement, au froid glacial et à la fatigue. Dans cet univers monochrome et silencieux, on découvre un jeune artiste au regard acéré et à la pratique proche de l’ascèse, qui excelle à traduire en images l’intensité des sensations qui le traversent.
« Yukon – Un rêve blanc », réalisé par Mathieu Le Lay, jusqu’au 1er avril 2022 sur Arte.fr et diffusé sur Arte le 1er février à 16h.
Si les pouvoirs publics mènent de plus en plus campagne pour inciter les particuliers à la rénovation énergétique de leur logement, la démarche doit sembler assez convaincante financièrement. En 2022, une simplification essentielle des services a été mise en place avec la création de l’agence France Rénov’ qui devient le grand service public au service de la rénovation de l’habitat. Son rôle est de conseiller et d’informer, notamment sur la question des prêts. L’objectif est notamment que les ménages soient accompagnés par un expert et qu’ils évitent les abus qui ont pu être observés. Les aides sont repensées de façon avantageuse (prêt avance rénovation pour les montants qui restent à charge, aides comme MaPrimeRénov’, l’éco-PTZ ou le chèque énergie rehaussées).
Les sondages (s’il faut encore les croire) sont unanimes : la gauche française est dans une situation critique. Elle ne totalise plus que 24% des intentions de vote aux élections présidentielles, tous candidats confondus. Malgré la gravité de la situation, elle se permet le luxe de diviser pour l’instant ses voix en plusieurs candidats rivaux, qui n’ont aucune chance d’accéder au second tour. Toutes les tentatives d’unir ces égos surdimensionnés ont pour l’instant échoué. La nouvelle défaite qui s’annonce pourrait être lourde de conséquences.
La gauche, ça n’est plus ce que c’était
C’était il y a 40 ans : ce 10 mai 1981, François Mitterrand fait une entrée triomphale dans la cour de l’Élysée, pour participer à la cérémonie de passation de pouvoir ; il vient d’être élu président de la République. C’est le « Grand Soir » que beaucoup attendaient, et qui provoque des manifestations spontanées de joie ou de rejet dans les rues de tout le pays. Le socialiste a conquis le pouvoir avec le soutien des communistes, qui se verront attribuer quatre ministères. De 1997 à 2002, le Premier ministre Lionel Jospin rassemblera à son tour toutes les tendances de la gauche dite « plurielle », au sein de son gouvernement. Car il fut un temps où la gauche, malgré les dissensions, maîtrisait l’art de l’union. Ce temps-là est révolu.
La gauche n’atteint plus aujourd’hui que 24% au total dans les sondages, soit autant qu’Emmanuel Macron à lui tout seul. Ces 24% sont surtout divisés en plusieurs candidatures distinctes et rivales. La dernière en date : Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice de François Hollande, s’est officiellement lancée dans la course la semaine dernière, ajoutant à la dispersion. Malgré ses 4%, elle a l’orgueil de croire que tous se rangeront derrière elle. L’ancien président François Hollande a pourtant dénoncé il y a quelques mois au Parisien : « A gauche, toutes les candidatures sont lilliputiennes. Elles se livrent à des batailles aussi picrocholines que microscopiques. »
Si la gauche est déclassée, c’est avant tout parce qu’elle a perdu son électorat principal, les classes populaires. Nous vivons aujourd’hui l’ère de la gauche « sociétale » qui a délaissé le social pour des obsessions délirantes sur le wokisme, l’indigénisme, l’idéologie du genre, l’écologie punitive, etc. Sa nouvelle cible privilégiée, les minorités – ethniques, sexuelles, religieuses – ne compense pas cette perte. C’est un changement radical de culture politique et de sociologie électorale. Entre un ouvrier communiste en col bleu de 1981, et une étudiante en sociologie militante intersectionnelle de 2022, il y a un monde.
Unis, mais derrière qui ?
De cette faiblesse, les candidats de gauche à l’élection présidentielle sont parfaitement conscients. Les tentatives de rapprochement se sont multipliées ces derniers temps, en vain. Le mieux placé est Jean-Luc Mélenchon, qui atteint environ 10% des intentions de vote. Ses militants se démènent pour rallier à lui les autres formations, mais même le Parti communiste, qui l’a soutenu en 2012 et 2017, a décidé de faire cavalier seul, sous la bannière de son président Fabien Roussel (3%). Il est vrai que tous s’accordent à prôner l’union, tant qu’elle se réalise derrière leur personne.
Une initiative se démarque pour tenter de réaliser l’union tant attendue : la Primairepopulaire. Cet événement organisé par des militants indépendants vise à désigner un unique champion pour porter les couleurs de la gauche. Sept prétendants ont été sélectionnés pour leur compatibilité avec un « Socle commun » d’idées. La Primaire populaire rassemble 250 000 électeurs inscrits, qui voteront en ligne du 27 au 30 janvier en attribuant à chaque personnalité une mention, de « très bien » à « insuffisant ». Une formule mathématique désignera le vainqueur, qui aura la meilleure valeur générale. Toutefois, les trois candidats les « moins bas » dans les sondages – Jean-Luc Mélenchon (LFI), Yannick Jadot (EELV) et Anne Hidalgo (PS) – ont déjà annoncé qu’ils maintiendraient leur candidature quel que soit le résultat. Les candidats communistes n’ont de leur côté même pas été sélectionnés, et ne risquent pas de se soumettre au verdict final.
Les conséquences de la désunion
La maire de Paris Anne Hidalgo espérait incarner la renaissance d’un Parti socialiste moribond, après l’échec cuisant de Benoît Hamon en 2017 (6%). Voyant les intentions de vote en sa faveur stagner autour de 3-4%, elle a rapidement compris qu’au-delà du périphérique parisien, elle ne suscite que railleries et hostilité. En plus d’humilier définitivement sa famille politique, son score risque de l’enterrer financièrement : les frais de campagne ne sont remboursés par l’État qu’à partir d’un seuil de 5% des voix… Une épée de Damoclès qui pèse sur tous les petits candidats de gauche, et qui a poussé Anne Hidalgo ou Arnaud Montebourg (1%) à multiplier les coups de téléphones et les appels du pied aux autres prétendants, en vain. Arnaud Montebourg a d’ailleurs préféré retirer officiellement sa candidature ce 19 janvier, sans pour autant se rallier à un autre candidat.
La défaite fatale qui s’annonce risque d’avoir des effets durables pour la gauche : démobilisation des électeurs, perte d’influence culturelle, radicalisation idéologique des militants. Selon une étude Opinion Way de 2021, les citoyens français ne sont plus que 24% à se déclarer de gauche, contre 38% de droite. Le déséquilibre s’accentue, et concerne tous les grands pays d’Europe de l’Ouest. Cette relégation en seconde division n’est ainsi que la traduction politique d’une réalité sociale toujours plus patente : la France est désormais un pays de droite.
Ils ont dénoncé, le 18 janvier, une démarche qui « instrumentalise les aspirations au rassemblement [de la gauche]». Les Insoumis estiment que leur champion n’a jamais donné son feu vert pour figurer dans le scrutin de la Primaire populaire de la gauche (qui se déroulera du 27 au 30 janvier 2022) ; « nous demandons donc que son nom soit retiré de tous les supports physiques et numériques », souligne Manuel Bompard, le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon.
L’Olympique de Marseille commence l’année 2022 de manière plutôt convaincante. La victoire à Bordeaux (0-1) et le match nul (1-1) face à un LOSC en forme n’éteignent cependant pas les ambitions du club phocéen sur le marché des transferts.
L’objectif principal de Sampaoli dans ce mercato semble être le recrutement d’un latéral gauche, Luan Peres n’ayant pour l’instant pas complètement conquis le cœur des Marseillais. Le latéral brésilien manque un peu de fantaisie. Son sérieux et ses qualités défensives en font un joueur intéressant, mais les statistiques ne jouent pas en sa faveur. Une seule petite passe décisive en Ligue 1 cette saison, l’entraîneur argentin en attend forcément plus. Il n’a pas vraiment de défaut, mais ne fait rien d’exceptionnel non plus. Dans une équipe qui chercherait à être solide, les atouts défensifs de Luan Peres seraient davantage mis en lumière, c’est moins le cas dans un OM souvent dominateur. D’où l’intérêt récent pour le latéral argentin Tagliafico, ancien joueur de Sampaoli avec l’Argentine, aujourd’hui joueur de l’Ajax Amsterdam. Selon RMC, l’OM se serait renseigné sur le défenseur gauche afin de savoir s’il pouvait être intéressé par un transfert chez les Olympiens. Cette rumeur fait de l’ombre à celle qui a couru ces dernières semaines concernant un potentiel recrutement de Sead Kolasinac. Même si la piste de ce dernier est plus probable, l’idée d’obtenir Tagliafico cet hiver semble plus excitante.
Notre avis : Tagliafico serait une recrue de taille pour l’OM, et permettrait de renforcer un secteur avec des carences. Cependant, Kolasinac semble plus promis à porter les couleurs olympiennes.
Benedetto de retour en Argentine
Selon l’Équipe, Dario Benedetto devrait quitter l’Olympique de Marseille après deux ans et demi au club. Il s’envolerait mercredi soir prochain de Madrid et est attendu jeudi à Buenos Aires pour s’engager à Boca Junior. Le montant du transfert serait de 3 à 4 millions d’euros. L’attaquant argentin était depuis le début de la saison en prêt à Elche et avait marqué 2 buts en 14 matchs.
Notre avis : Il ne manquera pas aux supporters marseillais et ce transfert permet de renflouer un peu les caisses du club.
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Alors que les dates des Jeux olympiques d’hiver se rapprochent (4-20 février 2022), Pékin restreint encore le nombre de visiteurs. La vente de tickets aux ressortissants étrangers avait déjà été décidée ; le 17 janvier, les autorités ont annoncé qu’il en était de même pour le grand public chinois.
« Afin de protéger la santé et la sécurité du personnel et des spectateurs, il a été décidé d’ajuster le plan initial et d’organiser la venue de spectateurs sur les sites [de compétition] », explique le comité organisateur dans un communiqué. C’est-à-dire que les invités seront choisis à l’avance, probablement des employés d’entreprises publiques…
La Chine veut tout faire pour créer une « boucle fermée », soit une bulle sanitaire empêchant tout contact entre la population chinoise et les personnes étrangères : sportifs, techniciens, officiels etc. Une obsession qui aura peut-être raison de la tenue de ces JO d’hiver.
Le ministère de la Transition écologique a communiqué le 17 janvier les chiffres officiels : en ce début d’année 2022, les prix du carburant sont au plus haut.
Le gazole, qui est le carburant le plus utilisé en France, a franchi la barre des 1,60€ le litre. Au 15 octobre dernier déjà, un record avait été atteint, dépassant celui connu lors de la crise des Gilets jaunes en 2018 (1,5331€ le litre). Du côté du SP-95, du SP95-E10 et du SP-98, les prix augmentent aussi.
La principale raison de cette augmentation des prix du carburant est à attribuer à la hausse des cours du pétrole. Le 17 janvier, le baril de Brent en mer du Nord dépassait son prix de 2014. Des perturbations politiques en Afrique (Libye, Nigéria) interrompent également la production sur ces territoires.
Joe Biden, fin novembre 2021, avait annoncé choisir de toucher aux réserves de pétrole du pays (la plus importante au monde) pour tenter de calmer les prix. En France, le Premier ministre Jean Castex avait promis une « indemnité inflation » de 100€ pour 38 millions de Français.
Du 22 au 28 janvier 2022, l’Aide à l’Eglise en Détresse organise la « Nuit des Témoins », une veillée de prière dans cinq villes de France : Marseille (22 janvier), Albi (23 janvier), Cambrai (24 janvier), Chartres (26 janvier) et Paris (28 janvier). Les chrétiens seront invités à prier pour les religieux et religieuses assassinés en 2021 en raison de leur foi.
La présidente de l’AED Alix Montagne présente les trois visiteurs qui porteront la parole des chrétiens dont ils ont la charge, au cours de la Nuit des Témoins. « Le cardinal Malcom Ranjith arrive du Sri Lanka où le procès des terroristes à l’origine des attentats de Pâques 2019 débute dans quelques jours. Sœur Haguinta Mouradian fait le voyage depuis une Arménie traumatisée par le conflit et la défaite face à l’Azerbaïdjan. Quant à Monseigneur Olivier Doeme, il nous parlera du Nigéria, ce pays qui ne compte plus les enlèvements de prêtres et religieux, les incendies contre les églises, les assassinats… »
A Marseille, la Nuit des Témoins, présidée par l’archevêque Mgr Aveline, aura lieu le samedi 22 janvier à 20h à l’église Saint-Barnabé.
Le jeudi 13 janvier 2022, l’OM a officialisé le transfert de l’attaquant congolais Cédric Bakambu jusqu’au 30 juin 2024. Un bon coup pour les Marseillais, financièrement et sportivement.
Un mal pour un bien pour Milik ?
L’OM a sauté sur l’occasion : l’ancien de Villareal, libre de tout contrat, va faire son retour en Ligue 1. Bakambu est un joueur vif, rapide, effectuant de nombreux appels de balles en profondeur (on pense tout de suite à Payet), et doté d’une finition redoutable. Associé à un Milik en manque de réussite ces dernières semaines, cette arrivée pourrait enlever un peu de pression à l’attaquant polonais. Ce dernier n’a encore pas été à son avantage hier lors du match nul 1-1 face au LOSC. Pourtant l’OM a bien joué, et a su se créer des occasions, mais n’a marqué qu’un seul petit but… Espérons que l’association congolo-polonaise puisse faire des miracles.
En trois semaines, l’OM va disputer un match face à Lens, un concurrent direct à la 3ème place, son huitième de finale de Coupe de France contre Montpellier, et la phase aller des 16èmes de finale de Conference league contre Qarabag. De grosses échéances qui semblent indéniablement être un premier tournant de la saison olympienne.L’ancien joueur du sous-marin jaune aura à cœur de maintenir l’OM à la surface.
Ce début d’année 2022 est marqué par des manifestations très violentes – et violemment réprimées – au Kazakhstan. C’est un immense territoire plutôt méconnu, d’environ 19 millions d’habitants, frontalier de la Russie et de la Chine, au sous-sol riche en hydrocarbures (pétrole, gaz) et en minerais (uranium). Le pays est classé au 12ème rang mondial en matière de production de pétrole et également au 12ème rang pour ses réserves mondiales. Par ailleurs, il est le 2ème producteur mondial d’uranium et est devenu le 2ème pays minier de Bitcoin dans le monde…
Outre ces importantes considérations énergétiques et financières, le pays est géographiquement et géopolitiquement situé au carrefour de différentes influences, dont l’influence russe (qui s’explique historiquement), mais aussi au niveau eurasiatique. Le Kazakhstan est donc au cœur d’une zone stratégique pour plusieurs acteurs de l’Asie centrale.
Pourquoi des manifestations ?
Le 2 janvier 2022, une protestation populaire contre la hausse du prix de l’énergie (en quelques jours le prix du GPL pour les véhicules s’est envolé de 60 %) et la corruption des dirigeants dégénère en émeutes dans l’ouest du pays, puis à Almaty (l’une des plus grosses villes du pays). Elles ont donné lieu à une véritable crise de régime mais au-delà, à un accès de fièvre internationale : l’actuel président actuel Kassim-Jomart Tokaïev a en effet demandé l’envoi de parachutistes par Moscou et ses alliés de l’OTSC (l’Organisation du traité de sécurité collective, organisation à vocation politico-militaire fondée en 2002, regroupe l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan.)
La répression fait plus de 160 morts et 5 800 personnes sont arrêtées. La coupure d’Internet n’a pas apporté la visibilité nécessaire pour une confirmation des faits et la fluidité des informations. Selon V.Poutine, le Kazakhstan aurait été la cible du « terrorisme international ».
Il y a d’ailleurs la possibilité que ces évènements aient été initiés par un conflit interne entre l’ancien président, Nursultan Nazerbaïev et K.J Tokaiev, qui en a profité pour limoger le chef des services secrets, proche de Nazerbaïev, Karim Massimov.
Les tendances actuelles montrent que les relations entre le Kazakhstan, la Russie, la Chine, la Turquie et « l’Occident » sont complexes : d’abord à cause de la compétition latente entre Russie et Chine, et de l’expansionnisme panturque, mais aussi des relations parfois ambigües qu’a pu avoir le Kazakhstan avec les Etats-Unis et l’Europe, de par sa position stratégique et ses ressources énergétiques ; également parce que le pays s’est toujours efforcé depuis 30 ans de garder ses distances vis-à-vis de Moscou. La demande d’envoi de troupes russes par le président Tokaïev est au contraire une forme d’acte d’allégeance.
Quelle est la position de la Russie ?
Vladimir Poutine ne se reconnaît pas dans les frontières héritées de l’URSS, en 1991. Dès 1991, la Russie a cherché à consolider les liens avec les anciennes Républiques soviétiques en créant la Communauté des Etats indépendants (CEI) dont émane l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC ou CSTO).
On trouve aussi chez V.Poutine la volonté de surveiller « l’étranger proche », c’est-à-dire le contrôle des « marches de l’empire » (des Romanov ou l’URSS). On observe bien une réaction russe immédiate lorsque des pays de l’ex-URSS montrent des sentiments pro-Américains (cf la Géorgie en 2008) ou se rapprochent de l’OTAN (cf l’Ukraine en 2014).
V.Poutine est aujourd’hui partisan d’un retour aux frontières de l’OTAN de 1997, quand l’Organisation n’avait pas encore intégré les ex-pays de l’Est, libérés du joug communiste. Ce serait évidemment inacceptable pour les Etats-Unis et l’OTAN.
Le Kazakhstan fait partie de la zone d’influence russe et il est donc logique et cohérent que Vladimir Poutine ait frappé vite et fort avec l’envoi de parachutistes, parce que l’effervescence chez son voisin du sud pouvait devenir dangereuse concernant le contrôle des régimes autoritaires à la frontière sud. Par ailleurs, Moscou est engagé en Ukraine dans un bras de fer avec les américains et V.Poutine se doit de confirmer sa force et sa détermination.
Le Kazakhstan sera désormais plus redevable à Moscou pour le soutien militaire, ce qui se traduira probablement par des corrections dans les calculs de politique étrangère (et pourrait faire du Kazakhstan une nouvelle Biélorussie). Pour Poutine, le Kazakhstan représente un enjeu considérable. La Russie partage avec ce pays sa plus longue frontière (à peu près 7 500 kilomètres). Environ un cinquième de la population est russe et le pays abrite le cosmodrome de Baïkonour et le site d’essai de missiles antimissiles de Sary Chagan. Mais, c’est surtout la situation géographique du Kazakhstan, considéré comme zone-tampon par la Russie, qui est importante car ce pays est une pièce maîtresse dans la zone d’influence russe.
Quelle est la position de la Chine ?
Le Kazakhstan est, stratégiquement, un pays indispensable, dans le projet des « Nouvelles routes de la Soie ». Ce gigantesque projet, initié en 2013 à Astana, justement au Kazakhstan, regroupe 70 pays, 4,5 milliards d’habitants et 40% du PIB mondial. Le choix d’Astana (aujourd’hui Nursultan) par Xi Jinping pour inaugurer son projet pharaonique témoigne à lui seul de l’importance que le Kazakhstan revêt pour Pékin. Un des buts de ce projet est de renforcer l’influence chinoise en Eurasie. En outre, la Chine apprécie les régimes autoritaires qui ne s’embarrassent pas de contingences « droits de l’hommistes » pour faire du commerce. Aujourd’hui, près de 2 500 entreprises chinoises sont implantées au Kazakhstan, et la Chine détient 24 % des participations dans la production de pétrole et 13 % des participations dans la production de gaz.
La province chinoise du Xinjiang (Pékin « administre » la province, majoritairement peuplée de ouïgours et kazakhs musulmans) est limitrophe avec le Kazakhstan et la Chine pouvait craindre un impact en cas de développement des manifestations. Elle reste donc très attentive à l’évolution de la situation.
Quelle est la position de la Turquie ?
Le 31 mars 2021, le sommet informel des pays membres du « Conseil turcique », s’est réuni en visioconférence. Fondé en 2009 à l’initiative de l’Azerbaïdjan, cette organisation régionale compte parmi ses membres la Turquie (qui accueille l’état-major de l’organisation), le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan (en tant qu’invité, car ce pays est très attaché à son statut de neutralité) et la Hongrie (pays observateur).
La Turquie mise sur sa proximité historique et culturelle pour tenter de jouer un rôle plus important en Asie centrale, un an après son soutien total à l’Azerbaïdjan face aux troupes arméniennes dans la deuxième guerre du Haut-Karabakh (2020). Ankara a proposé aux talibans en Afghanistan de sécuriser l’aéroport de Kaboul après le retrait total de l’armée américaine il y a quelques mois. La Turquie adopte la politique panturquiste héritée de l’Empire ottoman pour renforcer son influence dans la zone centrasiatique ce qui peut, à terme, conduire à un conflit d’intérêt avec la Russie.
Quelle est la position des Etats-Unis ?
Le 6 janvier 2022, les Etats-Unis, par la voix de Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine, ont mis en garde Moscou et les troupes russes déployées au Kazakhstan, contre toute violation des droits humains ou velléité de « prise de contrôle » des institutions du pays. Price a également assuré que les Etats-Unis étaient « prêts » à apporter leur soutien en tant que « partenaire du peuple et du gouvernement du Kazakhstan ». Les Etats-Unis et l’OTAN sont moins directement impliqués par le Kazakhstan. Néanmoins, cet évènement est encore une façon pour la Russie de démontrer sa volonté de protéger sa zone d’influence.
Un aller-retour fort de symboles
Un premier avion transportant des militaires russes a quitté le Kazakhstan le 13 janvier, et Moscou prévoit d’achever le rapatriement de ses forces le 19 janvier.« Les forces de l’OTSC ont rétabli l’ordre et la loi, cela est très important », s’est félicité le président russe, Vladimir Poutine. La rapidité de la démonstration montre la volonté de la Russie de protéger son « étranger proche », militairement si nécessaire, d’envoyer un signal aux pays limitrophes, ainsi qu’aux Etats-Unis et à l’OTAN.
Alain BOGE
Alain Bogé est spécialisé en Géopolitique, Relations Internationales et Commerce International. Il a notamment enseigné à l’Université Lyon 3 (IAE), à la Delhi University-Inde (School of Economics), à l’IESEG School of Management Lille-Paris. Il donne actuellement des cours à la Czech University of Life Sciences-Dpt Economy-Prague, à la Burgundy School of Business (BSB)-Dijon et à la European Business School (EBS)-Paris.