Le coin des livres – « Anéantir » : Michel Houellebecq plus humain que jamais ?

Michel Houellebecq en 2015 © WKMC

Que penser du « dernier Houellebecq » ? On a pris l’habitude de guetter avec attention les sorties littéraires de cet auteur qui marche hors des sentiers battus. « anéantir » (écrit sans majuscule sur la couverture) est sans doute un livre un peu curieux. En l’ouvrant, on s’attend d’emblée à retrouver, au travers des personnages, le cynisme habituellement manié avec dextérité par l’écrivain ; une griffe qui plaît d’ailleurs à beaucoup de « fans » de l’auteur des « Particules élémentaires ». Ces derniers seront-ils déçus ? Le héros, Paul, et ceux qui gravitent autour de lui, sont cette fois-ci nimbés d’une certaine tendresse ; pourquoi pas même la qualifier de fragilité ?

Plusieurs intrigues s’entremêlent (celle des premières pages est d’ailleurs mise entre parenthèses pendant un bon bout de temps). Paul Raison, 47 ans, fonctionnaire à Bercy, en est l’élément central. D’abord, il y a sa relation distendue avec sa femme – ils vivent en « colocation » depuis une dizaine d’années, le réfrigérateur divisé en étages personnels en est le symbole décrit de façon savoureuse ; et puis il y a le travail de Paul, un rôle de « confident » du ministre des Finances Bruno Juge (on a dit que ce dernier avait été inspiré par Bruno Le Maire, ami de l’écrivain). On apprend dès les premiers chapitres que de mystérieux hackers menacent la planète par des attentats à répétition. En parallèle d’une campagne présidentielle – nous sommes en 2027, un futur pas si lointain qui permet un certain rapprochement avec notre paysage actuel… – l’AVC du père de Paul vient rebattre les cartes d’une vie familiale auparavant lointaine.

La psychologie houellebecquienne

Couples, réflexions sur les corps et les esprits… bien sûr, la psychologie houellebecquienne n’est jamais très loin. Les 700 pages de ce roman à l’aspect sérieux (un titre en petites lettres rouges sur une sobre couverture blanche) se lisent sans difficulté et sans longueurs (même si on peut trouver que le héros rêve un peu trop) et laissent au lecteur le temps d’emprunter ses propres chemins de traverse.

On apprécie particulièrement la façon géniale qu’a Houellebecq de passionner le lecteur pour les faits du quotidien, en y mêlant remarques politiques bien sûr, psychologie, allusions littéraires… Un portrait somme toute plutôt complet de « l’humain ». Dans « anéantir », Michel Houellebecq en écrivain analyste qu’il est, a dosé chez ses personnages le médiocre et l’excellent. En faisant cette fois-ci, davantage peser l’ange que la bête.

Jeanne RIVIERE

« anéantir », Michel Houellebecq, éditions Flammarion, 736 pages, janvier 2022, 26€.