Voile – Corinne Aubert : une Marseillaise dans les coulisses de l’arbitrage international

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Cela fait maintenant des années (disons, autour de 25 ans) que Corinne Aubert voyage aux quatre coins du monde. A 51 ans, la Marseillaise vit toujours la même passion. Etre arbitre internationale de voile est synonyme de pas mal de sacrifices – et le service est bénévole -, mais le jeu en vaut la chandelle. Elle revient sur un parcours qui l’amène à côtoyer les plus grands champions du monde, dans une discipline que Marseille se prépare à célébrer avec faste lors des prochains Jeux olympiques.

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Aussi loin qu’elle se souvienne, Corinne Aubert a toujours été sportive. Adolescente, elle intègre l’équipe de France de gymnastique. Mais comme souvent, en France particulièrement, une fois un certain niveau atteint, il faut choisir entre les études ou la poursuite du sport à un niveau élevé. « J’ai arrêté car je ne voulais pas faire une croix sur mes études », avoue notre interlocutrice. Parallèlement, elle a toujours été attirée par le monde de la mer, et a souvent eu l’occasion de faire des stages de voile dans son enfance. Elle reprend donc la voile et acquiert de plus en plus le « pied marin »… Elle connaît bien la plupart des clubs nautiques marseillais.

Se prendre au jeu

Lorsqu’elle commence à participer aux arbitrages, Corinne Aubert ne soupçonne pas combien elle va se prendre au jeu. « Au départ, on est arbitre de club, nous explique-t-elle. Puis on devient arbitre régional, on passe de petits examens et des évaluations avec d’autres arbitres. Si on veut aller plus loin, il y a un concours national, au niveau de la Fédération française de Voile. Le graal est symbolisé par le diplôme d’arbitre international. » Renouvelable tous les quatre ans, ce dernier nécessite d’attester d’un certain nombre d’arbitrages de régates internationales d’envergure.

des gens venus de tous horizons

Inscrite sur la liste des arbitres de haut niveau, Corinne Aubert résume très simplement cette aventure : « On m’a proposé à chaque fois d’aller un peu plus loin, et j’ai franchi les étapes. » Celle qui est dans son « vrai métier » chercheuse au CNRS en microbiologie (« Ce qui n’a rien à voir avec la voile », souligne-t-elle avec un sourire) sait bien ce qu’elle apprécie dans le bénévolat d’arbitre : la rencontre avec des gens venus de tous les horizons, de milieux très divers, rassemblés par la passion commune de la voile. L’aspect à la fois très convivial et très professionnel de la mission : « Quand on dirige une équipe d’une vingtaine de personnes, cela exige de sérieuses compétences. Mais on est aussi là pour créer une ambiance bienveillante et sympathique. »

La confiance des champions

La confiance, les arbitres doivent la gagner non seulement du côté de leur équipe, mais aussi de la part des champions. « La confiance des champions est absolument essentielle, précise la Marseillaise. Nous avons une grande responsabilité de justice, et pour eux, c’est souvent un peu de leur vie qui se joue. »

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Pour l’arbitre, le point clé est de se mettre à la place des coureurs… et de se faire oublier ! « Lorsqu’un coureur arrive à terre et parle de sa régate et non de ce qui s’est mal passé sur l’arbitrage, c’est bon signe, développe Corinne Aubert. C’est en faisant du bon travail que l’on est pris au sérieux. » Les discussions avec les entraîneurs et les championnes et champions, à la fin de chaque journée, permettent aussi aux arbitres de s’améliorer.

Des Marseillaises aux JO de Tokyo

Les JO de Tokyo ont évidemment été organisés dans des circonstances particulières, étant donné le spectre de la crise sanitaire. « J’ai été appelée au dernier moment, cela a été une vraie surprise, raconte Corinne Aubert. J’ai pu découvrir cette ambiance si particulière des Jeux : une expérience incroyable. » Sur place, les Japonais ne plaisantent pas : les contacts avec la population sont interdits ; les arbitres et les sportifs sont amenés et ramenés chez eux tous les jours dans des navettes spéciales.

Des appels d’offre sont lancés

Heureusement, sur l’eau, les échanges avec les autres arbitres permettent de vraies rencontres. Le quota d’arbitres français est de trois : « Vous comprenez pourquoi je parle de places en or… », souligne notre interlocutrice. Pour la régate elle-même, rien ne diffère. Clin d’œil amusant : une deuxième Marseillaise est présente aux JO de Tokyo, côté coureurs : Lili Sebesi.

Des JO de Tokyo… à ceux de 2024 ?

Comment recrute-t-on les arbitres de voile pour les prochains Jeux olympiques ? Concrètement, des appels d’offres sont lancés plusieurs années auparavant pour les bénévoles de Paris et de Marseille – il faut évidemment tout de même certaines compétences indispensables. Des équipes d’une dizaine de personnes sont ensuite constituées. « Le but est qu’elles arrivent au jour J avec des membres qui ont une totale confiance les uns envers les autres, et envers l’arbitre qui va diriger. Pour cela, il faut beaucoup d’entraînement en amont. »

une capacité d’adaptation permanente

Si rien n’est encore décidé pour le moment, Corinne Aubert espère bien être sur le terrain pour les JO 2024 de voile qui se dérouleront à Marseille. Pour elle, la ville a une chance extraordinaire ; ces épreuves mettront en lumière un sport inconnu de beaucoup de Marseillais car considéré comme trop peu accessible (ce qui n’est pas toujours le cas, de nombreux clubs encourageant les jeunes à se lancer, même s’ils n’ont pas de grands moyens financiers). La préparation de l’événement est aussi une façon de transmettre sa passion à des jeunes tentés par l’arbitrage.

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Les qualités qu’elle associe le plus à la voile ? « Une capacité d’adaptation quasi permanente… La dépendance aux conditions météo demande une grande finesse et une certaine intelligence. » Elle salue aussi la féminisation du monde des arbitres, qui était loin d’être une évidence il y a une quinzaine d’années encore. Son calendrier des prochains mois reste chargé : championnats de France, championnats d’Europe, championnat du monde des jeunes… Bretagne, Canada, Turquie… Corinne Aubert apporte un peu de mistral marseillais dans tous ces lieux exotiques. On la sent vibrer au rythme de la passion qui l’anime.

Jeanne RIVIERE