Portrait de championne – Lili Sebesi : Marseille et l’appel du large, jusqu’aux JO

Lili Sebesi © Robin Christol

Si les Marseillais adorent « leur bonne mer », un petit nombre d’entre eux cependant sont capables de la connaître assez intimement pour l’affronter même dans ses mauvais jours. Lili Sebesi a été, et reste de ceux-là. « En voile, on joue avec des éléments qui changent en permanence : le vent, l’état de la mer… Il faut savoir faire avancer rapidement son bateau, tout en gardant constamment les yeux au dehors, pour toujours avoir un coup d’avance. »

On imagine que celle qui nous parle ainsi n’est jamais aussi à son aise que lorsqu’elle est à bord d’un dériveur 49er FX. Il faut dire que la découverte, la passion et la détermination ont mené la Marseillaise jusqu’aux Jeux olympiques de Tokyo (2021). Un beau parcours que la jeune femme de 30 ans évoque en ne cachant ni les difficultés, ni les joies que ce monde de la voile lui a apportées.

la méditerranée dans le sang

L’appel du large, et la Méditerranée dans le sang

Née à Marseille, Lili Sebesi change rapidement de cadre de vie – dès ses trois ans -, à la suite d’une opportunité professionnelle offerte à son père : elle grandit donc en Guadeloupe, loin des voiles méditerranéennes. Mais ses racines sudistes ne se laisseront jamais oublier. Aurait-elle la Méditerranée dans le sang ? « J’avais un an quand j’ai tiré mes premiers bords, souligne-t-elle en souriant ; sur la Méditerranée. Ce sont mes parents qui m’ont transmis cette passion de la voile. »

European and African continental qualification regatta for the Tokyo 2021 Olympic Games.Lanzarote International Regatta 20 March, 2021 © Sailing Energy

Rien de la destinait pourtant à cela. La danse et la gymnastique occupent une place importante dans la vie de la gamine qu’elle est alors – au point de pratiquer cette dernière en compétition. A 10 ans, un accident de voiture l’empêche d’aller plus loin dans cette pratique. Qu’à cela ne tienne ! Elle mettra le cap sur la voile.

Les JO, « un rêve de gamine »

Lili commence le dériveur et la compétition en Guadeloupe, à 11 ans, un âge pas si précoce par rapport à d’autres enfants. Mais elle goûte à la voile avec ardeur, et acquiert des réflexes essentiels pour la suite. Avec elle grandit un rêve un peu fou, qui semble alors inaccessible : les « Jeux olympiques » : « Je regardais toutes les cérémonies des JO, se souvient notre interlocutrice, d’un ton un peu lointain; l’ouverture, la flamme, les épreuves… tout cela m’impressionnait. Oui, je sais que j’avais pris la décision d’y être un jour ! »

une année de sport-études

Pour le moment, la jeune lycéenne se dirige, en Terminale, vers une année de sport-études ; elle bénéficie donc d’horaires aménagés au sein d’une structure spéciale à Antibes.

Le retour à Marseille

Cette année-là et les suivantes (en prépa ingénieure) Lili Sebesi ne rechigne pas à faire la route depuis Antibes jusqu’à Marseille pour retourner dans sa ville natale et profiter du plan d’eau exceptionnel. Fin 2012, elle est recrutée par le pôle voile et continue l’entraînement à Marseille : « J’entre alors dans le plan des jeux olympiques ; c’est ce qu’on appelle, dans notre langage, « faire une olympiade » : une préparation olympique. » Beaucoup sont appelés à effectuer cette préparation, mais peu sont élus, puisqu’en voile, il n’y a qu’un seul représentant par pays. Elles sont alors quatre filles à s’entraîner ensemble. En juillet 2013, six équipages sont constitués.

© Robin Christol

« En voile, il est rare d’être sélectionné pour les JO après seulement quelques préparations olympiques ; il faut une véritable statégie, et une très fine connaissance de tous les aspects techniques. » Avant et après les JO de Rio (2016), Lili navigue avec plusieurs co-équipières (Violette Lemercier, Julie Bossard). En mars 2016, elle s’associe avec Albane Dubois. Les deux jeunes femmes iront ensemble jusqu’aux JO de Tokyo. « Être un équipage établit une relation spéciale, souligne Lili Sebesi. Entre les voyages, les entraînements, les exercices… On passe plus de temps avec notre co-équipière qu’avec nos proches ! »

l’accélération jusqu’aux JO est loin d’être simple

Le parcours des combattantes

Pour Lili et Albane, l’accélération jusqu’aux Jeux est loin d’être simple. L’équipage gagne une 4ème place au championnat du monde d’Australie. Un bon point pour elles. Malgré les épreuves, la Fédération traîne à sélectionner l’équipage officiel – la France est alors la première nation sur liste d’attente. Le covid reporte les jeux et rebat les cartes des sélections. Le flou est extrêmement difficile pour les jeunes femmes.

Hyères, France is hosting the third round of the 2018 World Cup Series. More than 830 sailors from 46 nations, sailing in one Para World Sailing event and the ten Olympic classes will race in the French town from 22-29 April 2018 © Jesus Renedo/Sailing Energy/World Sailing

Les fameux JO de Tokyo

Lili Sebesi et Albane Dubois apprennent que leur sélection aura lieu en avril 2021 – pour des Jeux en juillet 2021 ! – Un retard qui pèse sur le physique et le mental. Sans pauses, l’équipage doit cravacher pour s’entraîner. « On a été actrices de nos Jeux ; on finit 9èmes, mais on a tout donné malgré la fatigue », brosse Lili Sebesi.  A la fin des JO, la jeune femme se sent d’attaque pour les prochains JO de Paris. Mais d’autres projets lui feront changer d’avis – et l’olympisme ne permet pas un gagne-pain très confortable – Notre Marseillaise a déjà bien performé !

Un regard toujours tourné vers le large

« La mer reste mon élément : les JO ont animé ma vie pendant plus de neuf ans, mais ne pas repartir ne signifie pas abandonner la mer, conclut la jeune femme avec un sourire. Je serai très heureuse de suivre les JO de voile qui auront lieu à Marseille : une formidable opportunité pour la ville à mon avis ! J’espère que davantage de Marseillais découvriront ce sport. » Lili Sebesi continue de naviguer et de participer avec talent à des régates.

femme libre, toujours tu chériras la mer !

Et parce que, quand on demande à notre interlocutrice, en matière de conclusion, comment elle se sent quand elle navigue, et qu’elle nous répond simplement : « Libre », Baudelaire ne nous en voudra pas de transformer quelque peu son fameux vers. C’est avec l’assurance de ne pas nous tromper que nous murmurons à l’adresse de Lili Sebesi : « Femme libre, toujours tu chériras la mer ! »

Jeanne RIVIERE