La parole aux producteurs – « Il faut repenser la souveraineté alimentaire avec les agriculteurs »

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La crise ukrainienne bouleverse l’équilibre alimentaire de l’Union européenne, et les industriels comme les consommateurs commencent à s’inquiéter, à raison, de la situation. L’Ukraine, connue pour être le « grenier de l’Europe » n’est que l’un des symboles de la dépendance de certains Etats à d’autres, notamment en matière d’importation alimentaire. Pour Franck Mourgues, président du syndicat Coordination rurale des Bouches-du-Rhône et vice-président au niveau régional, il est temps de repenser le modèle agricole, avec les agriculteurs.

« On peut se passer de tout, sauf de manger », résume sobrement Franck Mourgues. Comme beaucoup d’agriculteurs de la région, ses productions sont diversifiées : blé, lavande, vignes bien sûr, pour le rosé. « Mais le rosé ne va pas nous sauver, précise-t-il. Si les prix augmentent, les gens achèteront moins. » Le gazole atteint des plafonds, et les mesures d’aide au carburant prises par le gouvernement à la mi-mars ne suffisent plus.

« Les politiques sont en train de se rendre compte qu’ils se sont mis à dos les agriculteurs, alors qu’ils sont essentiels pour le pays, souligne le président de la CR 13. Il faudrait qu’ils arrêtent de nous harceler et qu’ils parlent avec nous. » Pour le producteur, le malaise du monde agricole vient aussi des politiques écologistes exagérées : « Tout le monde ne peut pas être nourri au bio ; la recherche a fait d’énormes progrès pour ce qui est des produits phytosanitaires. Les politiques ne font que parler du bio mais savent très bien que ça ne suffit pas. »

« On est capable de produire en France »

La décision européenne de remettre les jachères en culture ne suffira pas. La France doit s’organiser au plus vite pour retrouver une souveraineté alimentaire. « Il faut repenser la souveraineté alimentaire avec les agriculteurs, martèle Franck Mourgues ; on est capable de la trouver ; on a un savoir-faire agricole, il faut nous faire confiance et nous payer au juste prix. »

« On n’est pas anti-Europe, mais il faut ouvrir les yeux : un commerce avec les pays de l’Union européenne et d’autres n’empêche pas la nécessité de produire sur le sol français », explique-t-il.

Pour le moment, les collectivités n’ont pas manifesté de volonté particulière à l’égard des agriculteurs. « Nous sommes en attente », conclut le président de la CR 13. Selon lui comme selon beaucoup de collègues, si la crise en Ukraine ne s’arrête pas rapidement, les difficultés alimentaires verront le jour à l’automne, au plus tard.

Raphaëlle PAOLI