Les années 2021 et 2022 auront été marquées par une successions de coups d’Etat en Afrique, en Afrique de l’Ouest notamment. Plus de trente après le discours de La Baule, le continent pourrait-il devenir le terrain d’affrontement des grandes puissances, ou est-il à un carrefour de son histoire pour s’affranchir de l’Occident ?
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Condamnés par l’ONU et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les coups d’Etats et tentatives de coups d’Etat se propagent en Afrique. Entre une instabilité régionale et un effet d’entraînement, ces renversements de pouvoir sont aussi révélateurs d’une Afrique mondialisée et stratégique, nouant de nouvelles alliances économiques et militaires.
Le retour des « bons coups d’Etat »
Zimbawé, Mali, Guinée Conakry, Burkina Faso, Tchad… Ces dernières années auront été marquées par une recrudescence de coups d’Etat en Afrique, sans compter les tentatives de coups d’Etat au Niger, en Ethiopie et plus récemment en Guinée Bissau. « Ce phénomène est lié à plusieurs éléments dont le contexte national », souligne Sonia Le Gouriellec, maître de conférences à l’Université catholique de Lille et autrice de « Djibouti : La Diplomatie de géant d’un petit Etat » (éditions Presse universitaire du Septentrion). « Dans ces pays, nous pouvons constater une impopularité du chef de l’Etat. Aux yeux de la population, les militaires peuvent mettre en place un gouvernement plus efficace. Ils deviennent un moindre mal. »
les coups d’etat sont aussi révélateurs d’une afrique mondialisée
Historiquement, le continent africain concentre le plus grand nombre de coups d’Etat. « On parle de coup d’Etat lors d’un changement de pouvoir constitutionnel par la violence. L’intervention des militaires dans la politique est vraie sur le continent africain. Entre 1960 et 2000, nous en avons presque quatre par ans de portées différentes. » Au sortir de la Guerre froide, le continent africain a connu une période de démocratisation et une ouverture au multipartisme.
Aujourd’hui, « nous observons un retour aux « bons coups d’Etat », c’est-à -dire un coup d’Etat accepté par la population. Ce concept était vrai dans les années 90, quand Amadou Toumani Touré met fin à une dictature au Mali par exemple. A l’époque, les coups d’Etat étaient acceptés par la communauté internationale. Désormais, la CEDEO affiche leur volonté de collaborer avec un pouvoir légitime, élu par le peuple, et condamne les prises de pouvoir qui ne sont pas institutionnelle. »
Une Afrique mondialisée
A l’impopularité du chef de l’Etat, au Mali et au Burkina par exemple, s’ajoute une grande instabilité régionale. « On peut dire aussi qu’il y a un certain effet d’entraînement », précise Sonia Le Gouriellec. « Il existe un autre élément, trop souvent oublié : quand une situation de conflit devient post-conflit, on ne doit pas organiser des élections trop tôt alors que le pouvoir n’est pas installé, qu’il n’y a ni Etat ni contrat social. » Dans le cas du Mali, Sonia Le Gouriellec affirme que « la CEDEAO a demandé trop tôt les élections ». A la suite des coups d’Etat, la CEDEAO exerce toujours des pressions économiques sur la Guinée Conakry, le Mali et le Burkina qui ont été suspendus de l’organisation.
le continent africain concentre le plus grand nombre de coups d’etat
Alors que la France a décidé de mettre fin à l’opération BARKHANE, sans pour autant quitter le Sahel, un nouveau jeu d’alliance est en train de se mettre en place. Le continent africain semble devenir un terrain d’affrontements entre la France et la Russie dans le cadre d’une guerre d’influence et informationnelle. « On ne peut pas nier les ambitions stratégiques de la Russie, des pays du Golfe ou encore de la Chine sur le continent africain. Mais, en même temps, l’Afrique est un continent mondialisé qui suit aussi ses propres intérêts. Elle n’est pas passive. » La Chine, par exemple, reste le premier partenaire économique de la Guinée Conakry tandis que la France accuse le Mali de s’en remettre à la société militaire privée russe WAGNER.
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La situation en Afrique reste très instable. Il est difficile de prédire comment et vers quoi ces coups d’Etat vont mener entre la violence des groupes armés, la prolifération des armées légères, les tensions inter-ethniques, les trafics de drogue et d’êtres humains…
Marie-Charlotte NOULENS
Marie-Charlotte Noulens est journaliste depuis cinq ans. Elle est passée par la presse locale en Normandie avant de travailler à Bangkok pour « Asie Reportages ». Elle a rejoint ensuite le magazine « Aider les autres à Vivre », pour lequel elle écrit sur des sujets de société, principalement dans des zones touchées par la guerre ou encore, autour de la précarité en Afrique, au Moyen Orient et en Asie du Sud-Est. Elle se déplace à l’étranger et livre dans les colonnes du Méridional ses analyses sur l’actualité internationale.