Regards sur le monde – Les échos de la guerre en Ukraine se font entendre jusqu’en Guinée

Les rues de Conakry en janvier 2021 © WKMC

Depuis 15 jours déjà, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, mène une vaste offensive sur le territoire ukrainien. Plus d’un million de personnes ont été forcées à l’exil vers les pays frontaliers, dont environ 800 Guinéens. Marie-Charlotte Noulens, en reportage à Conakry, livre dans les colonnes du Méridional un portrait d’ambiance des échos de la guerre russo-ukrainienne dans le pays guinéen.

Le monde entier a les yeux rivés sur l’Ukraine. Vladimir Poutine conduit un assaut sanglant sur le pays, une attaque relatée quasiment en direct par les médias occidentaux. Sur les écrans de télévision en Guinée Conakry, « France 24 », la chaîne de télévision française, diffuse sans interruption des nouvelles de l’Ukraine : dans les restaurants, dans les hôtels, dans la rue, dans les maisons… Depuis les coups d’œil distraits lancés par-dessus l’épaule jusqu’au profond regard soucieux, les Guinéens ont tous un avis sur ce conflit. « Je me suis disputé avec ma copine : elle me disait que ce n’était pas le problème de la Guinée. Mais je ne suis pas d’accord ! », lance un habitant de Kaloum, un quartier de Conakry; « La guerre est une très mauvaise chose. »

800 guinéens vivaient en Ukraine avant la guerre

D. est Guinéen, mais a vécu 22 ans entre la Russie et l’Ukraine. Il parle les deux langues couramment. « Ma femme Lena est ukrainienne. Elle ne veut pas quitter Kiev. C’est l’hiver là-bas. Il faut partir avec des vivres pour combien de jours ? Impossible de prévoir ! Certains de ses amis sont partis au début de l’offensive. Ils n’ont toujours pas atteint la frontière avec la Pologne ou la Roumanie. Les routes sont devenues trop dangereuses. » Debout devant son bureau, D. fait défiler des photographies de sa famille. Malgré sa bonne humeur de façade, il est inquiet. Lena vit au 17ème étage d’un immeuble. « Avec les voisins qui sont restés, elle vit au rez-de-chaussée. Ma femme ne souhaite pas descendre dans les sous-sols de l’immeuble de peur d’être ensevelie. » Le fils de D. aura eu plus de chance. Arrivé à Conakry depuis Kiev il y a un moins pour les vacances, il ne va pas rentrer en Ukraine. « On verra ce qu’on fera ensuite… », soupire D.

D. fait défiler Des photographies de sa famille

Ils seraient environ 800 Guinéens à vivre en Ukraine avant le début de la guerre. « Nous traversons actuellement une crise migratoire en Ukraine, où des milliers de personnes, parmi lesquelles des centaines de Guinéens, font face à des défis migratoires majeurs, même si la plupart de nos compatriotes sont déjà hors de danger dans des pays limitrophes comme la Pologne », a déclaré Morissanda Kouyaté, Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération Internationale, de l’Intégration Africaine et des Guinéens de l’Étranger.

La Guinée ne prend pas position

Morissanda Kouyaté a également annoncé le limogeage du Consul honoraire d’Ukraine en Guinée, Charles Amara Sossoadouno. Ce dernier est accusé d’avoir appelé sur les réseaux sociaux à prendre position sur le conflit en faveur de l’Ukraine, sans l’accord du gouvernement guinéen. « Une faute grave », selon le ministre Morissanda Kouyaté. En effet, la Guinée n’était pas présente lors de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies du mercredi 2 mars. Ce jour-là, l’ONU adopte, avec une écrasante majorité, une résolution qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ».

la guinée n’était pas présente lors de l’assemblée générale de l’onu

« Nous, nous ne pouvons pas répondre en tant que pays unique. Nous aussi nous appartenons à une communauté sous-régionale. D’abord la CEDEAO [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ndlr]; ensuite, nous appartenons à une communauté un peu plus large, l’Union Africaine », a souligné le Ministre des Affaires Etrangères sur la page Facebook du ministère. Un choix qui pourrait s’expliquer par les intérêts occidentaux et russes détenus dans le pays.

Marie-Charlotte NOULENS

© DR

Marie-Charlotte Noulens est journaliste depuis cinq ans. Elle est passée par la presse locale en Normandie avant de travailler à Bangkok pour « Asie Reportages ». Elle a rejoint ensuite le magazine « Aider les autres à Vivre », pour lequel elle écrit sur des sujets de société, principalement dans des zones touchées par la guerre ou encore, autour de la précarité en Afrique, au Moyen Orient et en Asie du Sud-Est. Elle se déplace à l’étranger et livre dans les colonnes du Méridional ses analyses sur l’actualité internationale.