Panorama des ambitions russes en Méditerranée (1/3)

Mer Noire © WKMC

Alain Bogé est spécialisé en Géopolitique, Relations Internationales et Commerce International. Il a notamment donné des cours à l’université de Lyon 3, à Lille et en Inde. Il enseigne actuellement à l’université de Prague et à l’European Business School de Paris.

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L’attirance de la Russie pour les « mers chaudes » n’est pas nouvelle. Si l’on jette un œil sur la doctrine maritime russe, on remarque que le tsar Pierre Ier « le Grand » (1672-1725), dès la fin du 17ème siècle, y fait référence. A cette époque, les accès russes aux mers et océans sont restreints. Au nord, la Baltique est contrôlée par la Suède et au sud, la mer Noire est la chasse gardée des Turcs. De surcroît, les frontières maritimes du nord (océan Arctique) sont prises par les glaces durant une bonne partie de l’année et il faudra attendre le début du XXème siècle pour voir une amélioration de la circulation dans cet océan avec l’apparition du brise-glace.

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Mais c’est l’impératrice Catherine II (1729-1796) qui va vraiment instaurer une stratégie expansionniste en direction des mers chaudes en annexant le khanat (royaume) de Crimée, et qui obtient le droit de circuler sur la mer Noire. En 1783, la base navale de Sébastopol est créée et le projet de l’impératrice est d’ouvrir un accès libre à la Méditerranée.

Aujourd’hui, à partir de la mer Noire, véritable corridor vers les mers chaudes, Vladimir Poutine affiche sa volonté de se positionner dans l’espace méditerranéen.

La mer Noire, verrou stratégique et couloir d’entrée de la Méditerranée

La mer Noire fait partie de ce que Fernand Braudel et Yves Lacoste ont appelé « la plus grande Méditerranée », qui ouvre sur le Sud eurasien (l’espace Russie méridionale-isthme caucasien-bassin de la Caspienne) et permet à la Russie de se projeter en Méditerranée. L’annexion de la Crimée, le 18 mars 2014, a modifié la situation géopolitique et l’équilibre des forces. La Russie dispose ainsi de 1 000 kilomètres supplémentaires de littoral sur la mer Noire, sans compter les rives de la mer d’Azov, transformée en « lac russe ».

La base russe de Sébastopol, en Crimée, permet de projeter les opérations en Méditerranée orientale et centrale et, par extension, jusqu’à l’océan Atlantique via le détroit de Gibraltar.

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C’est le seul accès russe pour la Méditerranée via les détroits du Bosphore et des Dardanelles (situés en territoire turc). En 2014 après un référendum « arrangé » et dans l’indifférence générale, les troupes russes ont annexé la Crimée, qui appartenait auparavant à l’Ukraine. Le quartier général de la Flotte de la mer Noire se situe à Sébastopol qui se trouve, de fait, être un verrou stratégique qui inquiète l’OTAN.

En effet, cette base militaire se trouve proche de pays comme la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie et la Grèce qui font partie de l’OTAN. La Géorgie a également une façade maritime avec la mer Noire et fait partie de « l’étranger proche » de la Russie, avec un gouvernement actuel proche de l’OTAN. La base russe de Sébastopol permet de projeter les opérations en Méditerranée orientale et centrale et, par extension, jusqu’à l’océan Atlantique via le détroit de Gibraltar.

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Par ailleurs, cette base fait partie du dispositif russe tendant aujourd’hui à encercler l’Ukraine, avec la mobilisation de la Flotte de la mer Noire et de 6 000 hommes des forces militaires.

Ce « bastion stratégique » russe édifié en Mer Noire doit être considéré comme partie intégrante de la stratégie russe en Méditerranée, et renforcer la présence militaire et diplomatique de la Russie au Moyen-Orient.