« A vrai dire », la chronique éco de Pierre Dussol (14) : Redistribution, ou la solidarité dévoyée

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Pierre Dussol est professeur d’économie honoraire à Aix-Marseille-Université. Il a compris depuis belle lurette les méfaits de la torsion des mots sur la désorientation et le vide des esprits. En véritable « redresseur de tors », il a décidé de reprendre les définitions de base qui permettent de mieux décrypter les habillages et autres artifices du politiquement correct. Il livre son point de vue savoureux dans les colonnes du Méridional.

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REDISTRIBUTION, ou la solidarité dévoyée

Justice sociale et égalité sont des idoles intouchables du politiquement correct et ce bien avant que l’expression existe. Certes, personne ne se déclarera pour l’injustice sociale mais c’est un peu facile : ce sont des mots-valises. On peut y mettre tout et n’importe quoi. La redistribution des revenus et des patrimoines fait partie de ces concepts diaboliques qui détruisent l’incitation à produire des richesses économiques qui finalement profiteraient à tout le monde.

Dans « Le Manifeste communiste », la seconde proposition était la « progressivité élevée » des impôts qui suivait « l’expropriation de la propriété foncière ». La proposition 8 était « l’obligation du travail égale pour tous … »

Marx se serait bien relu, il aurait vu la contradiction : comment motiver les hommes à travailler si on les spolie des fruits de leur travail ? Il est vrai que l’humain ne fait pas partie des concepts marxistes.

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Pour les naïfs de bonne volonté, la redistribution des revenus, voire des fortunes et des héritages, est un moyen de « rétablir un peu de justice… » au profit des malheureux. Les inégalités peuvent choquer, mais cela ne veut pas dire que le remède, s’il en faut un, soit la redistribution par la contrainte politique. Si certains gagnent davantage ou sont plus riches que d’autres, quelle en est la raison ? Si ces richesses proviennent d’activités illégales, il n’y a qu’à appliquer la loi et poursuivre les contrevenants. Si les activités en question sont légales, il n’y a aucune raison de spolier les bénéficiaires.

« Aucune raison », certes si l’on est dans une société responsable. En revanche, à la lumière (si l’on ose se référer à la lumière ici) des idéologies de haine, de jalousie, d’envie, comme on voudra, mais à coup sûr socialistes, tout est possible.

La solidarité est déjà praticable sur la base du volontariat, par exemple à l’intérieur de la famille, ou par le mécénat. Elle peut aussi être organisée économiquement pour ceux qui souffrent d’accidents de la vie. C’est le rôle des assurances, maladie, accidents, du travail ou autres, du chômage. L’assurance est en soi un système de solidarité responsable car fondé sur la prévoyance personnelle : tout le monde paie et les sinistrés sont indemnisés par les cotisations de tout le monde. Les ouvriers du Moyen Age avaient déjà créé des caisses de solidarité pour cela. Mais l’assurance n’a pas à se permettre des politiques de redistribution inspirées par des idéologies « partageuses » même si le mot partage a une tonalité sympathique. Cela dépend des méthodes.

La belle idée de solidarité a été dévoyée par ses excès. La formule du candidat Clinton il y a bien longtemps, résume les limites : « L’assistance doit être une seconde chance, pas un mode de vie. » Tout est dit. Il est vrai qu’« assister », c’est acheter des voix aux élections.  Malheureusement, la rage de l’égalisation par le bas est tellement partagée par la masse des envieux que les réformes risquent d’attendre longtemps.

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Pourtant, pour faire émerger et prospérer les talents et réduire ainsi les inégalités par le haut, rien de mieux qu’un système d’enseignement qui fonctionne bien. Là aussi, si l’Etat veut effectuer un travail de fond, c’est l’endroit et le moment. Curieusement, il n’en est pas question : il est bien plus facile d’imaginer des impôts et cela révèle le très bas niveau de la réflexion des hommes de l’Etat fort loin d’être des hommes d’Etat. C’est bien le drame !

La solidarité a été détournée et la fiscalité aussi, dont le rôle est de financer de façon neutre les charges communes. Nous y reviendrons.

Pierre DUSSOL