Le conseil municipal d’hier à Marseille, vendredi 1er octobre, a donné l’impression d’un enregistrement en play-back. On voit Benoît Payan parler, on voit Samia Ghali parler, mais on se demande s’ils ne sont pas des marionnettes agitées en coulisses par un puissant mentor.
Emmanuel Macron par exemple. La technique du playback consiste à bouger les lèvres en faisant croire que vous chantez en direct. Voilà. Le maire bouge les lèvres, la diva des quartiers nord bouge les lèvres et personne ne peut se résoudre à les entendre. Depuis qu’on a compris que M. Jean Castex était chargé de suivre à la loupe les finances de la ville de Marseille, les élus du Printemps marseillais sont aux abris. Ils savent que Castex est désormais leur patron à tous.
Le maire Benoît Payan est devenu un hyper-légaliste qui applique la loi municipale avec une rigueur de néophyte. Il se sait observé. Il se sait espionné par l’Elysée. Alors il respecte la loi municipale à la lettre pour ne pas être pris en défaut. Le sectarisme socialiste a pris le pas sur le pragmatisme gaudiniste. Les élus progressistes et écologistes sont aux manettes depuis quinze mois et ils n’ont toujours rien fait. Ils évoquent des « chartes », des « intentions », des « politiques sociales », mais les citoyens ne voient toujours rien venir. Comme sœur Anne, ils attendent…
On sent bien qu’on ne joue pas au stade Vélodrome mais sur le terrain annexe du stade Delort. C’est un simple échauffement. Le vrai conseil aura lieu à l’Elysée. C’est Emmanuel Macron et son porte-voix Jean Castex qui décideront de l’avenir de Marseille. La conseillère Sandrine D’Angio l’a fort bien résumé en préambule : « Les décisions finales ne vous appartiennent plus ».
On a donc affaire à un ballet de ventriloques qui font semblant d’être aux manettes et se gardent de prendre la moindre initiative. C’est rigolo. Marie Batoux, élue du Printemps, affirme que « savoir lire c’est la clef de tout ». Formidable. Lionel Royer-Perreaut, maire du 9/10 (LR) s’épuise à expliquer avec des prudences de Sioux que la visite présidentielle doit être une « opportunité » qui « doit nous conduire à une forme républicaine responsable collectivement du devenir de cette ville ».
Le vrai pilote, c’est M. Macron
M. Royer-Perreaut essaie de ne pas critiquer trop ouvertement la majorité municipale mais il décoche quelques flèches au passage : le président s’est axé sur les quartiers nord mais il a totalement ignoré les difficultés des citoyens du sud, de l’est et du centre de Marseille. « Comment pouvez-vous accepter, vous l’héritier putatif de Gaston Defferre, que M. Macron pilote lui-même depuis Paris la politique de l’Etat en faveur de Marseille ? Comment pouvez-vous vous laisser déposséder d’une compétence essentielle de la municipalité ? En réalité, vous n’êtes que les figurants d’une histoire écrite par le président à des fins électorales… »
On ne saurait mieux dire. Emmanuel Macron a sacralisé à Marseille une forme de re-concentration des pouvoirs qui ferait bondir Defferre. Forcément, Benoît Payan est bien obligé d’acquiescer, même s’il paraît très doué pour jouer les ventriloques de l’Elysée. L’argent, oui. Les contreparties, non. « Le président est en train de faire du jacobinisme le viatique de sa politique, ose-t-il, beaucoup de choses m’opposent au président, nul ne m’obligera à inciter les directeurs d’écoles à recruter des profs dans le privé. Moi quand j’occupe un poste, je l’occupe… »
Le petit marquis se fait matamore. Stéphane Ravier en profite pour ironiser d’un ton sarcastique : « Pourquoi M. Macron est-il venu vous administrer une fessée républicaine et vous faire la leçon alors qu’il n’a jamais été un élu local ? » En vérité, l’Etat ne fait plus confiance à la classe politique marseillaise qui a considéré la ville comme un gâteau à se partager…
Certes, c’est un candidat en campagne qui est venu à Marseille. Mais il a aussi mis l’accent sur quelques vérités, comme l’omnipotence de certains syndicats et les « chicayas locales » qui paralysent l’action publique. M. Ravier appelle l’attention de ses collègues sur la résidence étudiante Le Campus au Merlan devenue « un repaire d’islamistes et de trafiquants ». M. Payan a promis de faire suivre l’information aux services concernés…
Enfin un éclair au cœur de cette matinée tristounette où chacun joue une partition qui ne lui appartient pas : Martine Vassal annonce un accord avec le syndicat FO et la fin de la grève des éboueurs. Soulagement général sans le moindre applaudissement. Faudrait pas exagérer tout de même. Et puis tout à coup, après une série de rapports anodins adoptés à l’unanimité ou presque, voici une question très pertinente posée par Catherine Pila, présidente du groupe LR : « Que comptez-vous faire du parc Chanot ? »
Silence dans l’hémicycle. Mme Pila s’inquiète à juste titre de l’avenir de ce vaste espace dédié aux congrès, aux expositions, aux foires qui sont « une manne économique dont Marseille ne saurait se passer ». La société qui gère la foire de Marseille est pourtant présidée par Loïc Fauchon qui fut le directeur de cabinet de Gaston Defferre, ex-président de la société des Eaux de Marseille, ex-président du conseil mondial de l’eau, ex-maire socialiste de Trets entre 1989 et 1997 qui s’est converti opportunément au gaudinisme sur le tard. Comment une majorité socialiste peut-elle se permettre de virer comme un malpropre un de ses plus emblématiques représentants à Marseille ?
Mme Ghali, dans un sabir approximatif, essaie d’expliquer « qu’on ne peut plus proposer que des kermesses dans un site et des bâtiments qui nous coûtent 700 000 euros par an ». Fin de la kermesse pour Fauchon. S’ensuivent quelques escarmouches sur la politique « pro-migrants » de la nouvelle majorité et la gêne causée par les habitants de Font-Vert face à la venue d’un camp de Roms de 200 individus relogés à la lisière de leur cité….
La « xénophilie » s’apparente parfois à une « francophobie » lorsque les idéologues s’en mêlent avec leurs délires immigrationnistes et leur obsession diversitaire. Soudain, nouvel éclair, venu de la Gauche celui-là. Une femme très élégante prend la parole dans un français impeccable. Elle s’appelle Mathilde Chaboche, adjointe en charge de l’urbanisme et du développement harmonieux de la ville, et son intervention consacrée aux « opérations immobilières qui poussent comme des champignons juxtaposés » est remarquable. Son discours contre la bétonisation de Marseille restera dans les annales. Vérification faite, elle appartient bien au Printemps marseillais …
Bien sûr, sa politique idéaliste n’a guère de chance d’aboutir et Lionel Royer-Perreaut le lui a bien fait comprendre. Mais c’est un plaisir parfois de constater qu’une étoile peut briller dans la nuit au milieu d’un océan de nullités progressistes.
José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional