Escalade. Profession : ouvreur

Crédit photo : Rudy Bourianne

Avec une nouvelle présence au Jeux Olympiques cet été à Paris, le boom de l’escalade n’est pas prêt de faiblir. Au cœur de la discipline, les ouvreurs vont une nouvelle fois être attendus sur les blocs et les voies qu’ils vont proposer. Le Méridional est allé à la rencontre de Kenza Slamti et Aimé Bourron, ouvreurs marseillais, pour nous expliquer en quoi consistait leur profession.

Nous retrouvons Kenza perchée sur son échelle en train de visser une énième prise dans la salle de bloc Arkose Prado située boulevard Michelet juste derrière le stade Vélodrome. Autour d’elle, les grimpeurs s’essayent avec plus ou moins de réussite aux blocs ouverts les jours précédents. Aimé sur les tapis lui donne des conseils. Il est de passage à Marseille avant de retourner à Paris où il a fait sa formation pour le groupe Arkose ouvert il y a 10 ans maintenant du côté de la capitale. Depuis quelques mois, il est employé à la salle de Nation où il vient d’ouvrir son premier « contest » en tant que chef ouvreur. Alors que le printemps s’installe à petit pas sur la cité phocéenne, c’est autour d’une des tables colorées de la terrasse de la salle qui lie lieu de vie et de sport que nous nous installons pour échanger.

L’escalade est un sport en plein boom, et dans cet emballement, le métier d’ouvreur est en plein développement. Les ouvreurs sont ces personnes chargées de créer les parcours d’escalade que ce soit en bloc ou en voie en plaçant les prises sur le mur. C’est un métier créatif qui nécessite de concevoir des mouvements pour les grimpeurs.

Kenza sur son échelle à Arkose Prado. Crédit Photo : Rudy Bourianne

Kenza Slamti, 28 ans, est ouvreuse professionnelle. Elle a commencé à faire des ouvertures dès l’âge de 10 ans dans sa salle d’escalade. Originaire de Marseille, elle a poursuivi sa passion en ouvrant des voies pour des compétitions régionales et nationales. Indépendante, elle travaille pour la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade (FFME) et les salles dîtes « commerciales » et vient d’être sélectionnée par la Fédération Internationale de l’Escalade Sportive (IFSC) pour ouvrir au niveau européen et en juin pour les OQS (séries de qualification olympique) en juin à Budapest.

« Pour moi, le métier d’ouvreur est un mélange de créativité et de technique. Il faut connaître les mouvements de l’escalade et avoir un répertoire gestuel important, mais il faut aussi savoir travailler en sécurité », précise Kenza sur l’essence de sa profession.

Lui aussi originaire de Marseille, Aimé Bourron est ouvreur professionnel pour la salle d’escalade Arkose Nation à Paris. Il a été formé à la Boîte à Grimpe du côté de Sainte-Anne où il a pu acquérir l’expérience pour entrer dans la formation professionnelle proposée par Arkose.

« Le métier d’ouvreur a beaucoup évolué ces dernières années », explique Aimé. « Auparavant, les gens ouvraient des blocs et des voies pour le plaisir ou en échange d’un abonnement gratuit à une salle d’escalade. Mais aujourd’hui, il y a une demande croissante pour des blocs de qualité et des mouvements plus poussés. Les salles d’escalade commerciales ont donc besoin de plus en plus d’ouvreurs professionnels pour répondre à ces attentes. »

« le métier d’ouvreur est un mélange de créativité et de technique »

Kenza et Aimé font partie de la première génération d’ouvreurs à être rémunérés pour leur travail. Il existe aujourd’hui des formations en alternance proposées par des groupes comme Arkose ou Climb Up qui permettent de se former sur le terrain en 6 mois à peu près.

« C’est une formation très pratique, qui permet de répondre aux attentes de l’ouverture commerciale des salles qui les proposent », raconte Aimé sur son expérience. « Mais il est important de continuer à se former et à expérimenter pour progresser dans sa pratique. »

Aimé Bourron en train d’ouvrir à Paris avec les couleurs de l’OM.

La compétition, une autre dimension

« En compétition, on a une approche différente des salles commerciales. En salle, on va faire en sorte qu’à la fin les gens réussissent le bloc ou la voie, alors qu’en compétition on va faire en sorte qu’il n’y en ait qu’un qui arrive au sommet et donc que les autres soient tombés», explique Kenza. Il est donc important de savoir créer des parcours sélectifs pour les compétitions. Et aussi, avoir un certain code moral. Car les ouvreurs peuvent très rapidement, en connaissant la gestuelle d’un grimpeur, ses points forts et ses faiblesses, monter une voie adaptée à son style pour le faire gagner. C’est là notamment que sur les compétitions internationales, la diversité de nationalités représentées est essentielle. Clairement, les ouvreurs peuvent avoir un impact tout autant que l’état de forme d’un grimpeurs ou le scénario qui est train de se jouer.

Les prises d’escalade chez Arkose Prado/ Crédit photo : Rudy Bourianne

« Ce que j’aime bien dire, c’est qu’on fait 50 % du travail. On va proposer quelque chose, la voie va marcher, c’est 50 % et après les 50 autres pourcents, c’est le grimpeur qui escalade. Soit c’est 50% et c’est au top avec un qui réussit le bloc ou la voie, soit cava un peu moins bien marcher, avec par exemple un mouvement où tous vont tomber par exemple ou un départ trop difficile. On peut faire des erreurs et là, c’est de notre faute. Mais ça reste subjectif et par moment, c’est les grimpeurs qui ne sont pas en forme ou le scénario de la compétition qui fait qu’ils vont se laisser chuter par exemple car qualifiés en atteignant simplement le mouvement où tous le monde tombe, » nous livre Kenza sur les particularités de l’ouverture en compétition.

Les Jeux olympiques de Tokyo en 2021 ont été l’occasion pour l’escalade de faire ses débuts en tant que sport olympique. Les ouvreurs ont joué un rôle clé dans la préparation de cette compétition et ont mis à l’épreuve les meilleurs grimpeurs du monde. Cet été à Paris, ils seront une nouvelle fois attendus sur les blocs et voies proposées au regard du monde entier.

Cependant, le métier d’ouvreur est encore en construction et il y a des incertitudes quant à son avenir. Les formations ne sont pas encore complètement au point et il y a des questions à régler au niveau légal. De plus, il s’agit d’une carrière courte, dont il est difficile de continuer à ouvrir des blocs et des voies à un âge avancé. Sur ces questions-là, la nouvelle génération est en pleine défriche tant d’un point de vue rémunération que pour leur fin de carrière avec laquelle il faudra composer assez tôt dans leur vie.

Rudy Bourianne

Rudy Bourianne est journaliste sportif. Passionné par le club phocéen et le sport en général, il suit notamment l’actualité de l’OM, de la Voile et de l’équipe élite water-polo du Cercle des Nageurs de Marseille pour Le Méridional.