Ils avaient tous à cœur de masquer leur déception. Ce fut une soirée très « chichi-pompon ». Allez, un petit effort sémantique, on va tous « ripoliner » la façade de cette pauvre France.
Non, Macron n’a pas gagné puisque nous n’avons pas vraiment perdu. Après tout, c’est le « moins pire » des deux qui a été élu selon les islamo-gauchistes… Pendant que résonnaient les notes de l’ « Hymne à la joie » au pied de la tour Eiffel, les opposants au président (mais pas trop opposés tout de même) déclamaient poliment leurs minauderies pour chasser une naturelle frustration. Surtout ne pas montrer sa désillusion, son désappointement, son dépit, son désenchantement, sa mine désastreuse ou désabusée. La joie d’abord. Pour enfumer l’enfumeur.
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Mais ceux qui auraient dû exulter, les partisans d’Emmanuel Macron, semblaient eux aussi faire des manières. Les ministres, même les plus vulgaires en temps ordinaire, dégoulinaient d’une affèterie de circonstance, une sorte d’affectation surjouée de l’humilité souriante et du triomphe modeste. Les opposants au président, largement majoritaires, étaient pour leur part dans un autre type de théâtralité, une sorte de discours snob et bling-bling pour dissimuler leur énorme ressentiment.
ceux qui auraient dû exulter semblaient eux aussi faire des manières
En réalité, les Marcheurs et leurs opposants de droite et de gauche ont affiché un sublime baratin de circonstance qui ne trompe plus personne. Ce fut donc une non-soirée électorale peuplée d’acteurs fatigués de jouer leur propre rôle et de journalistes lassés de tendre leur micro comme une sébile destinée à mendier au prince leur ralliement spectaculaire. D’où la propension de ces valets de plumes à présenter la réélection de M. Macron comme un exploit sensationnel. Un exploit ? Vraiment ? Le seul exploit, de taille celui-là, c’est la défaite absolue de la pluralité de la presse. Le prince charmant a réussi, grâce à vous, journalistes de cour et de basse-cour, à chasser l’horrible nazillonne. La femme à chat adorable du premier tour est redevenue d’un seul coup dans vos commentaires endiablés un abominable croquemitaine…
Les bénéficiaires de la manne présidentielle, les « journalistes boursiers », désormais majoritaires eux aussi, devraient pourtant se souvenir du seul chiffre qui compte dans cette élection présidentielle : celui du score du président sortant au premier tour car c’est bel et bien un vote d’adhésion à sa personne ou à sa politique, ou bien aux deux. Bref, Emmanuel Macron a obtenu 9 785 578 voix au premier tour sur 47 311 876 électeurs inscrits, soit 20 pour cent des suffrages. Sa principale concurrente n’a pas fait mieux et a réuni sur son nom 16 % des électeurs inscrits et Mélenchon 15 % des inscrits.
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Les scores du second tour sont des chiffres peu significatifs car le président sortant a largement bénéficié de l’appui des « barragistes » dont la plupart viennent des Républicains, des socialistes, des Verts et des islamo-gauchistes à la solde de Mélenchon qui ne se sont pas abstenus. Marine Le Pen, elle, a bénéficié d’une large majorité des voix zemmouristes (7% au premier tour), des voix de Nicolas Dupont-Aignan (2 %) et de quelques anti-macronistes primaires.
le président sortant a largement bénéficié de l’appui des « barragistes »
Le nombre de suffrages raflés par M. Macron au second tour (18,6 millions de voix) est sensiblement équivalent à celui des 17 millions d’abstentions, et de votes blancs et nuls. Cette dualité de chiffres signifie très simplement que près de trente millions d’électeurs n’ont pas voté pour le président sortant. Et la presse macroniste ose appeler ça un triomphe ?
Vous comprenez sans doute mieux pourquoi la « fiesta » organisée au Champ de Mars a été un bide. Une ode à la joie sans joie. Même la chanteuse d’opéra a fait un flop retentissant en entonnant « la Marseillaise » après le public… Cette impression de fête gâchée est liée à la prise de conscience soudaine des partisans du chef de l’Etat. Ils ont compris l’essentiel sans oser vraiment se l’avouer : la victoire de leur champion était une victoire en trompe-l’œil. Des applaudissements polis. Un discours ébouriffant de banalités d’un Manu presque étonné de l’aisance de sa réélection. Une sorte d’ode à la noix. Une fausse bonhomie des édiles en exercice. Et puis ce passage en forme de scoop : un journaliste de télévision se pavane en annonçant une nouvelle fracassante. « Le président et Mme Le Pen se sont entretenus au téléphone à vingt heures ! » Ouais… Super ! Que se sont-ils dit ? Il n’en sait rien le hâbleur. Nous non plus. Mais ce devait être un dialogue « républicain » dans ce style :
« Allo, Emmanuel ? C’est Marine. Je t’appelle pour te féliciter de ta réélection. Je ne m’y attendais pas du tout. Tu fais un joli score…
– Merci Marine, toi aussi tu t’en sors pas mal avec tes 41 pour cent de voix. J’espère maintenant que tu ne vas pas m’emmerder en concluant une alliance électorale avec Zemmour et Dupont-Aignan… »
– Pas de souci Emmanuel. Mais tu sais, ça peut dépendre aussi de ta bonne volonté dans certaines circonscriptions… Tu voix ce que je veux dire Manu ?
– Oui, Marine, je vois très bien ce que tu veux dire et je saurai me montrer magnanime avec toi. D’autant plus que je vais mettre le feu dans le camp des Républicains. Je n’oublierai pas que tu m’as totalement épargné durant le débat en évitant de m’accabler sur Mac Kinsey, Alsthom, l’immigration, l’insécurité, les Gilets Jaunes et tout le toutim… »
– Bon, je te laisse, il faut que j’aille raconter quelques boniments aux militants qui m’attendent. A bientôt j’espère… »
Toute ressemblance avec un dialogue qui aurait pu avoir lieu serait évidemment purement fortuite.
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En vérité, la fonction de président a été totalement désacralisée. Le prestige, l’autorité, le patriotisme, y font désormais figure de vieilleries surannées. Ne sifflez pas. Place au grand bal des faux-culs. « C’est en frappant au cœur que vient la vérité », a déliré un Macron un peu halluciné. A la télé, les figurants rament à contresens. Il est trop tard. La démocratie du « tous contre tous » a gagné la partie. « Nous avons évité le pire du pire, il nous reste le pire », déchantait une insoumise à la télé. Certes. Mais les conséquences risquent d’être sanglantes dans la rue…
José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional