L’édito de José D’Arrigo – Macron/Le Pen : match nul, bal au centre

Capture d'écran BFM TV / 20 avril 2022

Oui, le bal est ouvert au centre. Centre gauche, centre droit, centre mou, extrême centre. M. Macron n’a pas le triomphe modeste. C’est plus fort que lui. Il a torpillé la droite et une bonne partie de la gauche et devient l’artisan d’une nouvelle fabrique trans partisane où les anciens socialistes fraternisent avec les anciens sarkozystes pendant que les centristes font la danse du ventre avec les écologistes pour esbaudir le parc à sable du grand président. Dramatique. Parce que tout est faux. Tout sonne faux. Le bal des hypocrisies et des impostures est ouvert. Réjouissez-vous braves gens : il durera cinq ans.

Le fameux débat a donné lieu à un affrontement sans grand relief. Match nul, bal au centre. Il est vrai qu’on avait soigneusement remisé à vingt-trois heures quinze les sujets polémiques qui intéressent une grande partie des Français : l’immigration, l’insécurité, l’identité, l’instruction publique, le terrorisme, l’islamisme. Ces thèmes qui, franchement, n’intéressent pas M. Macron, ont été abordés de façon lapidaire. Elliptique. Oui, bon d’accord, ça suffit taisez-vous. Surtout pas d’amalgame. Surtout pas de vagues. Surtout, n’allez pas susciter une guerre civile Madame…

un affrontement

sans grand relief

C’est l’enseignement essentiel de ce débat de près de trois heures qui n’aura, sachez-le, qu’une influence résiduelle sur le vote des Français dimanche. Lui était avachi sur son fauteuil, les bras croisés, le ton méprisant du professeur face à l’élève Le Pen. Elle était disciplinée, sage, tout en contrôle, sans agressivité, sans doute tétanisée par la peur de sortir une énormité qu’on lui resservirait sans relâche dans les médias pendant des années. Injustice majeure si l’on veut bien admettre que seule la première partie du débat de 2017 avait été catastrophique, la suite et la fin vers minuit, avaient été de bien meilleure facture. Mais qui a suivi ce débat dit et ressassé comme « raté » jusqu’au bout du bout ?

Des médias partisans, partiaux, malhonnêtes : il suffisait de voir comment Léa Salamé jetait sur son favori des œillades énamourées et comment Gilles Boulot opinait du chef pour approuver de loin les arguments déployés par le chef de l’Etat. Et puis leur choix du pouvoir d’achat pour commencer l’émission était évidemment destiné à faire briller le meilleur économiste sur le plateau, c’est à dire M. Macron.

D’où l’impression d’un scénario convenu. D’une pièce en deux actes dont on connaît déjà la fin. On dramatise en sonnant du cor sur « le grand débat de l’entre-deux tours », sur le « moment le plus attendu de la vie démocratique du pays ». On palabre de longues minutes sur « Google » alors que la plupart des Français s’en moquent. On se gargarise d’une fausse déontologie : « Nous sommes là pour faire respecter l’impartialité des échanges », plastronnent le duo d’arbitres du duel. Tu parles Charles. Amusant. Les socialistes adorent cette théâtralisation des marionnettes de la politique pour mieux masquer leurs magouilles en coulisses. Et leur parti pris sous-jacent.

l’impression d’un scénario convenu

Oui, match nul, bal au centre. Les danseurs vont probablement se mouvoir dans une partition inédite. Cette élection marquera à mon avis la fin de l’ère Le Pen : nouvel échec à la présidentielle, échec probable aux législatives. On risque d’assister à un putsch du jeune RN Jordan Bardella, poussé à la roue par Eric Zemmour et Marion Maréchal. Une nouvelle ère s’ouvrira pour le camp national sans la moindre garantie de succès car Edouard Philippe sera le candidat du système, le sosie de Macron, en moins méprisant et plus rassembleur. En 2027.

D’ici là, on n’a pas fini d’épiloguer sur l’arrogance de M. Macron, ses interminables logorrhées, ses regards pleins de condescendance amusée, son insolence bavarde, bref son dédain altier et professoral. Il regarde celle qui lui fait face, croise les bras et semble penser in petto : « Arrête ton char la blonde, tu me fatigues… » Les sarcasmes de M. Macron, affalé sur ses certitudes et ses airs de matamore, n’ont pas altéré d’un iota la stratégie préméditée de Mme Le Pen : self-control, calme, pondération. Pas la moindre flamme, pas le moindre enthousiasme, le calme plat. L’ennui, l’uniformité.

Bon, le seul chiffre sur lequel les deux candidats se sont mis d’accord, c’est celui de six cents milliards d’euros, montant de la dette vertigineuse accumulée en cinq ans par M. Macron. Lui l’assume, en raison du coût de la pandémie, des aides aux particuliers et aux entreprises, des dépenses concernant la sécurité sociale et les collectivités locales.

Marine Le Pen, elle, parle de gaspillage insensé des deniers publics. Chacun se fera sa religion. Mais l’un et l’autre n’auront finalement prêché que des convertis. Entre le cynisme jubilatoire de l’un et la récitation platonique de l’autre, les Français savent que le sort en est jeté et ils se demandent si le dindon de la farce ne sera pas finalement notre pauvre France aux mains de si piètres acteurs.

José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional