Dimanche 6 février, Fabien Roussel, du Parti communiste français (PCF) et candidat à l’élection présidentielle, a lancé sa campagne par un premier grand meeting au Parc Chanot à Marseille. L’occasion d’un retour aux fondamentaux qui a ravi les militants, mais qui peine à faire décoller les intentions de vote en sa faveur.
Haro sur les riches
Cela faisait des lustres que l’on n’avait pas assisté à une telle concentration de drapeaux rouges en un seul lieu. On y vend le journal « La Marseillaise », on y voit des bérets à profusion, et on y aperçoit même quelques tee-shirts à l’effigie de l’URSS. Pas de doute, nous sommes au bon endroit : ce 6 février, le « Ch’ti » Fabien Roussel a choisi la Cité phocéenne pour lancer sa campagne par un grand meeting au Parc Chanot, devant une foule de près de 3 000 spectateurs venus de toute la région. Un rassemblement qui lui a permis de rappeler ses principaux thèmes de campagne, devant une foule extatique : salaires, exil fiscal, retraites, énergie, éducation.
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Le communisme à la sauce Roussel, c’est tout d’abord un retour aux fondamentaux de sa famille politique : « La première mesure que nous mettrons en œuvre, sera d’augmenter les salaires en le portant à 1 923 euros bruts et 1 500 euros nets », « Oui, nous rétablirons l’ISF [impôt de solidarité sur la fortune], on le triplera même », ajoute-t-il. « Oui, on rétablira la justice fiscale, en rendant l’impôt plus léger pour les petits et plus lourd pour les plus gros, finis les cadeaux aux GAFA et consorts, ils paieront. Nous traquerons les fraudeurs fiscaux, les délinquants en col blanc au tribunal ! Je proposerai de priver les fraudeurs fiscaux de leurs droits civiques. » A ce stade, l’auditoire est en délire. « Je relèverai les pensions pour qu’aucune ne soit inférieure à 1 200 euros nets. Ça coûte cher ? Ce sont les riches qui nous coutent cher, c’est la théorie du ruissellement. Eh bien je vous propose ma théorie : le roussellement ! » Tout un programme.
Une exception à gauche
L’orateur a pris le temps de revenir sur les dernières polémiques qui l’ont opposé à une partie de la gauche. Après avoir vanté la gastronomie française et la bonne viande, il avait plaidé pour qu’elle soit mise à la portée de tous, ce qui avait suscité l’ire de la gauche écologiste et vegan. « Qui sont-ils ces donneurs de leçon, pour trouver normal qu’en France la gastronomie soit réservée à une minorité, et qu’on aurait plus le droit de manger de la viande, quand il y a des millions de français qui ont besoin de l’aide alimentaire pour vivre ? » Une réponse qui lui permet marquer sa différence avec une certaine gauche, celle des « bien-pensants ».
Sur le plan énergétique, il rappelle qu’il défend un mixte électrique avec des énergies renouvelables, mais surtout du nucléaire : « Nous voulons une France décarbonée en 2050, et pour cela nous faisons le choix du nucléaire, on n’a pas d’autre choix. C’est quand même grave que je sois le seul à gauche à défendre ça », s’indigne-t-il, en référence aux programmes anti-nucléaire de Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo. Il prend également soin de se distinguer de la droite : « Nous, on veut du nucléaire, du renouvelable, et une belle entreprise publique avec EDF et Engie », c’est-à -dire en les renationalisant. « Il a raison », scande la foule à chaque fois que son champion défend ces idées – qu’il est bien seul à soutenir à gauche.
Une campagne sans espoir
A la sortie, les militants ne tarissent pas d’éloges sur la performance de leur champion. Par ses prises de position devenues atypiques dans son camp, il s’est attiré de nombreuses sympathies à droite. A Marseille, il n’a pas hésité à rendre hommage aux caricaturistes de Charlie Hebdo et à Samuel Paty, tués par des islamistes pour avoir exercé leur liberté d’expression. Il rompt ainsi avec la tendance actuelle à l’islamo-gauchisme, au wokisme, ou encore à l’écologie ascétique et punitive.
En introduction, l’indéboulonnable député communiste André Chassaigne, vivement applaudi, rapportait des paroles qu’il avait souvent entendues : « Si tous les communistes étaient comme toi, comme Fabien Roussel, on voterait tous communiste ». De nombreux communistes ne comprennent pas que les classes populaires aient délaissé le parti pour soutenir Marine Le Pen. Loin de les diaboliser, Fabien Roussel a pour ambition assumée de les récupérer : « Quel qu’ait été votre choix auparavant, vous êtes ici le bienvenu. » S’il espère que ce grand rassemblement permettra d’enclencher une dynamique favorable, il est pour l’instant cantonné par les sondages à 2% des intentions de vote. C’était déjà le score de Marie-George Buffet, la dernière candidate communiste à l’élection présidentielle, en 2007. Car pour le parti, il est probablement déjà trop tard : cela fait bien longtemps que les classes populaires ont refait leur vie ailleurs.
Antoine LIVIA