Une stratégie chinoise en Méditerranée : les investissements portuaires. 2/2 : au Maghreb et en Orient

Le président chinois Xi Jinping © WKMC

La Méditerranée est le lieu de rencontre de trois continents, reliée à l’océan Atlantique par l’étroit cordon de Gibraltar, à la mer Noire par le Bosphore et à l’océan Indien par l’isthme puis le canal de Suez. C’est donc une mer éminemment stratégique et il est donc logique que la Chine s’y intéresse.

> A voir aussi : Une stratégie chinoise en Méditerranée : les investissements portuaires. 1/2 : en Europe

LA PRESENCE DE LA CHINE DANS LES PORTS AU MAGHREB ET EN ORIENT

Dans les pays du Maghreb

En Tunisie, il y a plusieurs projets en suspens, en partenariat avec des entreprises chinoises : le pôle économique du port de Zarzis et le port en eau profonde d’Enfidha, où la CHEC (China Harbour Engineering Company) et Bouygues Travaux Publics ont été présélectionnés.

En Algérie : en 2020, le gouvernement algérien a relancé le projet du port de Cherchell par une société mixte de droit algérien composée du Groupe public des services portuaires et de deux compagnies chinoises CSCEC (China State Construction Engineering Corporation) et CHEC (China Harbour Engineering Company).

Au Maroc, le groupe chinois Haite, de Chengdu, participe au développement de la plateforme portuaire Tanger-Med qui est désormais un des premiers ports à conteneurs en Méditerranée.

La position géographique du Maroc, entre l’Afrique et l’Europe, sa capacité à fournir une main-d’œuvre qualifiée et peu coûteuse, ses infrastructures et sa logistique ainsi que sa stabilité politique justifie cette implantation pilotée par le gouvernement chinois.

En Egypte

COSCO est partenaire (20%) du port de Port-Saïd-Est avec APL Terminal, filiale du groupe danois Maersk (55%).

A Alexandrie, HPH détient 80,33% du capital de Alexandria International Container Terminal (AICT).

On note que la Chine est présente dans les entrées/sorties de la mer Rouge et du Canal de Suez avec Port-Saïd/Alexandrie au Nord et la base militaire de Djibouti au Sud.

En Israël

En 2015, le nouveau port « New Bay Port » de Haïfa est créé. Ce port est géré par le SPIG China’s Shanghai Ports International Group et va permettre à Israël d’accueillir des navires à capacité de 18 000 containers.

En 2017, La CHEC (China Harbour Engineering Company) est choisie pour construire le port en eau profonde d’Ashdod.

En Turquie

Un consortium comprenant COSCO (40%), China Merchant (40%) et CIC Capital Corporation (20%) a acheté 65% des parts du port de containers turc, Kumport-Ambali, près d’Istanbul. La Chine est donc présente dans le très stratégique détroit du Bosphore, qui commande le transit entre la mer Noire et la Méditerranée.

Au travers de prises de participations ou d’investissements, la Chine est solidement installée dans les principaux ports du pourtour méditerranéen. S’agit-il d’opportunisme ou bien d’une stratégie délibérée ? On s’est ici concentré sur les ports, mais peu sur les connectivités ferroviaires qui sont pourtant soit existantes, soit en projet (par exemple dans les Balkans avec une connectivité Athènes-Belgrade-Budapest). Ces hubs de transbordement et cette connectivité sont indispensables à la distribution des produits chinois à travers l’Europe.

Cette stratégie méditerranéenne chinoise s’inscrit dans la suite logique de la route maritime des « Nouvelles Routes de la Soie » (BRI). On parle bien de commerce et non d’incursions fréquentes de la marine de guerre chinoise en Méditerranée, ce qui est encore rare. Ce fut le cas seulement pour l’évacuation de ressortissants chinois en Libye en 2011 et pour un premier exercice d’envergure avec la marine russe, en mer Noire et en Méditerranée, en 2015.

Il s’agit d’une stratégie à long terme qui a certes des buts commerciaux, mais également des buts géopolitiques, établissant des « têtes de pont » en Europe principalement par la Grèce et l’Italie, et indirectement par les Balkans.

L’Union européenne doit noter l’importance de l’implantation de la Chine dans les ports du pourtour méditerranéen : cette stratégie du « collier de perles » peut en effet faire penser à une forme d’encerclement de la Méditerranée.

Prenant conscience de la concurrence internationale, les compagnies conteneurisées chinoises entendent désormais répondre à des critères de profit et de rentabilité, qui leur permettront de s’implanter durablement sur la scène mondiale. En cela, elles répondent à l’objectif premier du parti communiste chinois de faire de la Chine la nouvelle première puissance mondiale (discours du président Xi Jin Ping du 1er juillet 2021 à l’occasion du centenaire du Parti Communiste chinois). De ce fait, la Méditerranée devrait rester une pièce maîtresse de la stratégie chinoise et participer au jeu d’échecs stratégique mis en place par le gouvernement chinois avec les nouvelles routes de la soie.

Alain BOGE

Alain Bogé est spécialisé en Géopolitique, Relations Internationales et Commerce International. Il a notamment enseigné à l’Université Lyon 3 (IAE), à la Delhi University-Inde (School of Economics), à l’IESEG School of Management Lille-Paris. Il donne actuellement des cours à la Czech University of Life Sciences-Dpt Economy-Prague, à la Burgundy School of Business (BSB)-Dijon et à la European Business School (EBS)-Paris.