Escapades de lecteurs – L’Office de la Mer et la grapette à oursins

© Pxb

La mer, la montagne, des paysages, des produits et des savoir-faire exceptionnels… notre région peut se vanter de posséder des trésors ! Vous êtes nombreux à les côtoyer régulièrement ou le temps d’une aventure. Partagez-nous vos expériences à courrierdeslecteurs@lemeridional.com !

L’Office de la Mer organise, sur inscriptions, des sorties pour découvrir le monde des oursins.

Non, l’Office de la mer ne navigue pas dans la mer des Sargasses, mer redoutée des marins depuis le XVème siècle en raison de l’immobilité à laquelle elle condamnait les bateaux à voiles. L’Office de la mer, au contraire, file bon vent et toutes voiles dehors. Preuve en est la toute première sortie « Bol d’air » de l’année consacrée le samedi 15 janvier à sa majesté l’Oursin !

Embarquement à 10h00 sur l’Aiglon III, (de l’armement Icard) amarré au pied du vénérable Fort Saint-Nicolas, face à la plus vénérable encore Tour du Fort Saint-Jean. La mer et le ciel rivalisent pour savoir qui des deux offrira le plus de splendeur ! Je vous dis tout de suite qu’il sera impossible de les départager.

Direction : les îles. Cette lumière que nos peintres provençaux (et également ceux du Nord !) ont tant admirée s’accroche à chaque anfractuosité des rochers qui, comme un collier enchanteur, bordent notre navigation. Christian Vuffray, vice- président de l’Office et Daniel Frot, administrateur, commentent la mer, l’Histoire, les îles, tandis que Jean-Noël Beverini invite à bord le comte de Monte-Cristo et l’abbé Faria et fait ressurgir des eaux le Grand Saint-Antoine !

Le Château d’If ne nous en veut pas de ne lui accorder qu’un regard furtif, mais nous avons une excuse de taille : nous avons rendez-vous avec les oursins et, plus précisément, avec Tony, le pêcheur d’oursins le plus connu de Marseille !

Dans une crique du Frioul toute baignée de rêve et d’eau translucide, la petite embarcation de Tony patiente en se faisant bercer (bien que l’heure de la sieste soit encore loin) avant de venir à couple de l’Aiglon III.

« S’il vous plaît, ne vous mettez pas tous du même bord, lance, sans inquiétude toutefois, le capitaine ».

Quatre dizaines de « Pax » [passagers ndlr] naturellement curieux, se sont précipitées à tribord pour admirer les cageots déjà remplis d’oursins qu’un matelot finit de trier avec une griffe de métal armée de trois dents. De quoi mettre les estomacs en appétit car … au retour : dégustation au programme ! Les caisses sont hissées à bord. « Attention, pas question de rendre la cargaison à sa demeure d’origine ! »

L’oursin est un être magnifique. Michel Bez, de l’Académie de marine, le décrit comme l’habitant « du fond de la mer, ce tapis de fakir » ! Savez-vous que la bouche de l’oursin a été comparée par Aristote (appréciez la référence !) à une lanterne en raison de sa forme pentagonale, ce qui valut d’ailleurs à l’oursin d’être appelé « Lanterne d’Aristote ». Voilà de quoi éclairer notre lanterne ! Il fut aussi dénommé « hérisson de mer » ou encore « châtaigne de mer », ce qui est compréhensible.

Nos oursins sont là, sur le pont de l’Aiglon III, près du liston tribord et nombreux sont ceux qui viennent les photographier. Il y en a des noirs, élégants en habit de soirée ; d’autres aux épines tirant sur des reflets verts et rêvant peut-être du Quai Conti ! Ou tout simplement à cette Antiquité où ils étaient considérés comme « l’œuf du monde », image du monde précisément dans sa ronde perfection et porteuse de toutes les potentialités. En les admirant juste sortis de l’eau, certains à bord ont des étoiles dans les yeux ; pas étonnant : l’oursin est le cousin de l’étoile de mer. Ils appartiennent tous deux à la famille des Échinodermes. Chers amis, respect. Notre piquant seigneur des mers existe depuis 400 millions d’années, peuple toutes les mers et les océans du globe et certains, ceux qui aiment les profondeurs, vivent par 7300 mètres de profondeur. Ce n’est pas le cas des nôtres pour le plus grand bonheur de notre pêcheur Tony.

La mer étant toujours aussi belle (l’Office de la mer fait vraiment bien les choses) le capitaine de l’Aiglon III va réserver à ses passagers une surprise inattendue. Une surprise vraiment exceptionnelle dont tous se souviendront. Le bateau au devant du Vallon des Auffes effectue une rotation de 180 degrés et en « arrière lent » recule et entre dans la calanque ! Du pratiquement jamais vu. Notre Dame-de-la-Garde surgit sous l’arche centrale du pont. Félicitations, capitaine.

Les tables nous attendent déjà à l’embarquement du matin. Les oursins sont ouverts. Ils ne sont pas les seuls à ouvrir… une bouche pentagonale ! Et admirative. Allez donc trouver ça ailleurs qu’à Marseille et à l’Office de la mer : déguster des oursins tout frais pêchés, d’ici bien évidemment, avec la mer à portée des lèvres, les gabians et les mouettes rieuses volant au dessus de votre tête, et la main à pouvoir toucher la proue des pointus et des voiliers ! Chacun se pique de déguster la pêche alors que Daniel Frot emplit les verres d’un vin blanc savoureux. Avec modération !

Je vous le dis, l’Office de la mer ne navigue pas dans la mer des Sargasses. Il vogue vent en poupe. Merci, Bel Office, pour cette magnifique sortie. Tu as su nous offrir la mer, le ciel, l’amitié et la joie et faire de terriens des marins heureux et reconnaissants.

Jean-Noël BEVERINI