Patrimoine – L’archipel de Lérins, vers un classement au patrimoine mondial de l’UNESCO

La tour monastère de l'abbaye (actuellement en travaux) © OB DR

Depuis la création de la liste du « Patrimoine Mondial de l’UNESCO » en 1978, on compte environ 2 000 sites classés. A ce jour, la France en rassemble 48. Alors que la ville de Nice a été parmi les heureux élus en 2021, les regards se tournent à nouveau vers le sud-est. Les îles de Lérins, au large de Cannes, sont en bonne voie pour le dossier.

Cela faisait déjà plusieurs années – depuis 2015 – que la ville de Cannes avait annoncé la candidature pour l’inscription de l’archipel de Lérins au patrimoine mondial de l’UNESCO. A la fin du mois de novembre dernier, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a transmis une réponse favorable au maire de la ville, David Lisnard. Dans ce courrier, elle reconnaît « l’importance patrimoniale des îles de Lérins » et annonce une avancée décisive, puisqu’il a été décidé « d’inscrire l’île monastique de Lérins (Saint-Honorat) sur la liste indicative nationale, étape préalable à toute poursuite d’une candidature à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ». Un premier feu vert très encourageant.

Un héritage historique et religieux exceptionnel

Il faut dire que le site justifie largement l’attention portée par le comité scientifique qui a tamponné la candidature. D’un point de vue historique et religieux, l’île principale, Saint-Honorat, représente une continuité monastique (malgré les changements d’Ordres et de rares parenthèses) de 1 600 ans; ce qui ne veut pas dire que son histoire soit de tout repos…

L’église abbatiale © OM DR

L’archipel se compose de cinq îles, dont deux seulement sont assez larges pour être habitées : Sainte-Marguerite, la plus grande, dont le fort aurait abrité le fameux prisonnier du XVIIème siècle surnommé « L’Homme au masque de fer ». L’autre, Saint-Honorat, se nomme d’après celui qui, au Vème siècle, est venu vivre une existence retirée du monde. La région provençale est ensuite évangélisée par un certain nombre d’évêques venant de l’île.

Au fil des siècles, l’abbaye fortifie ses murs pour faire face aux agressions extérieures, notamment les barbaresques. Elle connaît aussi une brève incursion espagnole entre 1635 et 1637.

Une touche de fantaisie féminine

A la veille de la Révolution, en 1788, il ne reste plus qu’une poignée de moines à l’abbaye. Cette dernière est donc fermée… et confisquée à la Révolution. C’est une actrice de la Comédie française fuyant les troubles révolutionnaires qui achète le couvent et y vit pendant près de vingt ans. Trouvant trop triste la salle capitulaire, mademoiselle Sainval y fait peindre des scènes de conversations galantes entre bergers et bergères, et transforme le couvent en lieu de fête.

Vue depuis le débarquadère de l’île © OB DR

En 1869, l’île est rachetée par l’évêque de Fréjus et des moines cisterciens venus de l’abbaye de Sénanque (Vaucluse) viennent s’y installer. Lors des troubles anticléricaux du début XXème, les moines ne sont pas expulsés, étonnemment. Aujourd’hui, l’île connaît en été une énorme fréquentation des touristes, Lériniens d’un jour, qui viennent visiter le couvent (les bâtiments accessibles aux visiteurs du moins), se baigner, mais aussi marcher sur les sentiers – pourquoi pas spirituels ! de coin enchanteur.

Ces dernières années, l’île prend soin de mettre en place des bonnes pratiques durables et de préserver le territoire au maximum tout en continuant d’y accueillir du monde. L’histoire du site, ainsi que le travail mené par la mairie de Cannes, en partenariat avec l’abbaye de Lérins (une vingtaine de moines désormais) et d’autres acteurs de la région, justifierait amplement une inscription de cet archipel exceptionnel à la Liste de l’UNESCO.

Jeanne RIVIERE