Emma Clair-Dumont est une sportive dont la rencontre ne laisse pas indifférent : elle est à la fois pleinement présente, pleinement à ce qu’elle raconte, vive et chaleureuse. Et puis elle est aussi ailleurs, dans un monde qui nous fait rêver mais nous effraie aussi un peu. Le sport comme défi fait partie intégrante de sa vie depuis son enfance. Emma Clair-Dumont est par essence attirée vers l’inconnu, la difficulté, le risque. Courir sept marathons en sept jours sur sept continents ? Réaliser un triathlon entre Manche et Méditerranée ? Un goût de pari. L’athlète de 44 ans vit près de Marseille depuis plusieurs années.
> A voir aussi : Portrait de champion – Le boxeur Yohann Drai, enfant de Bonneveine, Marseille-Thaïlande et retour
Une enfance atypique
« Je suis née dans une famille fervente amatrice de sports mécaniques. A cinq ans, j’ai su faire de la moto avant même de grimper sur un vélo, attaque-t-elle d’emblée avec un sourire. C’est comme ça que j’ai commencé le sport, qui demandait une bonne condition physique. » Dès ses premières années, elle développe une curiosité pour des sports différents : la danse, le basket, le handball (sports qu’elle pratique pour certains en poussin, puis en minime et en cadet). Sa jeunesse reste pourtant liée à la pratique des sports mécaniques. Beau clin d’œil… elle rencontre d’ailleurs son mari en réalisant le Dakar : elle en quad, lui à moto. Elle est deux fois championne du monde de quad.
Le cap des 30 ans
La recherche de l’atypique, elle le sait, est ancrée au plus profond d’elle-même depuis son enfance. « Une petite fille qui fait de la moto, ce n’est pas courant. Mais c’était comme ça, normal pour moi. Dans mes études aussi j’ai recherché l’original, en me tournant vers ce qu’on appelait les « nouvelles technologies » ; au Canada, j’étudiais la fibre alors qu’on ne connaissait pas ce mot de l’autre côté de l’océan. Je pense que ce goût des choses hors-normes a toujours orienté mes choix de vie. »
« C’est vraiment autour de mes 30 ans que je me suis dit, sur le plan personnel comme sportif : qu’est-ce que tu as envie de faire ? J’avais aussi en moi le goût du voyage. Au début de ma carrière, j’ai travaillé sept ans pour les parfums Christian Dior à Paris. » Directrice Internet internationale au sein du marketing, elle travaille avec les filiales du monde entier pour mettre en place le secteur Internet.
A 30 ans, donc, avec une carrière et des titres sportifs, elle désire changer de cap. Côté professionnel, elle quitte Paris et crée une petite société avec son mari : l’entreprise, pendant une dizaine d’années, organisera les plus gros rallyes du Maghreb. Côté sport, elle a très envie de se tourner vers des nouveautés pour elle.
Tout terrain
Gravir les cinq plus hauts sommets mondiaux sur chacun des continents (Five Summits Challenge), tel est le défi qu’aborde Emma Clair-Dumont (« la Française qui gravit une montagne et en gravit une autre »). Elle commence en 2009 avec le Kilimandjaro, poursuit en 2010 avec le Mont-Blanc etc. « Ça, c’était pour l’alpinisme », nous précise-t-elle… Car elle entend parler depuis longtemps des marathons. Elle éclate de rire : « Au bac, je n’avais pas réussi à terminer mes tours de course ; mais on me disait depuis longtemps d’essayer un marathon. » En 2016, elle s’entraîne avec un coach et un club pour participer au marathon de New York.
Défi plutôt que compétition
Emma Clair-Dumont tient beaucoup à la différence entre le défi et la compétition. « Autant dans les sports mécaniques, je cherchais à être devant, autant dans les sports « nature », pas du tout. Quand j’ai changé d’optique, c’était une nouvelle perception : relever le défi. » Ce qu’elle ne sait pas, elle l’apprend. « Mais on se sert toujours de ses expériences passées, dans tous les domaines. » Alpinisme, course à pied… tout ce qui n’est pas acquis l’attire.
> A voir aussi : Portrait de champion – Dimitri Masson, « le turbulent » devenu champion du monde de boxe thaï
L’un de ses rêves était de se rendre aux pôles Nord et Sud. Mais… pour cela, il faut être « ou chercheur, ou très riche ! » La chance lui sourit : elle rencontre un fabuleux personnage, Richard Donovan, qui organise des marathons dans des conditions extrêmes. Dont le « North Pole Marathon » : un marathon sur la banquise, rassemblant 40 personnes, par -37 degrés… avec seulement sept heures pour courir car la banquise n’est pas fiable. « C’était… inimaginable, incroyable. On était en expédition. » Et puis une ambiance particulière : pas de terre en dessous (1,50 mètre de glace) 6 000 mètres de fond de mer, un soleil permanent.
« Le défi : potentiellement, on se met en danger. Alors qu’une compétition est encadrée, sécurisée. Quand on n’a pas fait les deux, on ne peut pas avoir cette perception. » Le goût du défi n’exclut pas l’appréhension de l’inconnu et de la mort. Emma Clair-Dumont ne prétend pas être une surfemme, au contraire : c’est ce risque inhérent à la vie humaine dont elle a soif.
A côté de cela, le quotidien paraît bien fade… C’est là que le rôle de la famille est primordial. « J’ai la chance d’avoir notamment un mari et un fils qui m’encouragent… ou me freinent ! Mais surtout me comprennent. » Les projets sont vécus en famille.
7-7-7
Richard Donovan la convainc d’une folie : courir sept marathons sur sept continents en sept jours. « Il me disait à juste titre que c’était beaucoup plus simple, que sinon ça allait me prendre des années. » Après avoir rencontré un Français qui l’avait fait deux ans auparavant, elle se lance dans l’entraînement. 40 personnes sélectionnées, femmes et hommes, professionnels ou amateurs : ce sport individuel devient aussi collectif. La difficulté était de « séquencer » sa vie de façon serrée, de l’avion au marathon.
> A voir aussi : Erick Roméas : la Nuit des Champions, l’événement marseillais qui dépasse les frontières nationales
Cet été, elle a organisé et participé à un triathlon XXL « Coast to Coast » (associé à une dimension environnementale) : 34 kilomètres de nage entre Douvres et Calais, 1020 kilomètres jusqu’au Vaucluse, puis 128 kilomètres jusqu’à la plage des Catalans de Marseille. Parallèlement, des cinq sommets, il lui en reste deux : un en Océanie, et… l’Everest (8 800 mètres). A partir de 2019, elle se rend au camp de base du « Toit du monde » (à 5 400 mètres) et se prépare au défi : programmé en 2022 !
L’intensité de la vie
Entrepreneur, athlète multisports, Emma Clair-Dumont est une femme fascinante. Née en Normandie, elle a habité Paris, puis le Sud, a voyagé sur tous les continents… Pourquoi cette vie de défi ? « J’aime être en forme, j’aime toute l’adrénaline que procure le fait de se dépenser. Je suis quelqu’un d’énergique, qui ne veut pas rester statique. » Si on devait la définir, on paraphraserait un peu la phrase de Marc Twain : « Elle se demandait si c’était impossible, alors elle l’a fait. »
Jeanne RIVIERE