« L’homme qui convient au bon endroit », telle est la signification de l’adage anglais : « the right man in the right place ». Une maxime qui s’adapte parfaitement à Jean-Luc Chauvin, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Aix-Marseille-Provence, qui a guidé et sauvé de nombreuses entreprises en péril durant la crise du Covid et briguera sa propre succession en octobre prochain. M. Chauvin a bien voulu recevoir Le Méridional dans son bureau du palais de la Bourse et il a répondu sereinement à nos questions.
Ce qui m’a le plus frappé, de prime abord, c’est le sérieux et le professionnalisme de Jean-Luc Chauvin qui n’esquive aucun sujet, même pas celui du franglais, et développe sur chaque thème les solutions les plus adaptées en faisant preuve d’un pragmatisme de bon aloi. Le maître-mot de cet entrepreneur dans l’âme, c’est l’efficacité.
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Je pense qu’il a suivi la même évolution positive que Renaud Muselier dans un registre différent, celui de l’économie régionale. S’il a pu paraître un peu chien fou à ses débuts, il s’est aguerri au fil des ans au contact des réalités, d’abord à la fédération nationale des agents immobiliers puis à l’union pour les entreprises, tant et si bien qu’il connaît de fond en comble les rouages du pouvoir ainsi que les besoins et ressources possibles de notre territoire. Et comme ce n’est pas un idéologue, il a su s’adapter aux situations les plus épineuses comme la récente crise du covid qui a mis en transes les 115 000 entreprises de son périmètre de compétence.
Par exemple, lorsqu’on évoque avec lui un dossier chaud, celui de la création d’un RER ultra-rapide qui relierait l’aéroport de Marignane à la gare Saint-Charles, il ne se démonte pas et répond très clairement qu’une telle réalisation serait indispensable. Il a conscience que notre département ne bénéficie pas d’une offre de transports à la hauteur de la métropole et que la thrombose circulatoire pénalise chaque jour des milliers d’actifs obligés de subir d’inextricables embouteillages.
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Notre retard dans ce domaine sera-t-il comblé un jour ? C’est douteux si l’on se réfère à la puissance des lobbies des parkings et des taxis qui ont intérêt au maintien du statu quo actuel à Marignane. Mais M. Chauvin reste optimiste. Par exemple, pour fluidifier le trafic démentiel entre Marseille et Aix, il propose une voie supplémentaire de circulation sur la bande d’arrêt d’urgence mais le préfet a refusé ce pis-aller.
« Faire confiance au privé«
M. Chauvin est un libéral qui sait fort bien que la puissance publique est très longue à mettre en œuvre ses projets : quatre-vingt-huit ans pour réaliser la L2 et décongestionner le Jarret à Marseille, c’est presque un siècle d’attente. Huit ans pour donner naissance au tunnel Prado-Carénage, parce qu’on a fait confiance au privé, c’est nettement plus rapide. Instruit par l’expérience, M. Chauvin a incité la Chambre de Commerce à entrer dans la structure d’un projet innovant de transport urbain : un RER métropolitain en site propre qui relierait, entre autres villes, Aix à Marseille en quinze minutes avec des rames électriques ou à hydrogène qui desserviraient une dizaine de stations dans le département. Un projet baptisé « loop » à ne pas louper à l’horizon 2030…
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Jean-Luc Chauvin ne s’embarrasse pas d’état d’âme. Pour lui, est vrai tout ce qui réussit. Tout ce qui marche. « Nous devons jouer collectif et oser », prêche-t-il souvent. Peut-être pourrait-il donner de judicieux conseils à Didier Deschamps dans ce domaine… Grâce à lui, la Chambre de Commerce de Marseille n’est plus la « belle endormie » où les fonctionnaires qui arrivaient en retard croisaient souvent ceux qui partaient en avance, comme me l’a confié un jour Franck Tassy. Il a totalement transformé la plus vieille chambre de commerce du monde pour en faire un outil adapté aux temps modernes et susceptible de répondre aux besoins concrets des entrepreneurs.
Ce résultat est d’autant plus remarquable que les ressources financières des chambres se sont réduites comme peau de chagrin : 52 millions d’euros de taxes perçues en 2010, 14 millions en 2021 pour Aix-Marseille-Provence. Si l’on se réfère aux 28 millions d’euros collectés en 2016, le revenu de la chambre a été divisé par deux… D’où la décision de Jean-Luc Chauvin d’accroître les capacités d’autofinancement de la Chambre pour parvenir rapidement à son indépendance financière. Ce mouvement est couronné de succès puisque la Chambre dépendait à 85 % de la taxe lorsque M. Chauvin en a pris la tête et qu’elle n’en dépend plus aujourd’hui qu’à 50 %.
Le sauvetage de 982 entreprises
Depuis deux ans, M. Chauvin et ses équipes n’ont pas chômé : ils se sont évertués à accompagner des centaines d’entreprises au bord du dépôt de bilan pour les guider dans le maquis des textes gouvernementaux et des aides possibles. C’est ainsi qu’ils ont permis à 982 entreprises sur 990 d’être éligibles à des prêts garantis par l’Etat et dont l’octroi n’est pas évident au départ.
Bien entendu, M. Chauvin a eu vent des velléités écologiques tous azimuts de la nouvelle municipalité de Marseille et il ne s’en formalise pas, bien au contraire. Pour lui, la « touche verte » est une chance pour « un modèle économique à réinventer » et qui ne doit pas être synonyme de décroissance. Là aussi, Marseille est en retard sur le nouveau paradigme respectueux de la nature et du bien-être : il suffit de rappeler qu’à San Francisco 100 % des quais sont électrifiés et qu’aucun bateau à l’accostage ne pollue l’environnement en laissant ses moteurs allumés.
Autre retard scandaleux : celui qui touche les « squatteurs » de l’Escale Borély, c’est-à-dire les commerçants qui exercent leur activité sans droit ni titre depuis le 1er juillet dernier, faute de renouvellement de leurs baux commerciaux signés avec la ville et le préfet le 1er juillet 1991. Leur situation doit être régularisée dare-dare et M. Chavin s’y emploie : « Je suis intervenu auprès du maire de Marseille car il est inadmissible que des entrepreneurs de renom puissent travailler dans une telle précarité. Nous devons œuvrer ensemble, en plein accord avec les commerces concernés pour réaliser un projet moderne et environnemental en vue des Jeux Olympiques de 2024″, explique Jean-Luc Chauvin.
S’il est réélu en octobre, le président Chauvin continuera de privilégier les trois filières d’excellence qui lui tiennent à cœur : la Santé, le Numérique et l’Economie décarbonée. Notre métropole est déjà la cinquième région la mieux câblée au monde mais elle peut encore progresser dans le domaine de l’intelligence artificielle grâce à des entrepreneurs géniaux comme Kevin Polizzi, par exemple, patron de « Jaguar Network » et vice-président de « Medinsoft ».
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Et puis il s’attellera au chantier de la décennie : celui des Jeux Olympiques de 2024 à Marseille avec des épreuves de voile qu’il faudra impérativement accueillir avec les meilleures chances de réussite. Pour commencer, peut-être faudrait-il songer à payer les entreprises qui œuvrent à la restauration de la base nautique du Roucas…
Ce souci rejoint le vœu présidentiel de développement de l’économie décarbonée « dans un cadre naturel d’une valeur inestimable » : il s’agit de promouvoir toutes les activités liées à la mer, aux calanques, à l’environnement insulaire. La qualité de vie qui est la nôtre en Provence doit clairement primer sur l’accumulation stérile des richesses mais les élus les plus obtus de la mairie de Marseille doivent bien comprendre que protéger l’environnement, ce n’est pas arrêter l’économie et c’est vrai aussi pour les croisières.
M. Chauvin sait qu’il peut compter sur l’appui de Raymond Vidil pour la réussite des « olympiades de la culture » à partir de 2022 et son objectif de formation économique d’un maximum d’étudiants est en passe de se réaliser avec l’accueil de 800 étudiants supplémentaires dans un campus de Luminy rénové grâce à 34 millions d’euros de travaux.
Bref, Jean-Luc Chauvin a montré lors de son mandat qu’il était un fonceur intelligent et un bâtisseur collectif. Par conséquent, permettez-moi de vous dire, sans le moindre « chauvinisme », que Jean-Luc Chauvin… « is the best for this job ».
José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional