JL Chauvin, président de la CCI (2/2) : le rôle de la CCI, à Marseille et au-delà

L'entrée de la CCI AMP © Le Méridional

Le Méridional a pu rencontrer Jean-Luc Chauvin, entrepreneur, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Aix-Marseille-Provence et candidat à sa réélection en octobre prochain. Il a répondu à nos questions, en ne laissant rien au hasard. Après être revenu, dans une première interview, sur les enjeux et les dynamiques du territoire marseillais, il détaille le rôle de la CCI, à Marseille et au-delà.

Le Méridional : Jean-Luc Chauvin, la réforme de 2020 prévoit une prédominance de la CCI-France sur les CCI régionales dans la mesure où la structure nationale reste maîtresse de la répartition des taxes pour frais de chambres. Comment vivez-vous cette tutelle ?

Jean-Luc Chauvin : Je suis favorable à l’existence d’une tête de réseau puissante : CCI-France. Mais je pense que ce qui doit primer, c’est l’efficacité. Or l’efficacité, c’est le terrain. C’est l’action au quotidien produite pour les entreprises. On a bien montré, durant la crise sanitaire – qui n’est pas encore terminée malheureusement – que les Chambres de Commerce et de l’Industrie ont été dynamiques sur le terrain. Pour moi, l’échelon national très fort a pour vocation de négocier les politiques économiques avec l’Etat, avec le Parlement. C’est du lobbying. Il y a ensuite un deuxième niveau, régional qui, lui, doit faire la même chose auprès des conseils régionaux qui depuis la loi NOTRe [Nouvelle Organisation Territoriale de la République] ont la compétence économique mais n’ont pas la capacité d’agir sur le terrain et doivent donc s’appuyer sur des chambres de territoire pour ce faire. Voilà ma vision pragmatique. De ce point de vue là, je ne suis pas tout à fait aligné avec la réforme de 2020.

LM : L’autorité du préfet sur la CCI et la mutualisation de vos prérogatives avec celles du Conseil régional et de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat ne vide-t-elle pas votre rôle de toute substance ?

JLC : Je crois que vous en faites une mauvaise lecture. Le préfet, dans le cadre du schéma régional d’organisation, vient s’appuyer sur les missions confiées par l’Etat pour lesquelles nous recevons une taxe publique. Taxe payée par les entreprises. A cet effet, je voudrais dire que les entreprises, depuis six ans, n’ont pas baissé d’un euro leur contribution, alors qu’au niveau des Chambres de Commerce, cette taxe a été très fortement diminuée. En 2010, nous percevions 52 millions d’euros de taxes, nous en percevons aujourd’hui 15 millions. C’est l’Etat qui prend la différence. Du coup, l’Etat a aussi décidé de dire quelles étaient les missions que la CCI devait assurer, financées par la taxe. Nous pouvons faire d’autres missions, que nous devons alors auto-financer. C’est cela la réforme.

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Le préfet doit valider notre schéma régional. Ce qui veut dire que, durant cette mandature, nous avons assisté à la naissance d’un nouveau modèle que nous appelions, nous, de nos vœux. Avec des actions financées par la taxe et d’autres auto-financées par les entreprises utilisatrices du service. Par exemple la formation professionnelle. Au début de la mandature, la Chambre était dépendante à 80% de la taxe, aujourd’hui elle ne l’est plus qu’à 50% environ. Au début de la mandature nous avions un budget de 32 millions, à la fin nous serons entre 28 et 30 selon le résultat que je n’ai pas encore. La différence fondamentale vient du fait que nous avions au début 28 millions de taxes et aujourd’hui seulement 14 millions. Nous avons donc totalement rééquilibré le système. C’est l’une des grandes fiertés de cette mandature. Équilibre qu’il faudra poursuivre.

LM : Avez-vous toujours un rôle prépondérant dans la formation économique des étudiants de Luminy, et l’université vous sert-elle toujours de pépinière de recrutement ?

JLC : L’université est l’une des chances de ce territoire. Et, au-delà, l’ensemble du dispositif d’enseignement supérieur. La Chambre de Commerce, dans sa fonction régalienne, s’occupe de la formation. Dans la formation se trouvent des écoles d’ingénieurs, l’école pratique qui a plus de 150 ans etc. Aujourd’hui, on a triplé le chiffre d’affaires de nos écoles, elles sont positives et rentables alors qu’auparavant elles étaient déficitaires. Nous avons ouvert pour l’école pratique un établissement à Aix-en-Provence. Dans la prochaine mandature, il faudra trouver la capacité d’en ouvrir un à Salon, par exemple, parce que c’est un point important de notre territoire. Donc oui, nous pesons toujours très fortement sur le devenir de nos écoles. N’oublions pas Kedge bien sûr, où nous avons mis 34 millions d’euros pour faire un campus du XXIe siècle. Je pense qu’il ne faut pas opposer l’Université à notre école, la richesse de notre territoire est de posséder les deux.

LM : Vous êtes un entrepreneur qui a bien réussi dans l’immobilier et qui a toujours encouragé les créateurs d’entreprises : quel plaisir éprouvez-vous aujourd’hui à briguer un second mandat  de président de la CCI en octobre ?

JLC : On sait qu’un entrepreneur qui crée son entreprise, sitôt qu’il est accompagné, a beaucoup plus de chances de voir son entreprise perdurer au moins 5 ans que celui qui est seul. De par mon parcours, j’ai toujours eu à la fois le côté entrepreneur et le côté engagement au service du territoire. Je sors d’un mandat qui a été très particulier, avec de nombreuses crises. La crise des gilets jaunes, la crise des retraites et enfin la crise sanitaire du covid. Sur 5 ans de mandat nous en avons passé 3 en cellules de crise. C’est aussi un mandat où, en interne, nous avons « transformé la maison ». Je tiens à remercier les collaborateurs pour cette transformation. Je suis candidat pour continuer et accélérer la réussite du territoire.

© Le Méridional

LM : Concrètement comment pouvez-vous accompagner ou secourir les entreprises dont les finances sont exsangues alors que vous-même avez enregistré une baisse de la moitié de vos ressources au cours de ces dernières années ?

JLC : La crise sanitaire a été brutale. Elle a freiné l’économie. Le premier sujet n’a pas été les finances des entreprises. Il a été de comprendre qui pouvait faire quoi, et comment. Il a fallu décrypter la masse de textes qui nous est arrivée pour lesquels nous, entrepreneurs, n’étions pas armés pour en comprendre les subtilités. La CCI, avec ses équipes, a décrypté tous ces textes pour les entrepreneurs. Elle a réuni aussi l’ensemble des réseaux économiques pour que toutes les entreprises puissent avoir accès à l’information. Nous avons créé cette cellule d’urgence économique en regroupant 147 acteurs économiques du territoire autour de différents groupes de travail. Nous avons accompagné aussi les entreprises pour remplir les formulaires de droit aux aides de l’Etat. En pratique, plus de 990 entreprises nous ont saisis uniquement sur le PGE [Prêt Garanti par l’Etat] parce qu’elles avaient un refus de PGE. Grâce à notre travail, 983 ont obtenu leur PGE.

Propos recueillis par José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional