Voilà une mode qui n’a pas changé ! Il y a de cela plus d’un siècle, la randonnée était déjà au goût du jour. Les lignes de chemin de fer, les bus, les trams se développaient, mais coûtaient il est vrai assez cher pour en décourager beaucoup. A Marseille, après quelques essais fructueux, se crée officiellement en 1897 la Société des Excursionnistes Marseillais. Egalement appelée Association pour l’Essor Provençal, elle devient rapidement l’une des plus importantes sociétés excursionnistes de France. Nous avons rencontré Rémi Vezian, l’un des bénévoles les plus engagés dans la marche (sans jeu de mot) de l’association.
« Les Excurs (prononcer « Escursses ») ne sont pas comme un club de sport classique, prévient d’emblée Rémi Vezian. Il y a tout un bagage derrière : de bénévolat, de passion, d’engagement. » Cette passion est perceptible à la façon dont il énumère les actions de la Société.
Une société historique
Il faut dire que la Société des Excursionnistes Marseillais est une institution bien connue à Marseille et dans la région, depuis longtemps. L’initiateur de cette équipée se nomme Paul Ruat (1862-1938). A la fois membre de la section marseillaise du Club Alpin Français et libraire, il se met à publier des guides de randonnées, minutieusement composés à partir des notes prises sur place lors de ses sorties. Tout y est consigné : les sentiers, les horaires, les tarifs des trains et restaurants… Une phrase de Paul Ruat donne d’ailleurs une idée de leur succès : « Eiçô se vendeguè coume de pastissoun, e la fournado de dous milo s’abenè bèn avans qu’aguèsse agu lou temps de faire parèisse la segoundo partido. » Soit : « Cela se vendit comme des petits pâtés, et la fournée de deux mille s’épuisa bien avant que je n’eusse eu le temps de faire paraître la seconde partie. » On apprend par ailleurs que Paul Ruat est aussi fondateur du Syndicat d’initiative de Marseille, et « félibre » (membre de l’association Félibrige, qui veut mettre en lumière le patrimoine et les traditions des territoires de langue d’oc).
Composé d’abord de quelques amis (parmi lesquels Dominique Piazza), le groupe des excursionnistes grossit rapidement. Ruat date la naissance de la Société du 24 janvier 1897. L’objectif est non seulement de pratiquer une activité et de passer de bons moments, mais aussi de faire connaître et aimer le territoire provençal.
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Anges gardiens des espaces de randonnée
Aujourd’hui, l’association exerce son rayonnement à partir de 3 activités sportives :
Le longe-côte (marche rapide dans l’eau), qui se pratique à la Pointe rouge, seule plage homologuée pour cet exercice, en partenariat avec la ville de Marseille. Rémi Vezian nous voit ouvrir des yeux ronds quand il précise que « 1 heure et demie de longe-côte équivaut à 1 journée de randonnée. »
La marche nordique, qui fait travailler tous les muscles du corps (dans les parcs et sur des chemins carrossables).
Et bien sûr, la randonnée pédestre, à la journée ou à la demi-journée (notamment l’été). Sur la Côte bleue, les massifs avoisinants, les Calanques, la Sainte-Baume ou la Sainte-Victoire… Les niveaux de difficulté sont précisés, et vont de la randonnée douce (quelques kilomètres) jusqu’à la marche très sportive (par exemple, 30 km avec 1 000 mètres de dénivelé).
Mais ce qui fait la saveur et la particularité des Excurs, ce sont surtout l’engagement et la passion de ses membres. Entre 80 et 100 animateurs bénévoles, prêts à donner du temps, servent de moteurs à l’association. Aujourd’hui, environ 800 adhérents sont enregistrés (les inscriptions ont un peu baissé ces derniers mois avec les restrictions dues au covid.)
L’association est aussi visible dans la vie marseillaise, elle a par exemple un représentant au Parc national des Calanques. L’entretien des sentiers, le balisage (en lien avec le Département) font aussi partie de ses missions. Chaque année, plus de 150 km de balisage sont assurés par ses soins. On y retrouve les valeurs de la Société : la transmission, le partage, l’attention au patrimoine écologique. « C’est très simple, à partir du moment où l’on est deux, l’un épaule forcément l’autre, physiquement et moralement », conclut Rémi Vezian.
Dans cette même optique de transmission, des partenariats fructueux sont développés, avec l’administration pénitentiaire des Baumettes par exemple, pour permettre aux détenus de pratiquer une activité sportive.
Hier comme aujourd’hui, la Société des Excursionnistes Marseillais rayonne sur le territoire. Et parce que « L’inaction est la rouille du courage », comme disaient les « anciens » du temps de Paul Ruat, la philosophie et le dynamisme de l’association vivent encore, 125 ans plus tard.
Jeanne RIVIERE
Informations complémentaires à retrouver sur le site des Excursionnistes marseillais.