Le Méridional a pu rencontrer Jean-Luc Chauvin, entrepreneur, président de la CCI Aix-Marseille-Provence et candidat à sa réélection en octobre prochain. Il a répondu à nos questions, en ne laissant rien au hasard. Il revient dans un premier temps sur les enjeux et les dynamiques du territoire marseillais.
Le Méridional : M. Chauvin, une de vos compétences vous autorise à améliorer l’aménagement du territoire et la gestion des aéroports : quel est votre avis sur la création d’un RER qui relierait l’aéroport de Marignane à la gare Saint-Charles ?
Jean-Luc Chauvin : Vous entrez directement dans le vif du sujet ! L’aménagement du territoire a une réelle compétence en ce domaine, en effet, mais je vais l’exprimer différemment : créer un territoire « business friendly ». C’est-à-dire créer un territoire favorable au développement économique. Et naturellement, les portes d’entrée d’un territoire, les gares, les ports, les aéroports, font partie des points majeurs. Il faut donc relier ces portes d’entrée pour pouvoir compter dans le concert des métropoles mondiales. La liaison entre l’aéroport et la gare est indispensable et notre territoire est manifestement en retard sur ce point.
LM : La glorification actuelle de l’écologie ne vous contraint-elle pas à sacrifier les critères habituels de l’orthodoxie financière au profit de choix plus politiques, en particulier pour le développement des croisières à Marseille ?
JLC : Je fais partie des gens qui considèrent que l’écologie est une chance économique. Nous sommes en pleine transformation. La crise du covid a mis au jour un certain nombre de préoccupations nouvelles, notamment les transformations environnementales, la qualité de vie, le circuit court. La Chambre a déjà mis en place des produits adéquats. Je suis opposé aux principes qui soutiennent que l’écologie doit faire de la déconstruction, de la décroissance.
Je pense au contraire que l’écologie doit accompagner la mise en place d’un nouveau modèle. Il faut, de ce point de vue-là, qu’on accélère, qu’on soit à la pointe, ici, pour préserver notre environnement, tout en arrivant à lier ce modèle écologique avec un modèle économique qui permettra la création d’emplois, de la croissance etc.
Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent qu’il faut diminuer le nombre de croisiéristes. Je pense que c’est une chance, qu’il faut développer ce système. Et enfin je dis qu’on doit faire ici le pas nécessaire pour être les plus vertueux afin d’accueillir les croisières : électrifier les quais pour accueillir les bateaux, investir davantage. Ici à Marseille, les PME-TPE vont avoir accès à toutes les nouvelles technologies.
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LM : Parmi vos filières d’excellence figurent, entre autres, la santé et le numérique. Comment pensez-vous privilégier ces deux domaines il est vrai essentiels à la réussite du territoire ?
JLC : C’est une question capitale pour l’avenir économique de notre territoire. Nous considérons à la CCI, qu’il y a trois filières qui portent l’avenir du territoire économique. il s’agit de la santé, du numérique, et de l’économie décarbonée.
La santé, cela fait bien longtemps – mais la crise sanitaire l’a démontré – que nous avons un pôle d’excellence en matière de recherche et de santé sur notre territoire. Eurobiomed est né il y a 20 ans, c’est la CCI qui l’a créé pour faire en sorte que cette excellence de recherche puisse se traduire par une excellence d’entreprise. Nous avons un défi majeur sur le territoire : créer une filière d’industrialisation car la vraie valeur ajoutée se fait quand on industrialise.
Sur le numérique, on se retrouve propulsé sur les échanges de données. On fait partie des métropoles les mieux connectées au monde. A la fin de l’année, grâce au câble d’Orange, nous serons 5ème métropole mondiale en matière de câblage numérique. Nous devons donc créer la filière d’utilisation de la donnée, car c’est là la véritable création de valeur. Aujourd’hui nous la stockons, demain nous devons l’utiliser pour créer de la valeur. Une école de codage a été fondée : la « plateforme ». Les étudiants y sont recrutés en fonction de leur motivation et non pas de leur diplôme. La chambre subventionne cette école qui accueille des promotions de 200 élèves aujourd’hui. Elle va lancer un projet pour créer un campus pouvant accueillir 3 000 personnes.
Le troisième sujet c’est l’économie décarbonée. Nous avons la chance d’avoir un territoire « béni des dieux » avec « l’économie bleue », la mer, l’environnement (calanques, collines etc.) Tout cela a une valeur inestimable. Nous avons donc l’obligation de protéger notre territoire. Nous avons pris la décision de pousser le maximum d’initiatives, de devenir un territoire « lab » sur la façon de travailler, de développer l’économie tout en protégeant notre patrimoine territorial.
LM : Quelle est votre opinion sur les « squatteurs » de l’Escale Borély c’est-à-dire les commerçants dont le contrat d’amodiation est arrivé à échéance le 1er juillet dernier et qui exercent leur activité sans droit ni titre, faute de renouvellement de leurs baux commerciaux ?
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JLC : Là vous revenez sur un sujet purement pragmatique. Nous faisons partie des personnes ayant écrit à la mairie et au préfet pour demander de traiter le sujet. C’est un peu compliqué, car il s’agit d’une délégation de l’Etat à la mairie puis de la mairie à un concessionnaire. En tout état de cause, il est inadmissible que des entrepreneurs puissent travailler dans des conditions si précaires. On demande très clairement, comme on l’a déjà fait, qu’une solution soit envisagée. On nous a promis que le temps de trouver la bonne solution juridique la situation resterait en l’état. Cette promesse n’est pas satisfaisante à nos yeux. C’est d’autant plus important que l’Escale Borély dont vous parlez est un des éléments qui va être un point de fréquentation majeur pour les Jeux olympiques de 2024.
A suivre : Jean-Luc Chauvin (2/2) : le rôle de la CCI à Marseille et au-delà
Propos recueillis par José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional