La vente du stade est au cœur des préoccupations de la majorité actuelle. Benoît Payan, maire socialiste de Marseille, clame haut et fort qu’il veut vendre le stade Vélodrome. C’était une promesse de campagne. Pour lui, le stade coûte trop cher au contribuable marseillais. Il cherche à vendre à tout prix, mais assure qu’il ne vendra qu’à la SAS OM. Pourtant, Franck McCourt, l’actuel actionnaire majoritaire de l’OM, n’a pas d’intérêt immédiat à le racheter et même s’il le souhaitait, il n’a pas les finances disponibles pour le faire. Aujourd’hui le stade coûterait selon une estimation 370 millions d’euros. Difficile pour le maire dans ces conditions de respecter sa promesse en l’état actuel des choses. A moins qu’il ne le sache déjà et se contente d’effets d’annonce.
Remontons le temps pour commencer. Nous sommes le 21 juin 2010, la majorité de la mairie de Marseille alors de droite annonce son plan de rénovation du stade Vélodrome en vue de l’Euro 2016 qui aura lieu en France. Il faut pour avoir le droit d’être une ville candidate disposer d’un stade qui réponde aux exigences de l’UEFA. Plusieurs options s’offrent alors à la mairie : financer entièrement les rénovations, emprunter aux banques ou passer par un partenariat public-privé.
C’est la troisième option qui sera retenue. Et c’est Bouygues Construction via sa filiale Arema qui gagne l’appel d’offre. Cent millions d’euros seront déboursés par Bouygues Construction qui lui seront remboursés sur trente ans par la mairie de Marseille. La mairie à travers ce partenariat s’engage donc sur le long terme avec Bouygues Construction. De plus, par sa filiale Arema, Bouygues sera chargé de la gestion du stade (aujourd’hui récupérée par l’OM). Mais le projet ne s’arrête pas à la seule rénovation du stade, il englobe également la construction d’un complexe hôtelier, d’un centre commercial, d’une clinique du sport, de logements, de bureaux et la restructuration du stade Pierre-Delort. Ce projet global a permis de dynamiser tout un quartier. On ne peut pas forcément évaluer de façon financière les retombées positives qui en découlent. Mais assurément elles sont immenses et ne peuvent en aucune manière être passées par pertes et profits.
Aujourd’hui, ce choix de financement est porté comme un fardeau par la nouvelle majorité dans sa quête de vente du stade. Pourtant sur le papier le partenariat public-privé paraît séduisant. En effet, les collectivités ayant de plus de plus de mal à financer de gros projets en raison de la disette budgétaire et des restrictions financières qu’elle engendre, elles se voient contraintes d’avoir recours à d’autres modes de financement. Le partenariat public-privé qui naît en 2004 semble alors une bonne alternative. Il permet à la collectivité de financer des projets importants en étalant son remboursement sur plusieurs années. Ainsi la collectivité n’a pas à supporter le lourd investissement que cela représente. Le partenariat public-privé présente donc bien des avantages, mais il reste un outil complexe et cet échange entre le public et le privé ne peut masquer les carences de la personne publique.
J’ai contacté M. Richard Miron, ancien adjoint au sport à la mairie de Marseille, qui se remet à peine d’une sévère maladie : « A l’époque, confie-t-il au Méridional, lorsqu’on avait présenté le projet, la majorité actuelle n’avait rien trouvé à redire et M. Payan faisait partie de ceux qui ont avalisé ce mode de financement si décrié par lui aujourd’hui !».
« Il se permet de critiquer aujourd’hui ce choix car sa municipalité de bric et de broc est à la recherche d’actions politiquement symboliques et la vente du stade en fait partie ». A l’époque, en effet, comme le rappelle justement M.Miron, M. Payan ne s’était pas opposé à ce contrat de partenariat. Il n’était donc pas contre un engagement sur le long terme. Ce désir de vouloir à tout prix vendre le stade résulte plus d’un calcul politique que d’une réelle conviction. M.Payan semble dans la forme plus que dans le fond. En témoigne son déplacement à Paris pour réclamer de l’argent au président de la République, une simple action de communication de plus. Cette majorité est habituée à l’enfumage. Ses soutiens nous ont gratifiés d’un rocambolesque changement à la tête de la mairie en permutant les places entre Michèle Rubirola et Benoît Payan. La vente du stade vient s’inscrire dans la même stratégie de communication et semble parfaitement en adéquation avec son électorat.
Au-delà de la réelle pertinence de vouloir vendre le stade, il est toujours plus facile de dire que de faire. Comme évoqué plus haut le partenariat public-privé lie la mairie sur le long terme ce qui rend difficile une vente. Est-ce que la ville vend le stade et continue de payer ses échéances ? Est-ce que l’acheteur rachète le contrat municipal en même temps ? De plus, la volonté de Benoît Payan de ne vendre qu’à la SASP OM rend impossible la vente sans changement de propriétaire à la tête du club. Soit M.Payan ne pourra pas tenir sa promesse de vendre le stade, soit il ment et il vendra à n’importe qui, soit il est dans le secret des dieux sur la possible vente du club à de mystérieux investisseurs.
Quoiqu’il en soit, ce dossier ne risque pas d’être réglé du jour au lendemain. Le stade qui appartient aux Marseillais ne doit pas être bradé. Le stade et la ville sont indissociables. Dans une société où l’argent est roi, il est important de garder des repères et des symboles. Pour construire l’avenir il faut s’appuyer sur les fondations du passé. Alors pour nos amis les comptables qui ne voient dans le stade qu’une ligne de plus dans la colonne des charges je laisserai M. Miron leur répondre : « le stade est le deuxième monument le plus visité à Marseille après Notre-Dame-de-la-garde. C’est un symbole de notre ville. Demain s’il est vendu à X ou Y rien ne nous dit qu’un projet immobilier ne verra pas le jour à sa place et qu’un nouveau stade ne sera pas construit à l’extérieur de la ville ». A bon entendeur…
Mayeul LABORDE