« Il a fallu que nos enfants meurent pour que ça bouge ! »

Les familles ont déposés des fleurs sur l'emplacement de l'immeuble qui s'est effondré le 5 octobre 2018. ©Alain Robert-Le Méridional

Environ 150 personnes se sont réunies ce mercredi matin rue d’Aubagne, à Marseille, pour commémorer la tragédie du 5 octobre 2018 qui avait coûté la vie à 8 personnes.


Sept ans après l’effondrement de l’immeuble de la rue d’Aubagne, l’émotion était encore très forte ce mercredi matin dans le quartier Noailles. Huit minutes de silence ont été observées à 9h du matin, une pour chaque victime ayant trouvé la mort ce jour-là. Les familles étaient présentes, entourées d’amis, du membre du Collectif du 5 novembre et de Marseillais de différents quartiers. Parmi eux, Laurence, qui voulait témoigner de sa solidarité aux familles des victimes : « Ça me parait important de rappeler que le drame continue parce que des tas de gens sont encore délogés ou mal logés, la situation est loin de s’arranger, particulièrement sur Marseille. Il faut mettre les moyens ! »

Les 8 victimes figurent sur la banderole installée devant la « dent creuse », où se trouvaient les 3 immeubles de la rue d’Aubagne. ©Alain Robert-Le Méridional

Construire un meilleur avenir

Certains des parents de victimes arboraient le portrait de leur fille ou de leur fils décédé sous les décombres. Et malgré ce drame, la situation est loin d’être réglée, s’offusque la mère de Julien Lalonde : « Je tiens à dire que nous sommes sous le choc depuis le procès. Nous attendions tellement de ce procès, nous avions de l’espoir », mais les peines n’ont pas été à la hauteur de leur espérance, ni de leur souffrance. « Il faut comprendre que notre douleur n’a pas disparu », confie-t-elle, dénonçant la négligence, l’égoïsme, l’irresponsabilité, la cupidité des copropriétaires, et rappelant à quel point il a été dur de se retrouver face aux 16 personnes poursuivies dans ce dossier.

Au premier plan, les parents de Simona Carpignano et Julien Lalonde qui ont pris la parole ce mercredi matin. ©Alain Robert-Le Méridional

« Il a fallu que nos enfants meurent pour que ça bouge ! », a-t-elle déploré. La mère de Simona Carpignano a également pris la parole et, la gorge nouée, s’est insurgée de voir la ville encore gangrénée par les logements insalubres : « Six ans d’enquête, six semaines de procès et que pouvons-nous en dire ? J’ai eu l’impression d’être à un spectacle, un show, je suis attristé de le dire. Nous avons été présents durant ces 7 ans, afin qu’une telle tragédie ne se produise plus. Ce procès aurait dû servir à ouvrir les consciences » a-t-elle regretté.

Garder espoir

Les familles gardent espoir car en juillet dernier, le procureur de la République a fait appel des condamnations prononcées. En première instance, dix personnes ont été condamnées, dont 3 à de la prison ferme, six ont été relaxées. Quinze des seize prévenus devront à nouveau comparaître du 2 novembre au 19 décembre 2026. Les familles et différentes parties civiles seront là, en hommage à leurs proches mais également, pour poursuivre la lutte contre les logements indécents. L’emplacement surnommé la « dent creuse », où se trouvaient les immeubles numéros 63, 65 et 67, se sera en principe transformé en un lieu de ressource. Les travaux viennent de débuter pour créer un espace pour se rencontrer, échanger, partager autour d’ateliers, d’évènements culturels, et surtout pour ne pas oublier Marie-Emmanuelle Blanc, Taher Hedfi, Julien Lalonde, Ouloume Said Hassani, Simona Carpignano, Fabien Lavieille Mohamed Cherif Zemar et Pape Niasse. 

Severine KRIKORIAN

Photos: Alain Robert – Le Méridional