Marseille : le rideau se ferme sur les Galeries Lafayette

Chronique d’un symbole éteint au cœur de la cité phocéenne.
Le rideau est tombé, lentement, lourdement. Pour la dernière fois, il s’est refermé sur des décennies d’histoire, de lumières et de souvenirs. Un rideau de fer, comme un point final posé sur ce qui fut jadis une fierté marseillaise : un grand magasin au cœur battant de la cité, à deux pas de la Canebière, où se mêlaient élégance, effervescence et art de vivre. Aujourd’hui, c’est la tristesse qui domine. Tristesse d’un symbole qui s’éteint. Tristesse de voir se déliter un peu plus l’âme commerçante du centre-ville. Ce n’est pas seulement un magasin qui ferme, c’est un pan de mémoire, un repère dans le tissu urbain et affectif des Marseillais.


Le symbole d’un échec collectif.


Comment a-t-on pu laisser mourir le centre-ville de Marseille ?

Comment a-t-on pu, au fil des années, détourner le regard alors que les rideaux se baissaient les uns après les autres. Les Galeries Lafayette n’étaient pas seulement un commerce : elles étaient un repère, une vitrine, une respiration au cœur d’une ville méditerranéenne façonnée par les échanges et les rencontres depuis plus de 2 600 ans. Marseille, bâtie comme un comptoir d’échanges multiséculaires, aurait dû faire de son centre un écrin vivant un lieu où cafés, marchés et boutiques rivalisent de charme et de créativité pour accueillir celles et ceux qui viennent y chercher une part de bonheur. Au lieu de cela, la lente agonie du commerce de proximité s’est poursuivie, inexorable, jusqu’à cette fermeture qui résonne comme le symbole d’un échec collectif.

Une foule, entre désolation et désillusion

Le dernier jour, ils étaient nombreux, massés devant les portes. Une foule silencieuse, puis fébrile, avide des dernières affaires, des ultimes liquidations à bas prix. Un spectacle désolant, presque cruel : celui d’une ville en crise, d’un centre appauvri, d’une population qui ne vient plus consommer le rêve, mais la détresse.

Car c’est bien là, au-delà de la question d’image, que se joue le vrai sujet : celui du développement économique. Le centre-ville ne peut survivre sans une vision, sans une volonté politique et citoyenne de lui rendre sa vitalité, sa beauté, sa fonction première d’être le cœur battant d’une métropole méditerranéenne, une vitrine de la cité, un exemple de l’art de vivre à Marseille, en Provence, en Méditerranée. Le rideau s’est baissé, oui, mais ça ne devrait pas être définitif. Car Marseille, plus qu’aucune autre ville, porte en elle cette capacité de renaissance.

Encore faut-il que les élus prennent conscience que sans centre-ville vivant et commerçants, il n’y a pas de ville tout court. Et que derrière chaque rideau qui se ferme, c’est un pan de Marseille qui s’efface.

Philippe Arcamone