[Vox Méridional] Mission terminée, incertitudes prolongées: le Premier ministre face à une Assemblée fragmentée.

Sur le plateau de France 2, le Premier ministre a présenté hier soir les conclusions de sa mission flash. Trois semaines de consultations intenses avec les forces politiques susceptibles de participer à la recomposition d’un nouveau gouvernement. Trois semaines qui débouchent sur un constat implacable : une Assemblée nationale plus que jamais fractionnée, où la majorité absolue, introuvable, refuse la dissolution mais se révèle incapable de s’accorder sur un cap commun. Le chef du gouvernement sortant dit pourtant entrevoir « un chemin possible ». Il en appelle à la constitution d’une équipe « débranchée des ambitions présidentielles », travaillant à une plateforme de stabilité fondée sur des priorités partagées plutôt que sur des postures partisanes. Une vision qui se veut rassembleuse, mais qui, à ce stade, manque de contours précis.


Le discours de Bayeux, une référence hors de propos

En citant le discours de Bayeux du général de Gaulle, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a voulu inscrire sa démarche dans une continuité institutionnelle, celle de l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Mais la comparaison sonne creux. Le contexte de 1946 était celui d’une refondation nationale, d’un pays à rebâtir et d’une Constitution à inventer.

Aujourd’hui, la crise est avant tout politique et sociale, non institutionnelle. La référence à Bayeux n’apporte ni clarté ni solution, et renvoie davantage à un cours de droit constitutionnel qu’à un discours d’action. Les Français, eux, attendent des décisions concrètes, pas une leçon d’histoire politique.

Une balle renvoyée à l’Élysée

Sur le fond, Sébastien Lecornu n’a rien donné de précis. Il a soigneusement évité de se poser en prétendant au poste de Premier ministre, laissant entendre que le choix revient au président de la République. Son rapport, remis hier soir à Emmanuel Macron, ne tranche aucune des grandes questions : ni sur la composition d’un éventuel gouvernement d’union, ni sur la direction à donner au pays.

Le dossier des retraites demeure le point le plus bloquant entre les formations politiques. Il symbolise à lui seul l’épuisement d’un système de gouvernance fondé sur la verticalité, désormais contestée de toutes parts.


Les urgences budgétaires et calédoniennes

Le Premier ministre a toutefois insisté sur deux urgences immédiates :
Le vote du budget, indispensable pour éviter la paralysie de l’État, et la crise en Nouvelle-Calédonie, où les tensions demeurent vives.


Interrogé sur une éventuelle présidentielle anticipée, il a botté en touche : « Le plus important, c’est d’abord de voter le budget », a-t-il répété. Manière de dire que l’heure n’est pas aux ambitions mais à la gestion du quotidien.


Une émotion contenue, un pays en attente

La fin de sa déclaration, empreinte d’une certaine émotion, laisse percevoir le poids d’une mission achevée sans véritable issue. Derrière la sobriété du ton, on sent la fatigue d’un exécutif à bout de souffle, et l’attente grandissante d’un pays qui aspire à la clarté.

Le rapport est désormais sur le bureau du président de la République.

Reste à savoir si, de ce document et de ces entretiens, émergera enfin un gouvernement capable de gouverner, ou si la France restera, encore un temps, en suspens.


Philippe Arcamone