De Marseille à Cassis, Nicolas Sarkozy a enchaîné les bains de foule, dédicaces de son livre et discours aux accents républicains. À la Villa Dona, il a rendu hommage à Danielle Milon, livrant une fresque sur la fidélité, la transmission et la verticalité de la République. Récit.
Dans le quartier de Saint-Barnabé, à Marseille, la librairie Arcadia n’a pas connu pareille effervescence depuis les visites de Michel Galabru ou Marcel Rufo.
À l’extérieur, une foule compacte s’est rassemblée, et ce n’est pas pour déplaire à Nicolas Sarkozy.
Avant même de s’installer pour signer ses ouvrages, l’ancien chef de l’État prend le temps de saluer son public, sous les appels de « Monsieur le président ».
Poignées de main chaleureuses, clichés improvisés, et un inlassable « c’est un bonheur d’être avec vous, merci beaucoup » ponctuent chaque rencontre, tandis qu’il évolue, encerclé par ses gardes du corps.
Stylo en main, sourire vissé au visage, en une heure, 200 exemplaires de son dernier livre Le temps des combats (Ed. Fayard) filent dans les mains des lecteurs, et autant de selfies et de photos souvenirs avec l’ancien président de la République.
Claudie Aïta-Canessa, une fidèle de la première heure, serre son livre comme une relique. « En 2007, il portait un immense espoir, celui d’un renouveau. Il voulait renverser la table, il déborde d’énergie », confie-t-elle, avec nostalgie.
Aujourd’hui, en contraste avec une présidence Macron qu’elle qualifie de « grand bazar », pointe une certaine désillusion.
Des nostalgiques et des fidèles de la première heure
Autour d’elle, une foule éclectique : des fidèles de longue date, des militants engagés, et même un jeune du mouvement Aix à Cœur qui ose glisser son CV à l’ancien président, espérant décrocher un stage.
Nathalie, « sarkozyste » assumée, incarne cette ferveur intacte. Comme d’autres dans la file d’attente, elle croit encore à un possible retour en politique de celui que beaucoup considèrent, malgré tout, comme encore le véritable patron des Républicains. « Un leader, un vrai », murmure-t-on en écho parmi les admirateurs.
Dans le flot, un visage surprenant : celui de Stéphane Ravier, sénateur et ancien membre du RN, désormais à la tête de son propre mouvement, « Marseille d’abord ». L’échange est aussi furtif que mystérieux, mais laisse entrevoir un sourire légèrement crispé de l’auteur du jour.
Entre deux rangées de livre, le sénateur nous confie avoir glissé à l’oreille de Nicolas Sarkozy une question teintée de provocation : « Pourquoi n’avez-vous pas appuyé sur la détente en 2007, après la débâcle des présidentielles et législatives, alors que le Front national semblait mort à 4,7 % ? Qu’est-ce qui a retenu votre main ? »
L’ancien président aurait répondu, laconique : « Je vous expliquerai un jour« , relate Stéphane Ravier non sans malice, tandis que la file ne désemplit pas sous le regard du patron des lieux. « C’est magique », s’enthousiasme Christophe Escofier, fondateur et propriétaire de la librairie Arcadia. Il ne manque pas de saluer « la pugnacité » de Sylvain Souvestre.
Le maire (LR) des 11e et 12e arrondissements, posté aux côtés de Nicolas Sarkozy, n’a manifestement pas ménagé ses efforts pour concrétiser cette visite tant attendue. Valérie Boyer, sénatrice LR, Bruno Gilles ex-LR désormais Horizons ou encore Laure-Agnès Caradec, présidente de la fédération (LR) des Bouches-du-Rhône ont répondu présents.
Nicolas Sarkozy, ou l’art de l’éloge de la fidélité
Après un déjeuner au Conseil départemental en compagnie de Martine Vassal, Renaud Muselier et d’autres figures locales, puis des bains de foule à Marseille et à Cassis, la journée provençale de Nicolas Sarkozy culmine à la Villa Dona, propriété de Jean Tigana, l’ancien footballeur international. C’est ici que Danielle Milon, maire de Cassis, a été élevée au grade de commandeur dans l’ordre national du Mérite.
Mais ce soir-là, il ne se contente pas de remettre une distinction. Son discours teinté d’humour, riche en anecdotes et en convictions, tisse une fresque de ce qu’il considère comme les piliers de la République : fidélité, engagement et verticalité.
L’événement réunit élus et notables locaux, parmi lesquels le préfet Christophe Mirmand, auquel Sarkozy adresse un clin d’œil complice. « Nous avons travaillé ensemble il y a très longtemps. Il n’était même pas encore préfet. Je crois pouvoir dire que Christophe Mirmand fait l’unanimité dans la région. Vous avez beaucoup de chance d’avoir un préfet comme lui. » Un éloge qui fait mouche, dans une salle visiblement acquise à ses propos.
Avec son sens du verbe, Nicolas Sarkozy s’autorise une digression spirituelle évoquant un dîner imaginaire avec Jésus : « Parce que, quand même, c’est assez rare de dîner avec quelqu’un qui a ressuscité. Et pour ceux qui douteraient qu’il est ressuscité, c’est encore plus rare, mesdames et messieurs les élus, d’avoir quelqu’un dont la vie publique a duré trois ans et qui, vingt et un siècles après, continue à parler à quatre milliards de personnes sur Terre”.
Une anecdote qui mêle humour et réflexion. « C’est la fidélité à nos racines judéo-chrétiennes. Moi, je suis de culture chrétienne. Je suis fier de mes racines. » La fidélité, leitmotiv de la soirée, revient comme une évidence dans l’hommage qu’il rend à Danielle Milon, « la fidélité incarnée. Fidèle à sa ville, à sa famille, à ses engagements. Vous avez modernisé Cassis sans jamais la trahir« . Un silence se fait, comme pour laisser ces mots s’imprégner dans l’assemblée.
Vassal-Muselier, un tandem en lequel il croit
Le passé, Sarkozy le convoque pour saluer Martine Vassal (DVD) et Renaud Muselier (Renaissance). « Je crois en le tandem que vous formez », affirme-t-il, soulignant leur complémentarité et leur engagement commun pour la région. Il revient sur leur collaboration de longue date, marquée par des choix politiques parfois différents. « Des amis », même au-delà de leur départ du parti.
Dans la continuité, Sarkozy défend avec force le rôle des élus dans la République. « Une commune a besoin d’un maire, un département d’un président, une région d’une incarnation. » Ces mots, qu’il prononce avec conviction, traduisent sa vision d’un système qu’il qualifie de « vertical », où chaque niveau institutionnel a une fonction clairement définie pour garantir l’efficacité et le lien avec les citoyens.
« Si tu veux gagner plus, tu travailles plus »
Nicolas Sarkozy évoque la question des enseignants avec une franchise qui lui est propre. « J’aime les enseignants (…), mais la vérité, c’est qu’on a besoin d’enseignants mieux payés, qui travaillent davantage », affirme-t-il. Une déclaration qui fait écho à ses propos récents sur le sujet, lorsqu’il avait ironisé sur la charge de travail des professeurs des écoles, estimant qu’ils travaillaient « 24 heures par semaine, six mois par an ».
Puis, avec une pointe de malice, il renoue avec ses phrases cultes. « Il y a quelqu’un qui a dit un truc assez juste : si tu veux gagner plus, tu travailles plus », déclare-t-il, avant de rappeler une de ses mesures emblématiques. « Quand je vois que la première mesure du président américain, c’est de donner des heures supplémentaires défiscalisées aux Américains, je voudrais dire à ce brave Donald Trump : on l’a fait il y a bien longtemps. »
Un sourire s’esquisse, les rires fusent, mais derrière l’anecdote se dessine une volonté de rappeler son empreinte réformatrice, toujours revendiquée. Malgré les tumultes judiciaires qui continuent de jalonner sa carrière post-politique, Nicolas Sarkozy conserve une aura singulière. Son ombre plane, imposante et familière, bien au-delà de ses mandats passés, comme si ce « président » ne quittait jamais vraiment la scène. De là à revenir dans la course…
Narjasse KERBOUA