Inaugurée en grande pompe, l’école Malpassé – Les Oliviers illustre l’ambition du plan écoles de Marseille. Si la majorité célèbre une étape clé, la droite pointe des choix politiques discutables et des promesses non tenues.
En fanfare, en confetti… En bref tambours battants ! Après les écoles Denise Toros-Marter (9e) et Simone de Beauvoir (3e), c’est ainsi qu’a eu lieu samedi matin, l’inauguration du groupe scolaire Malpassé – Les Oliviers dans le 13e arrondissement de Marseille. Forcément, tout était parfaitement orchestré pour faire de ce moment un temps fort du plan écoles de Marseille en grand, devenu depuis la rentrée « le plan du siècle ». C’est dire ! Trop présomptueux ?
Le maire divers gauche, Benoît Payan, assume sans sourciller : « Au contraire, il serait présomptueux de ma part de dire que je vais tout faire d’un coup. Mais je sais ce qu’on a décidé avec le Président de la République. Il faudrait remonter probablement au début des années cinquante pour voir un tel plan avec une telle ambition. »
Dans une salle de maternelle flambant neuve, le maire se projette : « Vous verrez qu’on aura probablement terminé ce plan d’ici 2035, peut-être 2040. Donc oui, ça fera quasiment un siècle. »
Des détails soignés pour une visite en grande pompe
Pour l’occasion, chaque classe avait été préparée avec soin. Des kits scolaires soigneusement disposés sur les bureaux, des tote bags estampillés Ville de Marseille suspendus aux porte-manteaux, et des chasubles bleues drapant les dossiers des sièges… La visite des lieux se voulait ludique et pédagogique, avec au programme tableau interactif, ateliers dessins ou encore quizz auquel se sont prêtés le maire, le recteur de l’académie Aix-Marseille, Benoît Delauney, la maire adjointe Samia Ghali, le préfet de Région Christophe Mirmand… Une mise en scène maîtrisée, aussi joyeusement sincère qu’intentionnelle.
Dehors, dans la cour de récré végétalisée, ça court, ça joue avec les installations de jeux en bois, ça roule sur la piste cyclable improvisée, ça prend la pause devant le photobooth… Un esprit de grande kermesse organisée.
Un chantier emblématique pour le quartier
Depuis la rentrée 2024, et après un an et demi de chantier – lancé sous le mandat éclair de Michèle Rubirola (EELV) – 462 élèves ont investi l’établissement moderne.
Celui-ci compte un restaurant scolaire avec deux réfectoires, 15 classes élémentaires dont 8 classes de CP-CE1 dédoublées, 11 classes de maternelles dont 4 classes de grandes sections dédoublées et 2 classes de toute petite section, une Unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) ainsi qu’une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants.
Le gymnase de 800 m², une fois livré en 2025, la bibliothèque, la salle polyvalente ainsi que le centre de documentation et informatique seront accessibles aux habitants du quartier.
Un investissement de plus de 19 millions d’euros, porté par la Société publique des écoles marseillaises (SPEM), bras armé de la Ville et de l’État pour mettre en œuvre ce projet à 1,5 milliard d’euros, qui prévoit de retaper ou reconstruire 188 écoles, « avec un objectif d’en produire 18 à 20 par an. C’est considérable et inédit dans la période récente de notre pays », note le préfet de Région, Christophe Mirmand. « Nous procédons par phases, ou vagues de réalisation. »
Des ambitions affichées pour 2026
Le représentant de l’État ne cache pas l’intention première : « Aujourd’hui, ce que nous sommes venus faire, comme il y a quelques semaines lors de l’inauguration Simone de Beauvoir – et nous aurons d’autres chantiers qui seront inaugurés –, c’est montrer que ce plan se met en Å“uvre. Parce qu’il s’agit de répondre à des urgences identifiées depuis plusieurs années. Et c’est ensemble que nous devons réaliser cette ambition de rénover ces écoles. »
D’ici à la fin du mandat, « on va inaugurer probablement dix-huit écoles, assure le maire. Complètement neuves ou complètement rénovées et on va lancer des chantiers. On va s’approcher de la cinquantaine d’écoles lancées ou construites et complètement rénovées ».
Et puis, il y a la question des financements essentiels pour assurer la continuité du projet. Le préfet se veut rassurant : « C’est une priorité absolue reconnue par l’État et par la Ville ».
Selon lui, les moyens sont déjà en grande partie disponibles, avec une autorisation d’engagement couvrant l’essentiel de la subvention de l’État. Des financements locaux, comme la dotation de soutien à l’investissement local ou le Fonds vert, viennent compléter le dispositif.
Une sélection politique dénoncée par l’opposition
Le hic ? La droite locale dénonce une opération de communication. « Cette inauguration est une excellente nouvelle pour les élèves, agents et enseignants de l’école ! Et c’est bien l’essentiel. Mais la rattacher au plan Marseille en grand, comme le fait Benoît Payan, est un sacré exercice d’équilibriste – ce chantier a été lancé au début du mandat de Michèle Rubirola, pointe Romain Simmarano, co-fondateur du collectif Une Génération pour Marseille. Son fameux ‘plan écoles du siècle’, en réalité, n’a toujours donné aucune école aux Marseillais. Voilà la triste réalité. »
Sylvain Souvestre, maire LR du 11-12, dénonce une sélection politique dans le choix des établissements prioritaires, bien que Malpassé – Les Oliviers relève du secteur de Marion Bareille, maire (LR).
Absente pour des raisons personnelles, elle était représentée par huit de ses élus. « Il s’agit d’une belle réalisation, et je me réjouis pour les enfants et le corps enseignant. Mais cette livraison ne doit pas nous faire oublier le retard pris par la Ville. Il faut aller beaucoup plus vite, d’autant que le plan pour Marseille a donné tous les moyens à la Ville pour réussir », nous confie-t-elle.
« Des écoles comme Montolivet ou La Grande Bastide Cazaulx n’ont vu aucun début de chantier malgré des besoins urgents. Les parents sont à bout, les enseignants ne peuvent plus travailler dans ces conditions », poursuit Sylvain Souvestre.
Le maire de secteur regrette également « un manque de concertation totale avec la mairie centrale, de calendrier et de transparence sur les priorités. À ce rythme, aucune école de mon secteur ne sera livrée avant la fin du mandat ». Entre « le rêve vendu en 2021 » et « la réalité de 2024 », l’élu de droite pointe un « fossé immense ».
Une critique que Sylvain Souvestre lie à un autre grief majeur : « La taxe foncière a été augmentée, les milliards du plan Marseille en grand sont là , mais sur le terrain, rien ne bouge. C’est une énorme déception pour les habitants ».
Entre tambours et silences, le chantier des écoles marseillaises reste un terrain de jeu politique où chaque camp cherche à marquer des points. Le débat est loin d’être clos. Reste à savoir ce qui viendra sonner la fin de la récré.
N.K.
SUR LE MÊME SUJET