La régulation Airbnb à Marseille, une mesure à double tranchant ?

Face à la crise du logement, Benoît Payan annonce des restrictions drastiques contre les locations Airbnb à Marseille. Mais si ces mesures visent à préserver les biens pour les habitants, elles pourraient aussi freiner l’investissement immobilier dans la ville.

Benoît Payan a décidé de passer à l’offensive. « La vie tranquille de ceux qui empêchent les Marseillais de se loger, c’est terminé », a-t-il martelé sans détour lors de son passage à l’émission « Rue de la République ».

Face aux journalistes Didier Gesualdi (Maritima) et Léo Purguette (La Marseillaise), le maire (DVG) de Marseille a dénoncé un « système vicieux » autour d’Airbnb, une plateforme dont la popularité croissante pèse de plus en plus sur le marché du logement permanent.

Airbnb, pour rappel, est une plateforme en ligne fondée en 2008 qui connecte les propriétaires louant leurs logements avec des voyageurs à la recherche d’un séjour. En quinze ans, elle a connu une expansion phénoménale, regroupant près de 6 millions de logements dans 100 000 villes à travers le monde.

Marseille face à l’« Airbnbisation »

Selon le maire, la ville de Marseille est confrontée à une « Airbnbisation » galopante, avec 12 000 logements marseillais proposés en location saisonnière en 2023.

Si ce chiffre semble modeste par rapport aux 440 000 logements que compte la ville, le problème est que ces locations sont concentrées dans certains secteurs, comme le 6e, 7e, 8e arrondissements, ainsi que certaines parties du 2e et 1er.

Ces quartiers subissent une pression accrue sur le foncier, provoquant une hausse des prix, des tensions dans l’accès au logement et une dégradation de la qualité de vie.

Un contexte législatif national en évolution

La régulation locale voulue par Benoît Payan s’inscrit dans un cadre national en plein durcissement. En janvier 2024, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à encadrer les meublés touristiques.

Si le texte initial proposait de réduire drastiquement l’abattement fiscal pour les propriétaires de meublés touristiques, le Sénat a assoupli cette disposition, la fixant à 50 % pour les logements classés, contre 30 % initialement.

En revanche, la disposition qui permettait aux maires de limiter la durée maximale de location de 120 à 90 jours par an a été supprimée, un point de discorde entre élus locaux et législateurs nationaux.

La règle de compensation et la brigade Airbnb

Dans ce cadre, Marseille a décidé d’adopter une mesure phare : la règle de compensation. Déjà en vigueur à Paris, elle impose aux propriétaires souhaitant louer leur résidence secondaire en courte durée de racheter un autre bien à mettre sur le marché locatif traditionnel.

Benoît Payan a été clair : « À Marseille, ce sera la norme », précisant que 75 % des propriétaires Airbnb n’habitent même pas dans la ville.

Pour veiller à l’application de ces nouvelles règles, une brigade spéciale a été mise en place, chargée de surveiller les infractions. Ces agents, assermentés, contrôlent les annonces en ligne et sur le terrain.

Leur mission est d’envergure dans une ville aussi vaste et touristique que Marseille. En 2023, 1 500 annonces frauduleuses ont été détectées, soit 10 % des annonces publiées.

Un équilibre difficile à trouver

Si ces régulations visent à freiner l’explosion des prix et à ramener de la stabilité sur le marché locatif, la question demeure : seront-elles suffisantes ? Comme le soulignait l’économiste Jan Tinbergen, prix Nobel en 1969, des problèmes complexes nécessitent des solutions multiples.

La SPLA-IN (Etat, Métropole, Ville), qui s’occupe de la réhabilitation de l’habitat privé dégradé, vient, par exemple, compléter ces mesures, mais est-ce assez pour contrer la pression touristique sur l’immobilier ?

La crainte de faire fuir les investisseurs est bien réelle. Certains quartiers, encore en pleine mutation, ont besoin de capitaux pour se développer.

Limiter les locations saisonnières pourrait ralentir la rénovation de certains secteurs. D’un autre côté, les zones saturées comme Le Panier ne peuvent plus absorber la pression touristique sans voir exploser les prix et les habitants historiques fuir, emportant avec eux l’âme du quartier.

Entre préserver et attirer, le juste équilibre

En resserrant les règles autour des locations Airbnb, la capitale a réussi à stabiliser certains quartiers et à freiner la spéculation. Marseille pourrait suivre cette voie, en ciblant les zones les plus en tension tout en permettant à d’autres de respirer et d’attirer les investissements nécessaires. L’objectif : préserver l’authenticité des quartiers tout en soutenant le dynamisme économique.

Quant à Airbnb, l’entreprise américaine, interrogée par BFMTV, a déclaré « accueillir favorablement les réglementations locales qui permettent aux villes d’assurer un juste équilibre entre l’offre d’hébergement à l’année et le développement du tourisme. »