Basket (Pro B) : bilan et perspectives avec William Raffa, président du Fos Provence Basket

Quelques semaines après le maintien in extremis des Fosséens en Pro B, le président du club « Black&Yellow » tire les enseignements d’un exercice éprouvant et se projette sur l’intersaison à venir.

Il s’en est fallu d’un cheveu pour que Fos Provence Basket ne quitte le monde professionnel du basket français après avoir passé 15 ans en LNB. Derniers de Pro B à trois journées de la fin, les BYers ont finalement réussi leur mission en remportant leurs trois derniers matchs pour sauver le club de la relégation, avec un dernier match face à Angers au scénario incroyable (75-72 après avoir été mené 64-70 à 2 minutes de la fin).

Après cet immense soulagement, l’heure est maintenant au bilan pour le président du club fosséen, William Raffa, qui a pris le temps de répondre aux questions du Méridional afin de faire le point sur les enseignements tirés de la saison 2023-2024 et l’avenir, avec un retour espéré des troupes de Rémi Giuitta dans le haut du panier de l’antichambre de la Betclic Elite.

Le dernier match qui a vu Fos Provence Basket a été riche en émotions. Rémi Giuitta parlé d’un sentiment équivalent à celui d’une montée. Est ce que vous partagez son impression ?

Je me rappelle très bien ce que j’avais en tête à 2-3 minutes de la fin. On était dans la nasse, donc j’étais obligé de me dire : «  Je vais devoir prendre le micro en après match, parler aux partenaires, aux collectivités, à notre maire, il faut basculer sur un autre discours », avec une descente en N1 qui, à ce moment là, semblait presque comme une certitude. Et puis il s’est passé ce qu’il s’est passé, avec les deux lancers manqués de Darel Poirier qui nous relancent, et surtout Mathieu Wojciechowski qui a été phénoménal en terme d’exemplarité depuis son arrivée. Il a été le joueur « clutch », qui a su amener toute l’équipe vers ce résultat. Et comme disait Rémi, ça a été une joie intense, mais aussi un soulagement.

Monter en Betclic Elite, c’est une marche qu’on gravit, c’est presque du bonus pour nous. Éviter une relégation, ça empêche de mettre un coup d’arrêt dans le projet club, même si ça aurait été la fin de rien du tout. Sportivement, c’est une autre dimension, on sort de la LNB… On aurait assumé tout ça. Là, on reste là où on est. On va en tirer les enseignements, continuer à travailler, éviter de refaire les mêmes erreurs. Donc ça a été un soulagement énorme, et de voir la salle en fusion, ce sont quasiment les seules belles minutes de la saison. On dit souvent dans le sport pro que c’est 99% d’emmerdes, et 1% de joie. Ce 1%, il est parfois capable de faire oublier les 99 autres. Ça a été ça.

Crédit photo : Rudy Bourianne

Quel bilan tirez-vous de cette saison ?

Déjà ce qu’on peut se dire c’est qu’à 90 secondes près, j’aurais pu faire un bilan bien différent de celui là. C’est le bilan d’une saison où on est passé par tous les états émotionnels. Ça a été les montagnes russes. Il y a eu un début raté, un ajustement d’équipe qui a relancé la machine, puis un nouveau trou d’air, pour finir par un sans faute sur les trois derniers matchs, avec un scénario jouissif sur la dernière « finale » face à Angers. On a traversé des moments difficiles dont on aurait pu se passer en début de saison, parce qu’on a frôlé la correctionnelle sur le plan sportif, mais la joie et l’énorme soulagement ressenti au soir du dernier match gomment tous les états un peu compliqués qu’on a pu ressentir.

On peut également souligner la très belle performance des Espoirs cette saison, qui ont fini vice-champions de France de Pro B avec Willan Marie-Anaïs en MVP de la saison et Djibril Diawara dans le cinq majeur.

Quels sont les principaux enseignements qu’on tire après une saison comme celle là ?

Je pense que le coach tirera les enseignements sur le plan technique, notamment sur l’évolution du jeu en Pro B, avec beaucoup d’équipes proposant un jeu peut-être moins académique, moins séduisant, mais très offensif, avec beaucoup de jeunes joueurs qui courent beaucoup. On peut parler de Vichy, de Rouen… Ce sera à Rémi (Giuitta) de réfléchir à tout ça.

La clé reste la qualité du recrutement, tant au niveau du basket que de la qualité des hommes. On a fait quelques erreurs, qu’on a corrigées en cours de saison. Quand on a un budget serré comme nous, ce n’est pas toujours évident de couper des joueurs et de les remplacer tout en restant dans l’enveloppe budgétaire octroyée. Et Rémi, qui est très bon sur ce genre de choses notamment, a su trouver les bonnes personnes pour relancer l’équipe.

Il ne faut pas oublier non plus que l’obligation de résultat ne doit pas dépendre que du coach, de ses assistants, et des joueurs. Le club a aussi des objectifs de résultat, sur le plan du développement commercial, des sponsors, de la buvette, de la billetterie ou encore de la boutique. On est aussi très attentif à l’affluence du public, et je suis persuadé que si on avait pu garantir des salles pleines et enthousiastes comme sur les trois derniers matchs à domicile, les joueurs auraient certainement trouvé ce petit supplément d’âme pour aller chercher les deux-trois points qu’il aurait fallu sur certains matchs.

Je crois qu’on est l’équipe qui a le plus perdu de matchs sur des écarts serrés. On a dû en perdre une dizaine, et c’est sans doute un record pour nous. Beaucoup de matchs se sont joués à très peu de choses. Ça veut dire que si la salle avait joué son rôle comme sur les derniers matchs, comme lorsque Darel Poirier a manqué ses deux lancer-francs, qui vont rentrer dans l’histoire du club, on se serait peut-être épargné ce stress sur le sprint final.

Est-ce une saison dont le club peut paradoxalement sortir grandi ?

Tout à fait. On reste conscient de ce que nous sommes, de nos limites actuelles, en termes de moyens, de structuration. Chaque intersaison est l’occasion de rebattre un peu les cartes. Cette saison, c’est encore plus d’actualité. Il faut intégrer qu’on aurait pu descendre en N1. Il y a donc des lignes qui doivent bouger, des secteurs qui doivent être renforcés… Des process qui doivent être revus, et je le répète, pas que sur le sportif. C’est un enjeu « club ». Le club doit progresser dans son ensemble.

On est là pour développer le club. Je répète souvent ce mot développement, et si possible sur des bases solides. Et pour ça, il faut arriver au niveau économique à améliorer la quote part de nos ressources générées par les activités du club. Il y a également le volet « partenariats privés ». On a la chance d’avoir ce socle avec la subvention de la ville de Fos, qui joue le jeu de manière extraordinaire. Ce soutien sans faille nous donne une obligation d’acteur territorial fort. Quand on se compare aux autres clubs, c’est à ce niveau qu’on doit travailler.

Il y aura aussi l’extension de la salle (voir ci-dessous), qui est programmée pour cette intersaison, sur au moins une tribune, qui va mécaniquement développer nos recettes « match ». Ce sont ces axes de développement qui vont nourrir le club, et ça rejaillira forcément à un moment sur nos ambitions sportives.

Il ne faut pas non plus oublier que Rémi est reparti avec un staff remodelé. On sait que son assistant, Lionel Soukdeo, va progresser, Mamadou Dia, qui est arrivé en cours de saison, va lui aussi apporter encore plus la saison prochaine. Ce staff a vécu des choses, on va capitaliser sur tout ça. L’effet d’expérience va bonifier tout ça. On est aussi reparti avec une équipe toute nouvelle. Tout ça a joué aussi.

Crédit photo : Rudy Bourianne

Malgré les nombreuses galères, il y a quand même eu quelques satisfactions. Lesquelles vous viennent en premier à l’esprit ?

On va commencer par les Espoirs, qui ont eu un niveau de jeu intéressant, qui sont allés jusqu’en finale du championnat de France Espoirs Pro B, avec des individualités qui sont sorties du lot, dont Willan Marie-Anaïs, qui s’est mué en facteur X sur la fin de saison avec les pros, ce qui restera comme l’une des belles histoires de la saison. Je pense également à Djibril Diawara, Kevin Minar aussi, qui commencent à s’entraîner avec les pros. On reste fidèle à notre politique de formation, dans la lignée de ce qu’on a pu faire par le passé, avec Bodian Massa notamment qui brille aujourd’hui à la JL Bourg. Pour le club, c’est important.

Même s’il n’est pas issu du centre, Maxime Galin a aussi su tirer son épingle du jeu à certains moments, même si je laisserai le coach faire les bilans individuels. On peut également ajouter Jordan Degré. C’est une fierté par rapport au basket territorial, à la BYers Academy qui continue à jouer son rôle. La formation est un pilier de notre projet.

Je retiendrais aussi cette « deuxième équipe » avec les ajustements de l’hiver, et notamment le choix des hommes. On a su corriger nos erreurs là-dessus, et Rémi a su recréer une équipe qui correspond à notre ADN, bien défendre pour mieux attaquer. Je me rappelle notamment de quelques conférences de presse, où il disait qu’il avait enfin une équipe qui lui ressemblait. C’est une satisfaction, parce que ça veut dire qu’en choisissant les bonnes personnes, on peut mener notre mission à bien. Ça peut arriver de se tromper dans un recrutement, sur le terrain comme dans les bureaux. On pourrait en citer pas mal, mais je pense à Mathieu Wojciechowski, qui a incarné tout ça. Il m’a fait penser à un JB Maille, le genre de joueur qui va se dépouiller, tout donner. Donc on s’est trompé, mais notre capacité à réagir, à trouver les solutions, on apprendra de tout ça.

Enfin, il se passe beaucoup de choses sur le territoire, au sujet de la décarbonation, des énergies propres, avec beaucoup d’acteurs qui arrivent. On essaie d’accompagner ce mouvement en étant exemplaire. Tout mouvement industriel est une opportunité pour le club pour capter de nouveaux partenaires. Il y a de nouvelles opportunités qui se dégagent. On creuse un sillon. Il n’y aura pas de retour sur investissement immédiat, parce que ça prend du temps. Mais on a une vision à deux-trois ans, et ça va payer. Christophe Sanchez et son équipe ont fait ce qu’il fallait pour se retrouver au cœur de ces enjeux territoriaux. C’est au cœur de nos priorités, l’ancrage territorial. On a un modèle de club qui n’est évident. On n’a pas de mécène pour renflouer les caisses chaque année. L’économie du basket professionnel est compliquée. On tire notre épingle du jeu, mais ce n’est pas facile.

Quelle est votre visibilité à ce jour pour la constitution de l’effectif de la saison prochaine ?

A ce jour, elle est très réduite, parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y a encore trois semaines, on ne savait pas dans quelle division on allait jouer. C’est difficile de prendre de l’avance, que ce soit sur les joueurs qu’on veut garder, qu’on convoite. Rémi commence à peine à faire les entretiens avec les joueurs, à se projeter ou pas, avec le milieu des agents aussi. Il va lui aussi faire le bilan de la saison, donc je n’irai pas concrètement sur le terrain concernant la suite à donner. On est connecté, mais c’est son domaine.

Ce qui est certain, c’est que la leçon de la deuxième partie de saison a été retenue, et d’avoir su trouver les joueurs capables d’incarner ce que nous sommes, notre ADN, ça restera une des clés d’entrée importantes de la nouvelle équipe.

Avez-vous été traversé par l’idée de vouloir repartir avec le même groupe  ou 80-90% du même groupe, si c’était possible ?

C’est le problème, il faut que ce soit possible. Dans ce groupe, il y avait des joueurs qu’on a pu faire venir sur des contrats plutôt courts, qui restaient dans notre enveloppe budgétaire, mais sur du court terme. Sur une saison complète, on n’aurait pas pu les assumer financièrement. Soit le coach va se dire qu’il faut absolument en garder, et il faudra alors convaincre sur le projet, la qualité de vie, ce qu’on peut apporter pour équilibrer la donne. Soit c’est un discours vain, et on trouvera d’autres solutions.

Il ne faut pas non plus rester sur l’euphorie de ce dernier match. Sans vouloir atténuer la performance extraordinaire, on a battu un club qui était le dernier de la division sur le dernier match, La Rochelle et Aix-Maurienne avant, qui n’avaient rien à jouer. Ce n’est surtout pas pour diminuer la performance. Mais je suis certain que le coach aura un regard lucide et froid sur tous les matchs qu’il a pu vivre avec cette équipe. Les enseignements seront tirés sur cette période, pas seulement sur les trois matchs qui nous ont sorti de la nasse.

C’est important d’avoir du discernement, rester objectif, et voir les leviers qu’on peut activer pour avoir plus de garanties. Il faudra peut-être faire moins de « paris » que cette année. On a fait beaucoup de paris cette saison, soit sur des jeunes, ou des joueurs expérimentés qui revenaient d’autres contextes, avec qui l’alchimie ne s’est pas faite. Sur la fin de saison, on a vu une équipe avec un grand E. C’est ce que Rémi va essayer d’avoir pour le 13 septembre afin d’espérer retrouver les playoffs.

Quelle est votre ambition à l’entame de cette intersaison ?

Ce qui est certain, quel que soit le nombre de joueurs qu’on conservera, c’est qu’on repartira avec un noyau plus important que la saison passée, où on repartait quasiment de zéro hormis la présence de Jordan Degré. Là, on aura bien 3-4 joueurs au minimum avec lesquels on va repartir. Le chantier sera moins colossal en terme de construction. Je ne vais pas dire que ce sera que de l’ajustement, mais Rémi va pouvoir évaluer ses besoins un peu plus sereinement. Il y aura donc moins de pari, moins d’incertitude. Ça, c’est quand même important. On ne repart pas de zéro comme l’été dernier. L’aspect humain restera primordial. Il faudra être « BYers compatible ». Non pas qu’on soit un club atypique, mais chaque club a ses spécificités. Il faut qu’on ait des joueurs qui collent à ça.

Propos recueillis par Romain DAVESNE

DES TRAVAUX A VENIR POUR LA HALLE HENRI GIUITTA

L’heure est venue pour l’enceinte fosséenne de s’offrir un nouveau lifting ! Que de chemin parcouru depuis 15 ans pour l’ex Halle Parsemain devenue Halle Henri Giuitta, qui va donc bénéficier d’une quatrième et dernière tribune Nord inamovible, en face de la tribune « Black&Yellow ».

« Le maire René Raimondi a été conforté sur les derniers matchs dans la nécessité d’augmenter la capacité de la salle. Si tout va bien, techniquement parlant, on aura pour le premier match de Pro B à domicile, le 13 ou le 20 septembre prochain en fonction du calendrier une tribune supplémentaire en face de la tribune Black&Yellow », a confié le président William Raffa qui évoque un agrandissement de 400 places grâce à cette tribune, ainsi que des sièges VIP en plus qui pourraient trouver place derrière les bancs des joueurs.

D’autres travaux seraient envisagés par la suite pour arriver à terme à une salle pouvant accueillir 2 800 spectateurs. « A nous de bien travailler pour que l’affluence soit au rendez-vous et qu’on puisse enchaîner davantage de matchs à guichets fermés », a poursuivi le président Raffa.