Académie de Marseille : Jean-Noël Bévérini claque la porte

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe rue Adolphe Thiers au siège de l’académie des Sciences, des Lettres et des Arts de Marseille : l’un de ses membres les plus éminents depuis son élection le 7 juin 2007, Jean Noël Bévérini, commissaire en chef de la Marine Nationale qui a servi durant trente ans en Méditerranée, dans l’océan Indien et en Polynésie française, ardent défenseur du patrimoine marseillais et français, a décidé de claquer la porte. Voici les raisons de cette démission surprise.

Jean-Noël Bévérini n’est pas n’importe qui. C’est un des plus grands poètes de notre siècle, l’égal d’Edmond Rostand, un homme de plume et d’épée dont la verve peut enthousiasmer toutes les générations. M.Bévérini n’a aucune animosité envers quiconque mais il a constaté une certaine « dérive » de la Compagnie qui ne répond plus, à ses yeux, à sa vocation de figure de proue de notre patrimoine.

Il est vrai qu’une association, fût-elle tricentenaire, réunit des membres qui partagent en général les mêmes valeurs et une unité de pensée qui n’appelle aucune dissidence. Elu à l’unanimité au fauteuil 34 précédemment occupé par le capitaine de Vaisseau Georges Bergoin, secrétaire perpétuel de l’Académie, Jean-Noël Bévérini s’est engagé à maintes reprises dans des actions éclatantes visant la défense du patrimoine et son départ est lié sans doute au constat d’une certaine désaffection de ses camarades sur des enjeux qu’il juge fondamentaux.

Jean-Noël Bévérini a du mal à comprendre et à accepter le silence prudent des académiciens de Marseille, naguère très concernés, sur la défense de notre Patrimoine marseillais. Pour lui, la prestigieuse association de la rue Thiers ne doit pas devenir une simple académie de Marseille, elle doit rester ce qu’elle a toujours été : une grande « académie pour Marseille ». Comment expliquer le mutisme de l’académie, par exemple, lors de l’enfouissement du complexe grec antique du collège du Vieux-Port alors même que Madame Jacqueline de Rumilly en avait pris la défense. Pourquoi l’académie est-elle restée silencieuse sur la question du devenir du site religieux et de la « memoria » de la rue Malaval ?

Tout se passe comme si certains membres de l’académie ne souhaitaient pas interférer dans certaines décisions politiques. Ils n’ont pas bronché lors de la destruction de la nécropole grecque antique d’Arenc et de son enclos funéraire, ils n’ont pas protesté non plus contre la boulimie conjuguée des politiciens et des promoteurs qui ont carrément sacrifié la carrière grecque antique de la Corderie, acte de baptême de « Massalia ». Mieux, l’académie a écrit au maire actuel de Marseille pour lui signifier qu’elle se « désolidarisait de l’action de M. Bévérini » alors que Stéphane Bern ainsi que le premier magistrat de la commune et son adjoint à la Culture trouvaient « intéressantes » les propositions de préservation émises par M. Bévérini…

L’académie n’a pas levé le petit doigt non plus lorsque l’Etat a décidé délibérément de supprimer un site qu’il avait lui-même classé. Elle n’a pas jugé utile d’intervenir quand deux chapelles de notre terroir marseillais ont été détruites et que le seul musée de la Marine au palais de la Bourse a été supprimé. L’académie est-elle toujours digne de son blason orné d’un Phénix, l’oiseau qui renaît toujours de ses cendres ?

Le fait est que cette vénérable institution a trahi sa mission première qui consiste à défendre le patrimoine marseillais et elle devrait rester de marbre devant les « conseils » et autres « suggestions » de certaines élites dirigeantes qui n’ont pas vraiment le même respect de notre histoire commune. La colère de M. Bévérini est parfaitement légitime car les sages de l’académie ont mieux à faire que de mêler leurs voix silencieuses aux « démolisseurs » de notre patrimoine. Leur silence n’est même plus de la prudence ou de la pusillanimité, c’est une insulte. M. Bévérini a reçu déjà des centaines de témoignages de soutien et nous présentons à ce Cyrano des temps modernes l’assurance de notre admiration et de notre respect.

José D’Arrigo

Rédacteur en Chef du Méridional