L’Olympique de Marseille est certainement un club à part, avec une ferveur exceptionnelle et une histoire légendaire. Fort de ses bientôt 123 ans, le club a vu passer de nombreux joueurs mythiques dont certains sont tombés dans l’oubli malgré des performances incroyables. C’est le cas d’Emmanuel Aznar (attaquant dans les années 30-40), laissé de côté dans la mémoire des supporters au profit des joueurs emblématiques et plus récents comme Josip Skoblar ou Jean-Pierre Papin. Pourtant, Aznar est l’un des attaquants les plus marquants du club. Il s’est notamment distingué pour avoir inscrit pas moins de 9 buts lors d’un match du Championnat de France.
Emmanuel Aznar est né en Algérie le 23 décembre 1915 à Sidi Bel Abbès. Il effectue ses premiers pas dans le football à l’âge de 16 ans au Sporting Club de Bel Abbès, un club au palmarès très étoffé, surnommé à l’époque « le Real Madrid de l’Afrique du Nord ».
Aznar arrive à marseille en 1936
Le Français arrive à Marseille en 1936, sans se douter que le club et cette ville allaient devenir aussi importants dans sa vie. Avant-centre, il était souvent utilisé comme inter (un rôle qui n’existe plus aujourd’hui), c’est-à -dire comme un ailier intérieur pas totalement milieu ni attaquant non plus. Ce poste était surtout utilisé dans la tactique très offensive du « WM », dispositif le plus prisé à l’époque d’Aznar, jusqu’à sa disparition progressive à partir des années 50.
Emmanuel Aznar se construit un joli palmarès à Marseille avec deux titres de champion de France (1937/1948) et deux coupes de France (1938/1943), une compétition qui lui réussit avec 24 buts au total.
Un joueur aux statistiques hors-norme
Aznar est un joueur toujours présent dans les grands rendez-vous. C’est lui qui marque le but décisif en finale de Coupe de France contre Metz en 1938, pour une victoire 2-1 après prolongation. Il inscrit également un doublé en finale face à Bordeaux en 1943, en transperçant littéralement les filets sur le premier but, tant sa frappe de balle est puissante. Deux ans plus tôt, il s’était déjà illustré en inscrivant un quintuplé face à Lens en demi-finale.
Il marque le championnat de son empreinte, avec 91 buts sur l’ensemble de sa carrière olympienne, ce qui fait de lui le quatrième meilleur buteur de l’histoire de l’OM en D1 derrière Jean-Pierre Papin (134), Josip Skoblar (151) et Gunnar Andersson (170).
91 buts sur l’ensemble de sa carrière olympienne
Mais le plus impressionnant chez « Manu », ce sont ses statistiques globales : 152 buts en 205 matchs sous le maillot phocéen, ce qui donne un ratio incroyable de 0,74 but par match.
Malgré ces chiffres renversants, il n’a connu qu’une seule sélection chez les Bleus avec un but au compteur, sans qu’il y ait de réelle raison sur son absence en Equipe de France. Aznar reste encore aujourd’hui, l’un des plus grands buteurs de l’histoire olympienne.
1942-1943, la saison de tous les records
L’une de ses meilleures saisons est probablement celle de 1942-1943 dans un contexte très particulier. Cet exercice se déroule en pleine période de guerre avec un championnat divisé en deux parties, le groupe Nord et le groupe Sud.
L’OM termine 3ème avec 100 buts marqués dont quasiment la moitié inscrit par Aznar (45 buts). Mais cette saison-là , un match permet au buteur de rester dans la légende : le Marseille- Avignon du 6 octobre 1942. Une victoire (20-2), face au dernier du championnat, historique à plusieurs niveaux. Il est le plus large succès de l’OM en championnat ; mais surtout, l’inévitable Aznar inscrit un nonuplé, le seul de toute l’histoire du championnat de France ! Le plus fou reste que le Français ne dispute qu’une partie de la rencontre puisqu’il sort sur blessure à la 66ème minute.
le mythique marseille-avignon du 6 octobre 42
Malheureusement pour le joueur, ce record n’est pas comptabilisé comme officiel, étant donné le contexte de guerre. Mais cela est d’autant plus impressionnant que ça n’a jamais été reproduit par la suite.
Le record officiel est de 7 buts partagé par André Abegglen et Jean Nicolas. Depuis il y a également eu le sextuplé de Tony Kurbos, les quintuplés de Jean-François Beltramini et Philippe Anziani. Il existe beaucoup plus d’exemples en termes de quadruplé et triplé, mais cela donne le ton par rapport au record exceptionnel que détient notre buteur marseillais.
le seul nonuplé de l’histoire du championnat de france
Emmanuel Aznar reste dans la Cité phocéenne jusqu’à la fin de sa carrière, entrecoupé par un court passage à Toulon et un passage obligatoire par l’équipe fédéral de Marseille-Provence, constituée en grande majorité de joueurs de l’OM.
Après sa carrière, il n’a jamais vraiment arrêté le football, jouant même avec la section amateur marseillaise pendant quelques années. Une passion dévorante… jusqu’à son dernier souffle, puisqu’il décède d’une rupture d’anévrisme, en 1970, sur un terrain de football de Marseille. Une ville qu’il n’aura jamais vraiment quittée et un club dont il aura marqué les esprits à tout jamais.
Cyriane VIALA