Assemblée nationale dans l’inconnu, « président minoritaire », explosion précoce des alliances… La France va-t-elle devenir un pays ingouvernable comme ces jours qui suivent le second tour des élections législatives le laissent à penser ?
Conformément à la tradition du lendemain des législatives, Elisabeth Borne a présenté sa démission au président Emmanuel Macron (ce qu’on appelle une « démission de courtoisie »). Ce dernier l’a refusée « pour que le gouvernement reste à la tâche », mais nombreuses sont les sources qui signalent que la place est bien fragile.
Alors que la première séance publique de la 16ème législature se tiendra le 28 juin, les difficultés commencent déjà . Ce matin, Emmanuel Macron reçoit à l’Elysée les différentes forces politiques.
Groupe ou intergroupes pour la Nupes ?
Grandes photos de familles pour les nouveaux députés pénétrant dans l’enceinte de l’Elysée. Tandis qu’Olivier Faure, patron du PS, et Julien Bayou, président d’EELV, se serrent dans les bras, l’avenir de la Nupes est déjà remis en question. Dès lundi 20 juin, les différends refont surface et la joie de la victoire commune se teinte de zones d’ombre. Y aura-t-il des « groupes » ou des « intergroupes » pour la gauche à l’Assemblée ? Certains députés Nupes ont bondi à la « proposition » de Jean-Luc Mélenchon hier, de constituer un groupe unique au Parlement.
« La gauche est plurielle, elle est représentée dans sa diversité à l’Assemblée nationale. C’est une force au service du peuple français. Vouloir supprimer cette diversité est une erreur, et je m’y oppose« , a par exemple twitté la socialiste Valérie Rabault, présidente du groupe PS sous la précédente législature. La moitié des députés de la Nupes (75) appartiennent à LFI.
La pression du RN
Le parti de Marine Le Pen, au vu de résultats largement supérieurs aux attentes (89 sièges), entend bien faire entendre sa voix et, par son groupe parlementaire – inédit -, se hisser à un niveau de gouvernance. Si les partis de la Nupes fonctionnent finalement par groupes parlementaires distincts, le RN sera même l’un des principaux – voire le principal – groupes d’opposition. Il devancera Les Républicains pour bien des prérogatives (temps de parole, choix de sujets à traiter…)
Les Républicains, combien de divisions ?
Les Républicains ne sont pas en total déroute, puisqu’ils emportent 61 sièges (64 avec l’UDI), mais leur influence comme leur crédibilité sont évidemment en perte de vitesse. Reste à savoir s’ils parviendront à retrouver une certaine cohérence à l’Assemblée… ce qui paraît peu probable puisqu’une aile se laissera tenter par « la macronie » ; ce, alors même que le président des Républicains, Christian Jacob, a dit et redit que le parti resterait dans l’opposition. Il tient responsable Emmanuel Macron d’avoir « fracturé le pays comme jamais, il a instrumentalisé les extrêmes et a mis la France dans la situation que l’on connaît aujourd’hui ».
Majorité présidentielle : une victoire de façade
Le parti présidentiel, malgré ses 245 sièges, aura fort à faire face à l’opposition. Tandis que la Nupes et le RN se réjouissent de leurs scores, Les Républicains sauvent discrètement ce qui peut l’être. Le camp présidentiel est bien désigné comme le perdant de ces élections législatives – et Emmanuel Macron voit par là considérablement diminuer le gain de sa victoire à l’élection présidentielle d’avril.
« Si je puis me permettre, Elisabeth Borne ou quelqu’un d’autre, je ne suis pas sûre que ça changerait grand-chose sur les projets d’Emmanuel Macron. C’est plus le résultat des législatives qui devrait le faire réfléchir [et] cette majorité extrêmement relative qui doit encore une fois avoir des conséquences. Les Français doivent être entendus », s’est exprimée Marine Le Pen.
Une chose est certaine : la France ne peut se permettre d’aller vers une libanisation de son paysage politique ; les retards sont déjà nombreux à combler. « Il faudra trouver, dans les jours qui viennent, les meilleurs moyens, les meilleurs mécanismes, pour éviter d’aboutir à un pays ingouvernable », a déclaré le président de la Région Sud, Renaud Muselier. La formule est juste.
R.P