Stéphane Soto a 47 ans. Il se définit lui-même, non sans fierté, comme un « pur produit provençal ». Son amour des voyages, qui l’ont emmené aux quatre coins du monde, ne lui ont jamais fait oublier ses racines. Acteur essentiel de l’économie du territoire, il fait partie de ceux qui ont développé le numérique et l’esprit d’entreprise autour de Marseille. Aujourd’hui qu’il « peut rentrer chez lui tous les soirs », il reste animé par une volonté d’autant plus grande de s’engager pour sa région.
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Ce n’est pas spécialement par l’environnement familial que Stéphane Soto entre dans le monde de l’entrepreneuriat. Son indépendance et son besoin d’autonomie l’orientent pourtant naturellement vers cette voie. En 1998, son diplôme d’ingénieur en génie industriel en poche (Polytech Marseille), il attaque la vie active. « Un peu par hasard, je suis entré dans l’édition de logiciels, nous explique-t-il avec un sourire ; je me passionne pour ce domaine. »
A l’aube d’une nouvelle ère
Il faut dire qu’à la fin des années 90, le digital n’a rien à voir avec celui que l’on connaît aujourd’hui : « On commence à parler de software, de hardware, de data centers… On est à l’aube d’une nouvelle ère ! , souligne notre interlocuteur. Je suis l’un de ceux qui comprend que la vie des citoyens va être révolutionnée. »
le digital des années 90 n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui
Il n’y a pas de temps à perdre (« Dans cette industrie, le temps se contracte à hauteur de trois fois le temps terrien », précise d’ailleurs très sérieusement notre interlocuteur). Ce flair avant-gardiste amène Stéphane Soto à co-créer Medinsoft, en 2003. L’idée est de fédérer les entreprises du digital entre elles : « En tant que dirigeant d’entreprise et « ressortissant provençal », je me dis : « Il faut à tout prix créer une association pour rassembler les synergies des jeunes entreprises. » »
La décennie 2010 est celle de l’essor fulgurant des géants comme Google ou Facebook. Cette industrie de l’informatique et du numérique, qui semblait peu attractive, devient terriblement intéressante pour ceux qui ne la connaissaient pas. « On se demande ce qu’est cette industrie peu visible qui génère autant d’argent. »
fédérer les entreprises du digital entre elles
Medinsoft devient alors l’association de référence du digital au niveau de la Région Sud, et au-delà (que l’on voie aujourd’hui les « Grand Opening » qui se tiennent chaque année au mois de septembre). Elle accroche l’attention des élus, qui y décèlent – enfin – un vrai levier de croissance économique.
La consécration French Tech
En 2013-2014 émergent de nouveaux projets nationaux comme les fameux « quartiers numériques » avec des personnalités comme Frédéric Lefebvre, puis Fleur Pellerin, et un certain Emmanuel Macron… Le dossier « French Tech », rassembleur des entreprises, est amorcé.
« L’une des seules associations qui trouvent le projet génial, c’est Medinsoft », raconte Stéphane Soto. Les collectivités d’Aix et de Marseille s’entendent (chose assez peu courante pour être soulignée) pour tenter une candidature. « Medinsoft propose d’apporter la force de son savoir-faire et de ses entreprises. Aix-Marseille est labellisé, et le label Aix-Marseille French Tech naît, créé et opéré par notre association. » Le label se hausse rapidement au premier rang sur la cinquantaine de territoire French Tech, avec le deuxième plus petit budget (« Comme si Guingamp gagnait cette année le championnat de France de foot », tient à appuyer notre interlocuteur.)
« On ne prétendait pas être les meilleurs, développe Stéphane Soto. Mais on a réussi à sanctuariser ce sujet du digital autour d’un projet fondamental comme celui de la French Tech. Les objectifs de Medinsoft sont les suivants : aider à la création et à la croissance des entreprises, amener des entreprises d’ailleurs sur notre territoire, faire connaître notre territoire à l’international, tout en gardant nos forces sur la région. On a tout monté au regard de cela. » Pendant quatre ans, le projet est une formidable réussite, avec à la manœuvre des startupers, des élus et des grands patrons. En 2018, le label est confié à une autre équipe ; mais Medinsoft continue de croître.
L’engagement « de terrain »
Stéphane Soto, qui faisait partie des têtes de Medinsoft depuis 2009, démissionne de la direction de l’association en 2019 : par volonté de ne pas mélanger les domaines, puisque cette année-là , il s’engage en tant que conseiller économique pour les élections municipales et métropolitaines auprès de Martine Vassal. « On ne peut pas reprocher à la classe politique son immobilisme et sa culture hors-sol, sans s’impliquer », soutient celui qui est aujourd’hui élu comme vice-président du conseil de développement de la Métropole en charge de l’économie.
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Parallèlement – et dans cette même volonté de « culture de terrain » – , Stéphane Soto a créé en 2009 « Olympic location », une société de location de véhicules. « Un vrai défi, n’a pas peur d’avouer son fondateur ; je devais m’imposer sur un marché monopolisé par les multinationales. » 13 ans plus tard, la société compte 12 agences, 50 salariés et 1 500 véhicules sur le territoire des Bouches-du-Rhône.
une « culture de terrain »
« Comment devient-on un bon entrepreneur ? », finit-on par demander à Stéphane Soto. « Il n’y a pas de miracle, répond très simplement ce dernier ; je dirais qu’il faut se lever tôt, se montrer courageux, loyal et humain. » Aujourd’hui, Stéphane Soto tient à cultiver les domaines qui l’ont fait devenir ce qu’il est : le terrain et l’esprit de curiosité, joints, bien sûr, à la passion d’un projet plébiscité de nos jours, l’innovation numérique ! « L’innovation est globale, sociétale ; termine notre interlocuteur. Elle veut répondre à toujours plus d’usages, avec toujours moins d’impact environnemental, et ce à de plus en plus de monde. » Belle définition de l’innovation. Stéphane Soto fait partie, comme Kevin Polizzi, de ces entrepreneurs qui auraient pu aller s’épanouir ailleurs, mais qui ont choisi de faire grandir un territoire au dynamisme vieux de 2 600 ans. « Pas un choix, un appel. »
Jeanne RIVIERE