Le 30 mai, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a rendu son évaluation officielle sur les risques liés au glyphosate. Cet herbicide, arrivé progressivement sur le marché dans les années 1980 (puis utilisé massivement) est sous le feu des critiques depuis plusieurs années. Selon l’Agence, « la classification du glyphosate comme cancérogène n’est pas justifiée. » Une conclusion qui fait l’effet d’une bombe dans les milieux opposés à l’utilisation de ce pesticide.
La question des pesticides agite régulièrement l’Union européenne ; elle est même clairement devenue une question sociétale (la sortie au cinéma du film « Goliath » l’a encore prouvé récemment). Il y a quelques années, en 2017, l’ECHA avait déjà estimé que l’interdiction du glyphosate n’était pas nécessaire… tout en notant la toxicité du produit sur l’environnement, et le fait qu’il puisse entraîner de graves lésions oculaires. Son utilisation en Europe pourrait pourtant être encore prolongée.
les conclusions peinent à être rendues
Un débat brûlant
Alors que les débats autour de ce pesticide se sont intensifiés ces dernières années, les conclusions officielles peinent à être rendues. Les témoignages et commentaires affluent, au point que les deux agences chargées de rendre leur copie sur la dangerosité du glyphosate (l’Autorité européenne de sécurité des aliments – EFSA – et l’Agence européenne des produits chimiques – ECHA – ont annoncé que leurs conclusions générales ne seraient pas prêtes avant le printemps 2023 ; ceci alors même que la licence du glyphosate expire en décembre 2022. L’ECHA a finalement conclu en mai 2022, et son avis sera transféré à la Commission européenne cet été.
« il s’agissait d’une véritable révolution »
Peut-on se passer du glyphosate ?
« Il faut se rendre compte de la place qu’a pris cet herbicide dans la pratique de l’agriculture dite conventionnelle, nous explique un agriculteur. Lorsqu’il est apparu sur le marché, il s’agissait d’une véritable révolution : un désherbant total ; tout ce qu’il touchait était détruit. » Le glyphosate était davantage utilisé sur certaines familles de plantes (les graminées) mais restait efficace sur toutes les autres. Un résultat évidemment précieux pour les agriculteurs, qui gagnent en temps, en peine et en argent (moins d’heures de tracteur, donc moins de carburant, etc.)
Surenchère et dépendance
« Avec le temps, explique encore notre interlocuteur, la nature a trouvé des parades, et des plantes résistantes sont apparues. De plus, non contente de vendre massivement le glyphosate, l’industrie chimique a investi dans la sélection de plantes résistantes à cet herbicide. »
le casse-tête de la concurrence déloyale
Casse-tête aussi pour l’Union européenne, qui, si elle interdit totalement le glyphosate, devra faire face à une large concurrence déloyale de produits agricoles provenant de pays autorisant l’emploi massif de ce produit. « Je pense que la prolongation des autorisations d’utiliser le glyphosate est, d’une certaine façon, logique : tout a été bâti pour qu’il reste indispensable… » Il est certain que le système agricole mondial est devenu dépendant de cet herbicide, aujourd’hui présent dans toutes les eaux du monde.
Raphaëlle PAOLI