« Regarder est devenu aussi important que manger ». Cette phrase qui claque comme un constat vous semble étonnante ? Aujourd’hui, neuf clients sur dix consultent Internet pour choisir un restaurant. Une pratique que la crise sanitaire a bel et bien installée, et qui ne fait que s’accélérer. Face à cela, un grand nombre de restaurateurs se retrouvent démunis : manque de temps pour promouvoir leur établissement sur les réseaux sociaux, ou tout simplement, manque de méthode, de connaissance, ou d’appétence ! La start-up marseillaise « J’aime mon resto » veut épauler les restaurateurs de la région (principalement) pour leur permettre de s’adapter à ce nouveau monde.
Si le territoire marseillais est sans doute parvenu, plus que d’autres, à tirer son épingle du jeu après les catastrophes économiques dues à la crise sanitaire, les quelque 6 000 restaurateurs des Bouches-du-Rhône en ressentent encore les effets. Difficile de remonter la pente, même après des mois de perfusion. Entretemps, les habitudes des clients ont elles aussi changé : le « tout, tout de suite » est à la mode.
le « tout, tout de suite » est à la mode
« Il y a bien eu un effet avant/après covid, souligne Karim Ben Amar, fondateur d’Oxyne, l’entreprise à l’origine du projet « J’aime mon resto »; des restaurants qui se maintenaient auparavant de façon « normale » se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient plus exister de la même façon. C’est simple, auparavant, on disait qu’il y avait trois éléments essentiels pour un établissement : un, l’emplacement ; deux, l’emplacement ; trois, l’emplacement, explique avec un sourire notre interlocuteur. Aujourd’hui, même des établissements idéalement situés n’ont pas une garantie de fréquentation importante. »
Des restaurateurs (de toutes les générations) qui connaissaient les clients par leur prénom ne voyaient souvent aucun intérêt à communiquer pour les réseaux sociaux. Or, pas de secret : dans le secteur de la restauration particulièrement, le numérique, après le covid, s’est clairement imposé en maître.
A l’origine de l’aventure, une initiative solidaire
Karim Ben Amar vient du monde de la restauration ; il a notamment été directeur des opérations et du développement commercial chez Pernod Ricard à Marseille pendant cinq ans (et a appartenu au groupe pendant plus de 15 ans). En 2018, il crée Oxyne, une entreprise qui a pour but de relier des start-ups innovantes qui ont des solutions spécialisées dans le marché de l’alimentaire, avec des grands groupes en recherche d’innovation.
comment poursuivre le soutien aux restaurants ?
En mars 2020, au début du confinement, le groupe Unilever demande à l’entreprise de piloter pour lui une plateforme solidaire : à ce moment-là en effet, les restaurateurs sont coupés du monde, et n’ont presque plus de contact avec leurs clients. « Cette initiative prend une ampleur à laquelle on ne s’attendait pas », observe Karim Ben Amar. En quelques mois, des centaines, puis des milliers de restaurateurs sont inscrits sur la plateforme. L’idée est de chercher des financements pour ces restaurants, pour que ces derniers bénéficient d’une communication gratuite, d’un lien avec leurs clients.
Fin 2020 pourtant, il faut bien se résoudre à « débrancher la prise » de cette initiative solidaire. La question se pose alors : comment poursuivre le soutien à tous ces restaurants ? Unilever accepte de céder ses droits, et les partenaires réunis autour de la table (parmi lesquels Métro), décident de peaufiner le projet.
La naissance d’une start-up à Marseille
En octobre 2021 est lancée une initiative 100% marseillaise, qui s’appuie sur une série de questions posées aux établissements de la ville. « En interrogeant les restaurateurs, on se rend compte que ces derniers déploraient bien avant le covid de ne pas avoir de solutions d’accompagnement humain qui soient personnalisées et locales », souligne Karim Ben Amar.
l’idée est d’établir un diagnostic pour chaque restaurant
L’idée d’origine est d’établir un diagnostic pour chaque restaurant, de faire le point sur toutes leurs formes de communication en ligne : site internet, réseaux sociaux… Cela leur permet de savoir précisément ce qui va bien, ce qui ne va pas bien. Un fois ce diagnostic établi, « J’aime mon resto » leur propose les services d’un freelance qui va les suivre au quotidien : des jeunes du territoire qui veulent se lancer dans une activité en numérique travaillent à leur service.
Grâce au projet, les restaurateurs comprennent le monde du numérique dans lequel ils doivent désormais évoluer, l’apprivoisent, et deviennent indépendants, notamment grâce à une application conçue pour eux. Sur celle-ci, ils peuvent suivre facilement les interactions des internautes avec leurs publications, les progressions des vues etc.
Une « brigade digitale » qui a fait ses preuves
La « brigade digitale de proximité » (une petite dizaine de personnes pour l’instant), comme l’appelle Karim Ben Amar, fonde son efficacité sur l’écoute, l’échange et l’analyse. Le système a d’ores et déjà été testé auprès d’une quinzaine de restaurateurs marseillais, et va s’étendre dans les prochains mois. Des partenaires de taille ont rejoint le projet, parmi lesquels la Métropole, la ville de Marseille et l’Office de Tourisme. « J’aime mon resto » représente un modèle d’économie collaborative dont Marseille et sa région (et les 30 000 salariés du secteur de la restauration) ont besoin.
Raphaëlle PAOLI