Présidentielle 2022 – Promesse ou refus d’autonomie : le paradoxe du vote corse

Ajaccio © WKMC

Lundi 11 avril dernier, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, deux membres du Commando Erignac, ont été transférés au centre pénitentiaire de Borgo, au nord-est de la Corse, où ils sont actuellement incarcérés à perpétuité. 

Ferrandi et Alessandri étaient des complices d’Yvan Colonna, militant indépendantiste corse mort le 21 mars à Marseille et principal accusé de l’assassinat du préfet Claude Erignac qui s’est déroulé le 6 février 1998 à Ajaccio. L’assassinat s’inscrit dans un contexte d’attentats nationalistes et indépendantistes quasi-quotidiens, vers la fin des années 2000, orchestrés par le FLNC (Front de libération nationale de la Corse). 

L’arrivée de Ferrandi et Alessandri en Corse a provoqué les réactions de la mouvance nationaliste : « Nous serons toujours à leurs côtés pour demander leur libération« , écrit Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse sur Twitter. D’autres tweets d’hommes et femmes politiques soutiennent les deux détenus.

Lors des élections territoriales de 2021, c’est le parti Pè a Corsica qui remporte la majorité absolue : issu de la coalition des partis Femu a Corsica, Partitu di a Nazione Corsica et Corsica libera, tous trois réclamant l’indépendantisme corse. Le programme de Pè a Corsica repose sur cinq revendications principales axées sur le nationalisme, dont une co-officialité de la langue corse au même titre que le français. La victoire de Pè e Corsica montre alors un taux élevé de citoyens corses autonomistes. 

Les avis divergents des candidats sur l’autonomie de la Corse 

Alors que la montée du nationalisme est croissante, le débat sur le statut de la Corse prend de plus en plus de place au sein des débats politiques, notamment après la multiplication des émeutes et des tags comme « I francesi fuora » (« Les Français dehors ») ou « Statu francese assassinu » (« L’Etat français assassin ») qui ont eu lieu sur l’île à la suite de la mort d’Yvan Colonna, le 21 mars dernier. 

Alors que le président-candidat Emmanuel Macron avoue être ouvert à la discussion si les émeutes cessent, ce qui « pourrait aller jusqu’à l’autonomie » de l’île selon Gérald Darmanin, Marine Le Pen est de tout autre avis : « Passer de l’assassinat d’un préfet à la promesse d’autonomie, peut-il exister un message plus catastrophique ? Je refuse que le clientélisme cynique d’Emmanuel Macron brise l’intégrité du territoire français : la Corse doit rester française. » Voilà ce que déclare la candidate du Rassemblement National  au lendemain de la venue du ministre de l’Intérieur Darmanin en Corse en mars dernier.

Pourtant, elle est arrivée en tête du premier tour des élections présidentielles sur le territoire corse, avec un score de près de 30%, même si l’on remarque un taux d’abstention à 37,24% : les partis indépendantistes avaient en effet appelé au boycott de l’élection par l’abstention, pour ainsi exprimer leur mécontentement et leur désaccord face à l’inaction de l’Etat français vis-à-vis de leur autonomie. 

Cette victoire du Rassemblement National a fait réagir certains hommes politiques, tels que Paul-Félix Benedetti, représentant du mouvement nationaliste corse Core in Fronte, qui dénonce une « grande schizophrénie » de la part de l’électorat corse : “Je ne reconnais pas la Corse dans ce vote. Il n’y a pas de logique politique fondamentale par rapport à la Corse” .

Pourquoi Marine Le Pen, opposée à l’autonomie de l’île, arrive-t-elle en tête ? 

L’île connaît un des plus forts taux de croissance démographique en France, pour des questions migratoires notamment, à un moment où la Corse est une des régions les plus touchées par le chômage et où le niveau de vie est parmi les plus faibles de France. En 2021, près de 10% de la population en Corse est immigrée. Faire du contrôle de l’immigration une priorité ou encore rendre les français prioritaires par rapport aux étrangers pour une offre d’emploi ou un logement : voici quelques propositions de la candidate Marine Le Pen, ce qui peut expliquer ce si grand taux de vote à son égard, même si très peu de nationalistes lui ont accordé leur vote. 

I.S