L’édito de José D’Arrigo – Résultats du premier tour : le triomphe bâtard des barragistes et des « potagistes »

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Ce sont les deux nouvelles mamelles politiques de la France : celle des barragistes et des potagistes. Les uns se prennent pour des castors et font barrage à tout ce qui bouge, les autres vont à la soupe présidentielle sans le moindre scrupule, qu’ils soient socialistes ou républicains…

Parmi les champions de France de la course à l’échalote figure la socialiste Anne Hidalgo, désormais honnie à Paris, qui a appelé à voter Macron à 20 h 04. Record battu. Il est vrai qu’avec 1,8% des suffrages, la belle Andalouse pourrait songer à une reconversion. Elle a été suivie de près à 20 h 20 par Valérie Pécresse (LR), candidate d’un parti qui n’était quasiment plus le sien et traversé par des dissensions tous azimuts.

Puis ce fut le tour à 20 h 26 de Yannick Jadot, vert de rage, d’annoncer son ralliement à Emmanuel Macron, puis à 20 h 28 de Roussel le rouge. Enfin, le grand battu de ce premier tour, le gauchiste mondain Jean-Luc Mélenchon, qui change de casquette comme de chemise, s’est exprimé à 20 h 46 en postillonnant à ses ouailles à trois ou quatre reprises : « Vous ne devez pas donner une seule voix à Madame Le Pen ». Ce qui revient à dire : « Abstenez-vous si ça vous chante ou bien votez Macron… Moi, je m’en lave les mains ! »

Les « potagistes » ont donc d’emblée ouvert les bras au président sortant dans l’espoir d’un maroquin ministériel ou d’une prébende quelconque pour subsister jusqu’à la session prochaine. Nul doute que chacun de ces nouveaux « marcheurs » sera bien accueilli pour la randonnée à venir car M. Macron a besoin des l’abstention des Insoumis et du bon report des suffrages socialo-communistes pour faire le plein des suffrages dits « progressistes et mondialistes ».

Le président sera-t-il réélu pour autant avec un score de maréchal ? C’est douteux. La cohorte de ses opposants est en effet devenue impressionnante. Un sondeur ami est certes venu à son secours dès vingt et une heure pour annoncer, des trémolos d’effroi dans la voix, qu’un score « très serré » de 51 % à 49 % en sa faveur était envisageable. Mais ce sondage très opportun ne visait qu’à apeurer les électeurs de gauche pour les inciter à se prononcer contre le diable qui s’habille en Prada, Marine Le Pen, et sa clique de nazis, fascistes, extrémistes, etc.

Le festival antifascistes et antinazis, c’est reparti pour quinze jours. L’anathème est de rigueur. Tous les médias vont s’y mettre à l’unisson. Foin de ces manipulations éculées : le tour est joué.

Mais cette probable victoire d’Emmanuel Macron sera une victoire à la Pyrrhus, c’est à dire une victoire obtenue au prix de lourdes pertes. Pourquoi ? Parce que le président sortant a bien compris qu’il était loin d’être majoritaire dans l’opinion en France. Si vous additionnez en effet le bloc du camp national (Le Pen-Zemmour-Dupont-Aignan), soit 33 % des voix, plus le capital accumulé du chef des contestataires en carton-pâte (Mélenchon), soit 22 %, vous obtenez un total de 55 % des votants qui ne veulent à aucun prix d’Emmanuel Macron.

Ce triomphe bâtard des « barragistes » et des « potagistes » – les deux nouvelles mamelles politiques de la France – c’est celui d’un homme désormais isolé sur son Aventin. Il incarne le succès a minima d’une France minoritaire qui impose sa vision du pays à une France disparate mais majoritaire. Où est passée la démocratie dans ce micmac ?

On a l’impression d’assister, non plus à des élections, mais à des éliminatoires. Avec, au poteau d’arrivée, un double torpillage de l’intérieur du PS et des LR par le président sortant, dont l’habileté féroce s’apparente à celle d’un strip-teaser enclin à dépouiller ses adversaires de toutes leurs forces vives. Les scores du PS et des LR sont à cet égard très éloquents.

Cependant, les ralliés à Emmanuel Macron vont être amenés à cautionner une politique migratoire, fiscale, sécuritaire et sociétale qu’ils combattaient ardemment jusque-là. Autant vous dire qu’ils vont avaler leur chapeau et être confrontés à l’intense mépris de leurs électeurs. Les reniements opportunistes passent très mal dans l’opinion. Surtout quand des députés LR tels que Bernard Reynès ou Bernard Deflesselles assument le score de leur parti et restent fidèles à leurs couleurs.

A Marseille, par exemple, il suffit de constater les scores dérisoires obtenus par le PS et LR pour se rendre compte que 65 % des électeurs marseillais de gauche et de droite sont vent debout contre Emmanuel Macron. Avec seulement 1,10 % des suffrages pour Anne Hidalgo, Gaston Defferre doit se retourner dans sa tombe ! M. Macron lui-même n’arrive qu’en troisième position à Marseille, une ville qu’il a pourtant arrosée de milliards pour la réfection des écoles et des logements !

La victoire à la Pyrrhus du camp macroniste contient en germe tous les ingrédients d’une révolte sociale dans la rue. Voilà pourquoi le président paraissait si fébrile lors de son discours un peu échevelé d’ouverture dimanche soir. Bref, c’est la soupe à la grimace pour lui, mais aussi pour tous les autres : Eric Zemmour, en dépit d’une bonne campagne a été diabolisé d’emblée par la presse parce qu’il s’entête à défendre la France, non mais, où se croit-il donc Zemmour ?

Son score de 7 % n’est pas celui qu’il escomptait et il devra tirer les leçons de certaines erreurs et de sa propension à dire l’âpre vérité à des Français habitués désormais à l’euphémisme, à la componction et à l’infantilisme.

C’est aussi la déception à peine masquée pour un président qui a été illégitime durant cinq ans et le sera de nouveau, pour sa principale opposante qui a encore raté la marche et devra s’effacer à l’issue du second tour, déception énervée pour Mélenchon qui devra songer à une retraite paisible et passer la main au jeune rouquin du nord Adrien Quatennens, dont le talent est infiniment supérieur au sien, pour Jadot, piètre incarnation d’une écologie qui a pourtant le vent en poupe, et pour Valérie Pécresse, héritière impuissante d’une implosion annoncée, préméditée, préparée par le président en exercice…

Reste une inconnue, de taille : M. Macron pourra-t-il de nouveau faire élire à l’assemblée nationale une majorité « rose-horizon » à sa dévotion ? Ce n’est pas sûr du tout. Si Marine Le Pen et Eric Zemmour parviennent à conclure un accord électoral pour les législatives de juin, le camp national pourrait avoir de nombreux élus dans toute la France et si les Mélenchonistes vont un tant soit peu aux urnes, ils obtiendront aussi une belle brochette de députés.

L’exaspération est telle dans le pays que le camp national et l’union populaire de Mélenchon pourraient obtenir une majorité au Parlement et contraindre Emmanuel Macron à une cohabitation inédite qui permettrait enfin de prendre en compte des réformes dont il ne veut pas entendre parler en matière d’insécurité, d’immigration, d’identité, d’ensauvagement, de pouvoir d’achat…

Si l’abstention n’est pas trop importante en juin, ce scénario pourrait se réaliser et redonner espoir au peuple français et aux patriotes de tous horizons qui souhaitent que la France reste la France et que les petites gens aient enfin voix au chapitre.

José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional