Laissons aux politiques le soin de jacasser sur les réformes des retraites jamais abouties : au moins sept épisodes entre 1991 et 2017. Abordons plutôt quelques fondamentaux économiques qui ont l’avantage de la stabilité.
Premier point, et sans aucune polémique, il est partout vrai que les « retraités » sont entretenus par ceux qui participent à l’activité économique. La question est arithmétique.
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Il n’a pas toujours existé – et il n’existe toujours pas à certains endroits – de « système » de retraites avec versement de pensions par virement électronique. Dans les tribus les plus reculées d’Océanie par exemple, les ancêtres, outre qu’ils sont respectés comme dépositaires de la mémoire, ont toujours leur part au repas familial. Petit à petit, et ce fut long, se sont créés des modes organisés du passage des ressources des « actifs » aux non actifs âgés.
L’homme d’Etat Bismarck est souvent cité pour avoir été le premier à avoir mis en place le système le plus abouti (1883-1889) « universel, obligatoire et contributif ». En tout cas, le point commun à tous les systèmes est bien que c’est l’activité économique présente qui nourrit les retraités actuels. Après, les modes de transmission varient.
la vraie lucidité est de faire des calculs
Dans le système dit « de répartition » – cas français – les cotisations prélevées à un instant donné sur les actifs, salariés ou non, servent à payer les pensions des ayant-droit retraités. Dans les systèmes dit « de capitalisation », ce sont les revenus des sommes investies par les futurs retraités, pendant leur période d’activité, qui financent les pensions.
Ces sommes peuvent être gérées par des sociétés spécialisées dites « fonds de pension ». Remarquons au passage qu’une personne qui investit dans l’immobilier ou sur les marchés financiers pendant sa vie active afin de compléter sa pension par les revenus se livre à la capitalisation individuelle, si l’on peut dire.
D’ailleurs, un retraité qui épargne et investit ne s’est pas retiré de la vie économique ; il continue à y participer sous une autre forme que le salariat auquel on réduit souvent la question des pensions de retraite.
En fin de compte, dans tous les cas, répartition ou capitalisation, si l’économie est prospère, il sera toujours plus facile d’entretenir les « retraités ». La question n’est pas tellement « les retraites », mais la prospérité d’une économie qui fonctionne bien.
Second point, pratiquement tout étant prévisible, pourquoi des polémiques aujourd’hui ?
En France, la retraite par répartition est en déséquilibre financier depuis longtemps. L’origine est une faute humaine pitoyable : la décision en 1982 de faire passer l’âge légal de 65 ans à 60 a détérioré la proportion entre cotisants et retraités. Décider cela au moment où la durée de vie moyenne augmentait était d’une stupidité criminelle.
Ajoutons-y l’incroyable prétention des politiciens de savoir à quel âge on doit cesser le travail et l’arrogance de l’imposer à toutes les personnes sans distinction. Le sous-jacent est la démographie, discipline où la prévision est quand même assez facile à ces échéances. Entre 1941 et 1945, les naissances annuelles en France ont été de 580 à 600 000 personnes. Dans les années 1946 à 1950, les naissances ont été en moyenne de près de 900 000 par an.
Était-il si difficile de prévoir que quand ces générations plus nombreuses viendraient à prendre leur retraite, la charge serait plus lourde ? Par la suite, il est assez rare que les naissances annuelles aient atteint 800 000, alors que la durée de vie de la plupart des Français augmentait. Le nombre d’années « à vivre après la retraite » est passé de cinq à plus de vingt ans au cours des cinquante dernières années.
la liberté de travailler le temps souhaité
Pour augmenter la culpabilité des politiques, notons que les congrès mondiaux sur la population signalaient régulièrement le vieillissement des populations occidentales, depuis les années 70. Alors, quand en 2005-2010, les générations nombreuses du baby-boom sont arrivées à l’âge de la retraite, comment oser jouer les étonnés ?
C’est un petit jeu amusant que de se moquer des prévisions des économistes, mais quand ils ne peuvent pas se tromper, il faut quand même les écouter. Le système de répartition est très sensible aux proportions entre les générations, c’est arithmétique. Alors pourquoi s’y être cramponné stupidement alors que les chiffres étaient sous les yeux de tout le monde ? Le pire argument est de dire qu’il s’agit d’un choix idéologique.
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Pour l’idéologie, là où elle ne doit avoir aucune place, il faut aussi parler du refus de laisser les Français utiliser la capitalisation, à la place ou simplement en plus de la répartition.
La capitalisation même comme option n’est pas autorisée pour des raisons idéologiques : il paraît que quand le gouvernement de M. Jospin l’avait envisagée, « cela ne plaisait pas aux communistes » ! Certes, tout le monde peut capitaliser pour sa retraite, mais ce n’est pas déductible des revenus imposables. De quoi se mêle l’Etat ? Un poison idéologique freine la lucidité nécessaire.
La vraie lucidité est de faire les calculs, comme dans la note de Natixis du 2 janvier 2020 : un euro de cotisation au système de retraite en 1982 correspond en 2019 à une richesse de retraite de 1,93 euro en répartition et 21,90 euros en capitalisation (50% actions, 50% obligations). L’écart est énorme et serait sans doute bien plus grand dans des pays plus prospères que la France.
Troisième point, des principes d’efficacité dans la liberté
Rien n’a été fait ou pas grand-chose. Peut-être a-t-on vu trop grand ? Le lecteur aura compris que plus on attend, plus il est difficile de rééquilibrer les comptes en raison de la permanence des données démographiques.
L’idéal serait la totale liberté : chacun s’assure comme il veut pour sa vieillesse sous réserve de pouvoir prouver qu’il ne sera pas à la charge des autres quand il ne pourra plus travailler. Cela suppose des personnes responsables et des initiatives privées : quels horribles mots !
Ajoutons-y la liberté de travailler le temps souhaité proposée récemment par un député du parti LREM. Cesser de réprimer le travail, abolir le couperet de l’âge de la retraite obligatoire pourraient aussi être des pistes.
le libre choix de combiner répartition et capitalisation
Ajoutons encore le libre choix de combiner répartition si on y tient, et capitalisation. Cela permettrait d’en finir, non pas avec les régimes spéciaux, mais avec leur financement par le contribuable, qui est scandaleux. Si les bénéficiaires de ces régimes veulent cotiser plus pour avoir plus, oui, bien entendu.
Le dernier sujet va un peu au-delà . Les résultats des trois glorieux monopoles de l’Etat : la gestion des retraites, l’Education et la Santé, ne sont pas brillants par leurs résultats. Tirons-en les conséquences.
Pour conclure
Le sujet va loin, car au-delà des questions de « soutenabilité comptable » des systèmes de retraite peut se poser la question de l’aspiration irrésistible de certains à « ne rien faire et profiter de la vie », comme si ne rien faire était la meilleure façon de remplir sa vie.
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Une bonne partie de la réponse tient dans le point de savoir le plaisir que l’on trouve à exercer son activité. Les réponses sont variées, si l’on en croit la sagesse de Stendhal qui écrit dans « Le Rouge et le Noir » : « La vocation, c’est d’avoir pour métier sa passion ». Tout le monde ne peut pas en dire autant, et c’est cela qui fait que le sujet n’est pas seulement financier…
Pierre DUSSOL
Pierre Dussol est professeur d’économie honoraire à Aix-Marseille-Université. Il a compris depuis belle lurette les méfaits de la torsion des mots sur la désorientation et le vide des esprits. En véritable « redresseur de tors », il a décidé de reprendre les définitions de base qui permettent de mieux décrypter les habillages et autres artifices du politiquement correct. Il livre son point de vue savoureux dans les colonnes du Méridional.