Pierre Dussol est professeur d’économie honoraire à Aix-Marseille-Université. Il a compris depuis belle lurette les méfaits de la torsion des mots sur la désorientation et le vide des esprits. En véritable « redresseur de tors », il a décidé de reprendre les définitions de base qui permettent de mieux décrypter les habillages et autres artifices du politiquement correct. Il livre son point de vue savoureux dans les colonnes du Méridional.
L’Etat, puisqu’il s’agit de lui, doit s’effacer le plus possible devant l’initiative des acteurs économiques et des collectivités décentralisées.
L’économie française n’est peut-être pas encore tout à fait morte mais il a déjà été question de résurrection à son sujet. Le titre du magazine « Le Point » du 23 mars 2017 était ainsi : « Comment on ressuscite un pays ». Sous-titre : « Puisqu’on vous dit que c’est possible ! ». Une photo du Chancelier Schröder illustrait la page de couverture.
Les Pays-Bas, le Canada, la Suède, le Danemark, la Grande-Bretagne de Tony Blair, trainaient les mêmes boulets que ceux de la France : fiscalité confiscatoire, complexité des règlements issus d’une bureaucratie arrogante ignare et coûteuse, trop d’élus, fonctionnaires loin d’être tous utiles, redistribution dite « sociale » – habillée du mot très religieux « d’Etat Providence » – et en prime, le désordre dans la rue pour certains.
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Pour faire bonne mesure, la France y a ajouté les 35 heures et l’abaissement de l’âge de la retraite, sujets dont on se demande pourquoi les hommes de l’Etat ont la prétention de décider à la place des acteurs économiques.
Nos gouvernants sont allés voir sur place comment faisaient les autres. Messieurs Rocard, Balladur, Jospin, ou Valls se sont déplacés et ont envoyé des « missions » à l’étranger pour trouver les explications des « miracles ». Sans doute est-ce leur penchant à aimer la mondialisation, mais cela n’a servi à rien.
Les autres pays ont réformé ; en France rien n’a été fait ni par eux ni par les suivants, sinon des réformettes techniques qui ne touchent jamais au fond des questions. Les remèdes sont pourtant applicables partout. Les réformateurs étrangers n’avaient sans doute pas besoin de voir ailleurs car ils ont compris que les ressources en énergie, innovation, sens du bien commun étaient déjà chez eux.
nos gouvernants sont allés voir comment faisaient les autres
Dans les recettes des pays « ressuscités » il s’est trouvé pratiquement toujours les mêmes éléments. Des principes forts et affirmés sans hésitation (« Personne n’a le droit de vivre au détriment de l’intérêt de tous »), les aides sociales « ne sont pas une créance mais une dette vis-à -vis de ceux qui payent pour aider les autres », « Un chômeur doit tout faire pour retrouver du travail » , « Les talents doivent être reconnus par une juste rémunération non confisquée par le fisc », « Toutes les dispositions légales et règlementaires qui découragent les employeurs d’embaucher doivent disparaître », « Tout poste de fonctionnaire qui n’est pas justifié par un service rendu doit disparaître ». Voilà pour l’esprit.
En quelques mots, liberté d’entreprendre dans un cadre concurrentiel, responsabilité, promotion de la compétence, sens de l’effort, respect de la propriété et de la sécurité des personnes.
Les dirigeants réformateurs ont cherché à convaincre leur population de l’intérêt des réformes nécessaires : efforts au début mais résultat bénéficiaire pour tous un peu plus tard. Il faut insister. En outre les « filets de protection » ont toujours été maintenus. Le succès est question de pédagogie, mais pas uniquement.
On a su faire des alliés de tous ceux qui avaient intérêt aux réformes : entrepreneurs actuels et potentiels – il y en a beaucoup – jeunes prêts à se lancer sur le marché du travail, fonctionnaires désireux d’innover… la liste est longue et il n’est pas difficile de la dresser.
La pédagogie doit être différente selon les publics. La grande masse de la population est constituée d’abusés de bonne foi : ils peuvent comprendre ce qu’ils perdent aujourd’hui et ce qu’ils gagneront demain. Les blocages leur nuisent, à eux et à leurs enfants. Leurs possibilités de réussite et d’épanouissement sont bloquées par les rigidités administratives qui freinent l’embauche, l’enseignement « gratuit » et les diplômes de complaisance, donc dévalorisés, ne laissent de chance qu’à ceux dont les parents ont des relations… Là se trouvent les sources d’appuis potentiels aux réformes.
en france, la culture n’est pas au consensus
Il y a ensuite les « intéressés » à ce qu’il n’y ait pas de réformes. Ceux-là doivent être indemnisés si leurs droits sont fondés sur des contrats : c’est le cas des personnels à statut, des professions à monopole légal ou encore des agriculteurs drogués depuis des décennies aux subventions.
Il y enfin les professionnels, les sectateurs du « triangle de fer », les syndicats, les politiciens, la bureaucratie. Quoi que l’on propose, ils seront contre par leur inertie, et leur mauvaise volonté, jusqu’à la violence organisée dans les lieux de travail ou dans la rue. Ceux-là doivent être l’objet d’une action énergique au risque d’impopularité des réformateurs courageux, s’il en existe.
Il faut dire qu’en France la culture n’est pas au consensus devant le danger national, contrairement à d’autres pays. Les Allemands ont défendu le « strandort Deutschland », syndicats et patrons ensemble. Les Danois, les Suédois, les Britanniques et les Canadiens ont réussi à taire leurs divergences, sans être empoisonnés par des idéologies de haine sociale, hélas trop présentes dans la société française.
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Celui qui voudra réformer devra faire preuve de courage. Le trouvera-t-on dans notre personnel politique ? Cela risque de n’être pas demain, car « autant vouloir greffer des melons sur une queue de cerise… » a dit le sage Fan Mouh Zen. Gardons espoir tout de même car la France est un pays aux possibilités énormes, il serait dommage de continuer à les gaspiller !