Stéphane Ravier ne rallie pas Éric Zemmour, mais crée son mouvement local « Marseille d’abord »

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[Actualisation : Stéphane Ravier a annoncé son ralliement à Eric Zemmour le 13 février 2022.]

Au cours d’une réunion publique très attendue, le 10 février au soir, le sénateur marseillais du Rassemblement national Stéphane Ravier a réglé ses comptes. Il a sévèrement taclé les autorités parisiennes de son parti, dans le vif affrontement qui les oppose depuis quelques semaines. En conséquence, il a fait savoir qu’il se retirait de toutes les instances du parti, pour lancer sa propre formation locale nommée « Marseille d’abord Â».

Une ambiance de guerre civile

Le sénateur Stéphane Ravier n’a pas pour habitude de faire dans la dentelle. Lorsqu’il prend la parole ce jeudi 10 janvier devant sa permanence parlementaire de Château-Gombert dans le 13ème arrondissement de Marseille, il reste fidèle à lui-même : offensif. Il défend envers et contre tout Sophie Grech, conseillère régionale et municipale RN, renvoyée du parti à la flamme pour un parjure : avoir accordé son parrainage d’élue à Éric Zemmour, et pas à Marine Le Pen, à qui elle l’avait promis. La candidate du RN est pour l’instant loin de disposer des 500 signatures nécessaires à une candidature valide aux élections présidentielles.

le sénateur rn fustige le « bureaucrate parisien » allisio

Non content d’exclure Sophie Grech, Franck Allisio, responsable départemental RN des Bouches-du-Rhône, voulait l’écarter du groupe au conseil municipal. Confronté au refus de Stéphane Ravier d’abandonner sa colistière, Franck Allisio a organisé une conférence de presse annonçant qu’avec trois autres élus RN sur neuf, il quittait le groupe dont il faisait également partie. Une démarche soutenue par la direction du parti à Paris, que le parlementaire marseillais n’a pas digérée.

Stéphane Ravier devant sa permanence le 10 février au soir © Le Méridional

Dès ses premiers mots, il fustige le « bureaucrate parisien Â» Allisio, auteur d’un « coup de poignard dans le dos Â» en divisant l’équipe municipale sans le prévenir, et sans même avertir certains des conseillers concernés. Le responsable départemental serait également aux ordres de Marine Le Pen, laquelle n’aurait « rien d’autre à faire que de saccager le travail des militants marseillais Â», de gâcher « 30 ans de travail pour un seul parrainage Â». Stéphane Ravier dresse un portrait flatteur de Sophie Grech, victime d’une « véritable fatwa Â» ; il souhaiter garder comme membre « apparentée RN Â» au sein du groupe municipal cette « militante de terrain Â» depuis dix ans, connue et appréciée dans les quartiers nord.

un nouveau mouvement : « Marseille d’abord »

Prenant acte de cette situation, le sénateur passe enfin à l’annonce de la soirée : « Je me retire de toutes les instances parisiennes pour ne me consacrer plus qu’à Marseille Â», en fondant un nouveau mouvement nommé « Marseille d’abord Â». Sans donner plus de détails, il explique en aparté que cette formation a pour but de rassembler tous les patriotes marseillais, au-delà des clivages partisans.

Une divergence de fond 

Stéphane Ravier a fait durer le suspense jusqu’au bout, pour un dénouement inattendu. Il avait volontairement laissé entendre qu’il annoncerait son soutien à Éric Zemmour, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Depuis plusieurs mois, il entretient l’ambiguïté, en recevant publiquement le candidat de Reconquête à Marseille en novembre dernier, ou en ne condamnant pas les ralliements d’élus RN.

En réalité, le malaise avec la direction est plus ancien. Figure médiatique et incontournable au niveau local, Stéphane Ravier est le seul sénateur du parti. Pourtant, Marine Le Pen l’a ostensiblement laissé de côté dans l’organisation de sa campagne, en ne le nommant pas au sein du bureau exécutif du parti pendant l’été 2021.

le senateur avait laissé entendre qu’il annoncerait son soutien à éric zemmour

Depuis, il multiplie les provocations, en évoquant la création d’un « Haut-commissariat à la remigration Â», ou en dénonçant régulièrement le « grand remplacement Â», bien loin des éléments de langage agréés par le parti. Ce fan de Jean-Marie Le Pen, canal historique, n’a jamais été en phase avec la dédiabolisation orchestrée par la fille du fondateur.

La tentation Zemmour est aujourd’hui celle d’un retour à cette radicalité perdue. Son ralliement n’est peut-être qu’une question de temps. Pour l’heure, Stéphane Ravier fait durer le calvaire pour Marine Le Pen. Cette dernière ne peut cautionner sa rébellion, mais ne peut pas non plus renvoyer volontairement l’un de ses rares élus, populaire et médiatique. Le truculent sénateur n’attend probablement que ça.

Antoine LIVIA