Valérie Pécresse dans la course à la présidentielle : l’itinéraire d’une candidate LR

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Après une primaire en deux tours, les adhérents du parti Les Républicains ont choisi Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, pour défendre leurs couleurs lors de l’élection présidentielle d’avril 2022. L’occasion d’un retour sur son parcours, ses idées, et les nombreux défis qui l’attendent. Car malgré des sondages favorables, l’Élysée est encore bien loin.  

La scène a fait le tour des médias : Valérie Pécresse, triomphante, entourée de ses rivaux vaincus, déclame son discours de victoire. Sourires forcés, accolades et embrassades de circonstance, les perdants font bonne figure. Ce samedi 4 décembre, elle vient de remporter le second tour de la primaire des Républicains avec près de 61% des voix face au député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti. Au premier tour, les deux finalistes avaient éliminé Xavier Bertrand, Michel Barnier et Philippe Juvin, qui ont tous rallié Valérie Pécresse dans la foulée. Elle est désormais la candidate officielle et incontestable de sa famille politique à l’élection présidentielle ; la consécration d’une longue ascension.

Cette élève modèle est passée par les meilleures écoles de la République, HEC et l’ENA, dont elle sort parmi les mieux classés. La jeune énarque arrive aux affaires en 1997 comme conseillère à l’Élysée du président Jacques Chirac, qu’elle décrit volontiers comme son mentor en politique, d’où le sobriquet de « bébé Chirac Â». La relation avec le vieux président est chaleureuse : elle lui apprend à utiliser une souris et un ordinateur, il lui enseigne l’art d’embrasser et de serrer des mains comme un authentique politicien. Des leçons qu’elle n’oubliera pas.

Elle gravit ensuite les échelons inexorablement, étape par étape : députée des Yvelines, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, puis du Budget, porte-parole du gouvernement Fillon, secrétaire générale de l’UMP. Enfin, elle conquiert la présidence de la région Ile-de-France face au socialiste sortant Claude Bartolone en 2015. Une carrière en pente ascendante à laquelle il ne manque plus que le Saint-Graal du politique, la présidence de la République.

Derrière ce beau parcours, la relation avec sa famille politique n’a pas toujours été idyllique. Après des élections européennes de 2019 catastrophiques, elle quitte le parti et mise sur son propre mouvement, Soyons libres !, plus centriste. Elle y reviendra par la suite, mais certains lui en feront grief. Elle l’explique par la droitisation du parti présidé à l’époque par Laurent Wauquiez, ce qu’elle qualifie de « rétrécissement Â». Son objectif : provoquer une hémorragie des cadres et refonder la droite de l’extérieur, tout en captant les électeurs de centre droit tentés par un vote pour Emmanuel Macron.

Une posture qui contraste avec son programme actuel, qui n’a pas totalement échappé à l’effervescence identitaire et sécuritaire de ces derniers mois. Sous l’égide de son directeur de campagne, l’expérimenté Patrick Stefanini, l’un des inspirateurs de la politique migratoire du quinquennat Sarkozy, elle multiplie les propositions en la matière : quotas d’immigration par pays et par métier, traitement des demandes d’asile hors de France, fin de la naturalisation automatique à 18 ans, etc. Côté sécurité, elle propose entre autres d’élargir le principe de légitime défense, d’instaurer de nouvelles peines planchers, et d’aménager 20.000 places de prison supplémentaires.

Valérie Pécresse se présente comme « la plus libérale des candidats à droite Â», et se revendique « 2/3 Merkel et 1/3 Thatcher Â». Son programme économique contient une baisse des impôts de production, le renforcement de la dégressivité de l’assurance chômage, le report de l’âge de la retraite à 65 ans, la défiscalisation des donations jusqu’à 100.000 euros, et la suppression de 200.000 emplois de fonctionnaires administratifs pour « débureaucratiser Â» l’État. Cela tout en promettant une hausse des bas salaires et des petites retraites, ainsi qu’une baisse de la dette publique. Des réformes dont elle assume la « radicalité Â».

Elle incarne une ligne politique du juste milieu, à même de fédérer autour d’elle les différents courants du parti, tentés à droite par Zemmour et à gauche par Macron. Un véritable exercice d’équilibriste. Son aile droite ne se prive pas pour maintenir une certaine pression idéologique sur sa campagne : le sénateur Bruno Retailleau rappelle que « Pour gagner, elle ne doit trahir ni même affadir ses convictions Â», tandis qu’Eric Ciotti veille sur « les idées d’une droite claire, forte, sans compromission Â», et prône « une campagne de clarté absolue contre le macronisme Â». Pour envoyer un message d’unité, Valérie Pécresse a débuté un grand tour des fédérations des vaincus de la primaire. La tournée a commencé par Saint-Martin-Vésubie près de Nice, le fief et village d’origine d’Eric Ciotti.

Du côté de la puissante fédération LR des Bouches-du-Rhône, les troupes sont désormais rassemblées derrière leur championne, même si les soutiens locaux ont été très partagés lors la primaire, aucun candidat ne faisant l’unanimité. Eric Ciotti, basé dans la même région, disposait dans ce proche département méridional de soutiens de poids, comme les députés Julien Ravier et Guy Teissier, et même le porte-parole de sa campagne, le sénateur Stéphane Le Rudulier. Avec plus de 4600 adhérents, il s’agit de la troisième fédération de France, après celles des Alpes-Maritimes et de Paris centre. A la suite de la démission fin novembre du président de la région Sud Renaud Muselier, c’est la secrétaire générale de la fédération Martine Vassal qui en assure seule la direction.

Au niveau national, la campagne de Valérie Pécresse démarre sous les meilleurs auspices, alors qu’un sondage Elabe la donne pour la première fois qualifiée au second tour, où elle battrait même Emmanuel Macron avec 52% des voix. Toutefois, gare à l’emballement. Si la victoire à la primaire d’un grand parti fait systématiquement bondir les intentions de vote des candidats fraîchement désignés, rares sont ceux qui parviennent à conserver ces scores. Bien d’autres avant elle l’ont appris à leurs dépens. L’avenir dira si Valérie Pécresse sera celle qui rétablira la droite au pouvoir après dix ans d’absence, ou si elle enterrera – peut-être pour toujours – son espoir de redevenir un parti de gouvernement.

Antoine LIVIA