Le contrôleur général Grégory Allione prône un «service national» pour les jeunes

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Le contrôleur général Grégory Allione est directeur du service départemental d’incendie et de secours des Bouches-du-Rhône et président de la Fédération nationale des pompiers de France. Cet automne, il livre son témoignage aux côtés d’Olivier Richefou, élu local depuis plus de trente ans, dans un livre au titre hautement parlant : « Sapeurs-pompiers, un engagement au quotidien Â» (éditions du Rocher). Le Méridional a eu l’honneur d’échanger avec lui autour de cette publication.

Le Méridional : Contrôleur général Allione, pourquoi avoir publié ce livre ?

Grégory Allione : Olivier Richefou a soumis l’idée d’écrire ce livre sur les sapeurs-pompiers. Cela nous a semblé opportun aussi dans le contexte de la loi Matras [qui veut consolider le modèle de sécurité civile et valoriser les pompiers professionnels et volontaires, ndlr] et dans celui de la visite du président de la République lors du Congrès national des sapeurs-pompiers de France à Marseille en octobre 2021.

L.M : Quels sont les sujets majeurs à mettre en lumière en ce moment ?

G.A : Il y a un certain nombre de sujets importants ; l’exemple que l’on prend souvent, celui de la mise en place d’un numéro unique, n’en est qu’une des facettes. Ce qui est essentiel, c’est de réorganiser notre système de santé : la crise du covid n’a été qu’un révélateur des difficultés du quotidien. C’est un véritable sujet de société, et les pompiers sont le premier rempart.

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Dans notre société en perte de repères, il faut protéger en amont les acteurs publics comme l’infirmier, le policier, le professeur, le pompier, avant la réponse pénale.

L.M : Le modèle du pompier « ange gardien » peut-il tenir à long terme ?

G.A : Non bien sûr. Aujourd’hui, les pompiers se trouvent sur tous les fronts : le secours aux personnes, les catastrophes naturelles. Toutes les sept secondes a lieu une intervention en France. Il faut défendre le modèle du volontariat, réorganiser la réponse aux personnes.

L.M : Qu’est-ce qui vous fait prôner un « service national, universel, obligatoire » ?

G.A : Si l’on veut « faire nation Â», il faut que tout le monde partage un certain nombre de valeurs. Le terme d’ « obligatoire Â» fait peur, mais après tout, l’école est bien obligatoire ! Et l’éducation est une chance. Je ne suis pas le seul à penser que cette mise en place serait bénéfique. Ce n’est pas non plus une idée « ringarde Â» : on parle d’un service national, pas militaire. Il s’agit de faire se rencontrer les jeunes, de les aider à trouver des repères. Où pourraient-ils trouver un cadre plus favorable à la découverte du monde sportif, associatif, etc.

Pour être régulièrement au contact avec la jeunesse (jeunes sapeurs, cadets, écoles…), je peux dire qu’elle a de belles qualités : le dynamisme, l’impétuosité, une certaine ouverture aussi que n’avaient pas les générations précédentes. Il lui manque seulement un cap.

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L.M : Que peut-on faire pour susciter des vocations ?

G.A : Le contact avec la population est primordial. Il faut donner envie aux jeunes et aux très jeunes de donner de leur temps et de leur personne. Il faut aussi savoir leur proposer des modèles à suivre, des figures, des personnalités.

L.M : Vous publiez ce livre avec Olivier Richefou, vous travaillez régulièrement avec des élus de la République. Quel travail peut être mené avec les élus locaux ?

G.A : J’ai un très grand respect pour les élus, à toutes les échelles. Ce sont des gens engagés, qui pour la plupart aiment leur territoire. Pendant la crise du covid, mais aussi lors de toutes les grosses interventions, nous constatons un réel appui des élus. Ils entretiennent un « esprit d’équipe Â» local, un front commun, au-delà des appartenances politiques. Dans le cadre de la loi Matras, les parlementaires ont eu une réponse unanime.

L.M : Comment prendre soin de l’engagement physique et mental de ses subordonnés ? Qu’est-ce qu’être un chef engagé ?

G.A : En tant que chef, on se doit d’être très attentif, que ce soit envers un cadre, un cadet, un adjudant. Il faut savoir que « sa difficulté est la mienne Â» ; c’est à ce sentiment que fait référence le beau mot de « corps Â». « Si tu ralentis, ils s’arrêtent, si tu faiblis, ils flanchent… Â» Plus on est en haut de la hiérarchie, plus on doit donner l’exemple. Que ce soit dans les paroles ou dans les actes. Aujourd’hui le terme de « chef Â» est galvaudé : avant d’en imposer aux autres, il s’impose d’abord à lui-même. Un chef a beaucoup plus de devoirs que de droits ! Ensuite les autres suivront naturellement.

Propos recueillis par Jeanne RIVIERE

« Sapeurs-pompiers, un engagement au quotidien », Grégory Allione et Olivier Richefou, éditions du Rocher, octobre 2021, 15,90€.

Grégory Allione est contrôleur général des sapeurs-pompiers, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et de l’Å’uvre des Pupilles (ODP), chef de corps des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône, et sapeur-pompier depuis 32 ans.

Olivier Richefou est président du Conseil départemental de la Mayenne, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS), vice-président de l’Assemblée des départements de France (ADF) et élu loal depuis 32 ans.